Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 26 avril 2023 par lequel le préfet de police a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2318661/1-1 du 6 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 26 janvier 2024, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 2318661/1-1 du 6 décembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la requête présentée par M. A....
Il soutient que :
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas entachée d'erreur d'appréciation ;
- aucun des autres moyens soulevés en première instance n'est fondé.
Par un mémoire en défense et en appel incident enregistré le 17 mai 2024, M. A..., représenté par Me Bera, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, d'infirmer le jugement du 6 décembre 2023 en ce qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions de refus de titre de séjour, d'obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination et d'annuler l'arrêté du préfet de police du 26 avril 2023 ;
3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet de police s'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ne sont pas fondés ;
- les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français ont été prises en violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de la décision d'obligation de quitter le territoire français qui en constitue le fondement.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 8 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 26 avril 2023, le préfet de police a refusé de renouveler le titre de séjour de M. D... A..., ressortissant sénégalais né le 17 novembre 1982, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans. M. A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 6 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français, a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant de la somme de 1 000 euros en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la requête. Le préfet de police relève appel du jugement en ce qu'il a annulé la décision d'interdiction de retour sur le territoire français et qu'il a mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais d'instance. M. A... demande l'annulation de l'arrêté du 26 avril 2023.
Sur l'appel du préfet de police :
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :
2. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".
3. Pour annuler la décision contestée, le tribunal administratif de Paris a relevé que M. A... était présent en France depuis 2008, que ses deux enfants français y résidaient régulièrement et que le requérant avait obtenu de l'autorité judiciaire un droit de visite de l'un de ses enfants à raison d'une fois par mois.
4. Le préfet de police soutient que M. A... ne justifie pas de son intégration sociale et professionnelle en France, ni de l'exercice de son droit de visite de son fils E... B... A... dans le cadre du jugement rendu par le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Saint-Brieuc le 16 septembre 2021 postérieurement au mois de mai 2022. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment des termes du jugement du juge aux affaires familiales du 16 septembre 2021, que le droit de visite a été accordé à M. A... pour son enfant français E... B... à la demande de l'enfant, afin de répondre à ses interrogations sur son histoire familiale complexe. Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, en dépit de la menace pour l'ordre public que représente M. A... et nonobstant la circonstance que ce dernier ne justifie pas de ses visites depuis le mois de mai 2022, le préfet de police a entaché la décision contestée lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trois ans, d'une erreur d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé pour le motif rappelé au point 3, la décision d'interdiction de retour sur le territoire français et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil du requérant de la somme de 1 000 euros, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions d'appel incident de M. A... :
En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire :
6. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
7. M. A... fait valoir qu'il vit en France depuis 2008, qu'il y est bien intégré socialement et professionnellement, qu'il est père de deux enfants français avec lesquels il entretient des liens forts et qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il ressort toutefois des pièces du dossier que, comme exposé aux points 6 et 8 du jugement attaqué, d'une part, M. A... a fait l'objet de nombreuses condamnations entre 2011 et 2021 et qu'il représente ainsi une menace pour l'ordre public et, d'autre part, que le requérant ne justifie pas contribuer à l'entretien et à l'éducation de ses enfants français, ni exercer son droit de visite prévu dans le jugement du juge aux affaires familiales en date du 16 septembre 2021 postérieurement au mois de mai 2022. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées auraient porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises et méconnu l'intérêt supérieur de ses enfants. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
8. Les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégales, l'exception d'illégalité de ces décisions invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant fixation du pays de destination doit être écartée.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions du préfet de police du 26 avril 2023 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident de M. A... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- M. François Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.
La rapporteure,
I. C...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 24PA00047