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03/10/2024 | FRANCE | N°23PA04164

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 03 octobre 2024, 23PA04164


Vu la procédure suivante :





Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 26 septembre 2023 ainsi que les 14 mars et 17 mai 2024, la société Supermarchés Match, représentée par Me Meillard Guguen et Me Bâton, demande à la Cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2023 par lequel le maire de la commune de Meaux (Seine-et-Marne) a accordé un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale n° PC 077284 22 00061 à la société Sodimeaux, pour la démolition de bâtiments et installations vé

tustes et l'extension du centre commercial Leclerc, sur un terrain situé 3, rue Georges Claude à Mea...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 26 septembre 2023 ainsi que les 14 mars et 17 mai 2024, la société Supermarchés Match, représentée par Me Meillard Guguen et Me Bâton, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 26 juillet 2023 par lequel le maire de la commune de Meaux (Seine-et-Marne) a accordé un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale n° PC 077284 22 00061 à la société Sodimeaux, pour la démolition de bâtiments et installations vétustes et l'extension du centre commercial Leclerc, sur un terrain situé 3, rue Georges Claude à Meaux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Meaux et de l'Etat le versement d'une somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis de la commission nationale d'aménagement commercial est entaché d'irrégularité, car il n'est pas justifié de la réception de l'ensemble des documents requis par chacun des membres de la commission nationale d'aménagement commercial, dans les conditions fixées par l'article R. 752-35 du code de commerce ;

- cet avis est entaché d'erreurs d'appréciation au regard des articles L. 752-6 et R. 752-6 du code de commerce : tout d'abord, en ce qui concerne l'aménagement du territoire : l'effet du projet sur les flux de circulation est insuffisamment analysé et l'objectif de consommation économe de l'espace n'est pas respecté ; ensuite, en ce qui concerne le développement durable : la végétalisation du site et l'insertion paysagère et architecturale du projet sont insuffisantes ; enfin, en ce qui concerne la protection des consommateurs : le projet aura des effets négatifs sur l'animation de la vie urbaine et la préservation du centre-ville et sera insuffisamment accessible par les modes de transport alternatifs.

Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 16 novembre 2023 et le 9 avril 2024, la société Sodimeaux, représentée par Me Bouyssou, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société requérante, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 14 mars 2024, la commune de Meaux, représentée par Me Landot, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

La commission nationale d'aménagement commercial a produit des pièces, enregistrées le 1er décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Gobeill, rapporteur public,

- les observations de Me Bâton, représentant la société Supermarchés Match,

- et les observations de Me Poiré substituant Me Landot, représentant la commune de Meaux.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 novembre 2022, la société Sodimeaux a présenté une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale (n° PC 077284 22 00081) pour l'extension du centre commercial Leclerc, situé 3, rue Georges Claude à Meaux (77100), comportant la démolition de bâtiments et installations vétustes, l'extension de 1 332 m2 de la surface de vente d'un hypermarché Leclerc, portant sa surface de vente à 4 329 m2, l'extension de 83 m2 de la surface de vente de la galerie marchande, portant sa surface de vente à 6 943 m2 et la pose de panneaux photovoltaïques sur la toiture. La commission départementale d'aménagement commercial de Seine-et-Marne a rendu un avis favorable à ce projet le 31 janvier 2023. Saisie par les sociétés Distribution Casino France, Podilize, Supermarchés Match et Auchan Supermarché, la commission nationale d'aménagement commercial a également rendu un avis favorable au projet le 8 juin 2023. Par un arrêté du 26 juillet 2023, le maire de la commune de Meaux a délivré à la société Sodimeaux le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sollicité. Par la présente requête, la société Supermarchés Match demande l'annulation du permis de construire litigieux en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale.

Sur la légalité de l'arrêté du 26 juillet 2023 :

En ce qui concerne la procédure devant la commission nationale d'aménagement commercial :

2. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les membres de la commission nationale d'aménagement commercial ont été destinataires simultanément le 23 mai 2023, par le biais de l'application www.e-convocations.com, d'une convocation en vue de la séance de la commission du 8 juin 2023 à 14 heures, au cours de laquelle celle-ci devait examiner le projet en litige. Cette convocation était assortie de l'ordre du jour de cette séance et précisait que les documents visés à l'article R. 752-35 du code de commerce seraient disponibles, au moins cinq jours avant la tenue de la séance, sur la plateforme de téléchargement. La société gestionnaire de l'application www.e-convocations.com certifie en outre que les convocations ont bien été transmises de façon simultanée à l'ensemble des destinataires et le secrétariat de la Commission a produit une copie d'écran de la plate-forme d'échanges Dematis. Contrairement à ce que prétend la société Supermarchés Match, l'ensemble de ces documents permettent de justifier que les membres de la Commission nationale d'aménagement commercial ont été régulièrement convoqués à la séance du 8 juin 2023 au moins cinq jours avant celle-ci et qu'ils ont reçu l'ensemble des éléments de dossiers pour la séance en cause conformément à l'article R. 732-35 du code de commerce. Au demeurant, il est constant qu'aucun membre de la commission nationale d'aménagement commercial ne s'est plaint de ne pas avoir été destinataire de la convocation et/ou des documents nécessaires à l'examen des dossiers. Par suite, en l'absence d'éléments circonstanciés de nature à remettre en cause les pièces justificatives fournies par la commission nationale d'aménagement commercial, le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation des membres devant la commission nationale d'aménagement commercial doit être écarté.

En ce qui concerne l'appréciation portée sur le projet par la commission nationale d'aménagement commercial :

4. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Aux termes de cet article : " (...) / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : (...)b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; (...) d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation (...) ; / 2° En matière de développement durable : (...) b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi.

Quant à l'objectif d'aménagement du territoire :

5. En premier lieu, la société Supermarchés Match soutient que l'étude de circulation réalisée en septembre 2022 est insuffisante, dès lors qu'elle se borne à une présentation restreinte des voies limitrophes au projet, sur une portion de route formant un rectangle autour de celui-ci, sans étudier les principaux axes de desserte du site que sont l'avenue de la Victoire (D603) et la RD405. La société requérante fait également valoir que le projet aura un impact négatif sur les flux de circulation, en aggravant les conditions de circulation aux abords de la zone d'activité en entrée de ville, notamment au carrefour entre l'avenue de la Victoire et la rue Georges Claude. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier de demande, notamment de l'étude d'impact sur la circulation réalisée par un bureau d'études, que l'impact du projet sera " limité localement sur la voirie, les carrefours offrant des réserves de capacité suffisantes " et que les estimations du flux supplémentaire ne représentent que 20 véhicules par heure et par sens, soit moins d'un véhicule toutes les trois minutes par sens de circulation. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet engendrerait des problèmes de circulation accrus au niveau des carrefours, l'étude d'impact relevant que le projet n'engendrera aucun dysfonctionnement sur le carrefour d'accès depuis l'avenue de l'Epinette (le projet prévoyant que l'accès des clients par l'avenue de l'Epinette sera, du reste, fermé), ni sur le carrefour d'accès depuis la rue Georges Claude et depuis l'avenue de la Victoire. Par suite, alors que le ministre chargé de l'urbanisme a, au demeurant, émis un avis favorable au projet, le moyen tiré de la méconnaissance du critère de l'effet du projet sur les flux de circulation ne peut donc qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, la société Supermarchés Match soutient que le projet est insuffisant au regard de l'objectif de consommation économe de l'espace, dès lors que le terrain d'assiette, d'une superficie de 50 877 m2, est uniquement destiné à accueillir un équipement commercial et demeure surdimensionné, la voirie et le stationnement représentant 51,33% de la surface du terrain et les cheminements piétons constituant 5% de cette surface. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la démolition de bâtiments existants permettra la création de nouveaux espaces verts, d'une superficie de 4 000 m2 et l'emprise au sol des bâtiments sera réduite de 4 959 m2. En outre, la société requérante soutient que la création de 38 places de parking supplémentaires conduit à une baisse de la compacité des constructions. Cependant, si le nombre de places de parking passera de 630 à 668, le projet prévoit que 608 places seront perméables alors que le parc de stationnement existant ne comporte que des places imperméables. En conséquence, le moyen tiré de l'absence de consommation économe de l'espace sera écarté.

7. En troisième lieu, la société Supermarchés Match soutient que la commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur d'appréciation, en ne se prononçant pas sur les effets du projet sur l'animation de la vie urbaine et en estimant qu'il ne porterait pas atteinte à la préservation des commerces des centres-villes de Meaux et de Trilport. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de la synthèse de l'impact général du projet, que, alors que la commission nationale d'aménagement commercial n'est pas tenue de se prononcer sur tous les critères d'appréciation définis par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce, ce projet, qui porte sur une extension d'un hypermarché existant, ne prévoit pas une nouvelle offre de produits et réduira son offre de produits textile, premier secteur commercial en centre-ville de Meaux. En outre, il ressort de ces pièces que le taux de vacance commerciale est inférieur en centre-ville de Meaux (8,9%) à celui de la moyenne nationale (11%) et que la commune de Trilport compte, sur 28 commerces, 3 locaux commerciaux vacants. Par ailleurs, il ressort des mêmes pièces que la zone de chalandise connaît une progression démographique (+ 10,92% entre 2009 et 2019) et une augmentation du nombre de logements, (+ 16,3% au cours de la même période). Enfin il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet est de nature à entraver les actions menées au titre de l'opération " Action Cœur de Ville ". Ainsi, la société Supermarchés Match n'est pas fondée à soutenir que l'avis de la commission serait entaché d'erreur d'appréciation en ce qui concerne les effets du projet sur le tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation et des communes limitrophes.

8. En quatrième et dernier lieu, la société Supermarchés Match soutient que la desserte du projet par les modes de transport alternatifs est insuffisante, en l'absence de voies d'accès sécurisées pour les cyclistes et les piétons. Il ressort cependant des pièces du dossier, notamment de l'analyse d'impact que, d'une part, si l'accès à l'hypermarché ne peut être réalisé par des voies cyclables, les cyclistes peuvent, en empruntant l'avenue de l'Epinette, moins fréquentée par les voitures que l'avenue de la Victoire (D 603), rejoindre la piste cyclable sur cette dernière avenue et accéder de manière sécurisée au centre commercial. En outre, alors que la communauté d'agglomérations du pays de Meaux élabore un plan local de déplacement afin de constituer un réseau de pistes cyclables intercommunal, le réseau cyclable de la ville de Meaux, qui représente 45 kilomètres, sera étendu et sécurisé, dans le cadre du " Grand plan vélo 2024 ". Par ailleurs, le site comprendra quatre zones de stationnement abritées dédiées aux vélos. D'autre part, bien que le projet soit situé dans une zone commerciale, il sera accessible à pied, dès lors que des liaisons piétonnes continues seront aménagées entre le centre commercial, l'avenue de la Victoire et la rue Georges Claude, représentant une emprise de 2 542 m2 contre 1 456 m2 actuellement. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'accessibilité par les cyclistes et les piétons sera écarté.

Quant à l'objectif de développement durable :

9. La société Supermarchés Match soutient que la végétalisation du site et l'insertion paysagère et architecturale du projet sont insuffisantes. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le projet, situé au sein de la zone commerciale de Meaux qui ne présente pas d'intérêt paysager ou architectural particulier, crée, comme cela a été exposé au point 6, de nouveaux espaces verts sur une surface de 4 000 m2, rend perméables 608 places de parking, conduit à la plantation de 101 arbres supplémentaires et prévoit que la toiture de l'extension sera recouverte d'une centrale photovoltaïque destinée à l'autoconsommation du bâtiment. La société Supermarchés Match n'est, par conséquent, pas fondée à soutenir que le projet serait entaché d'une erreur d'appréciation du critère de la qualité environnementale du projet.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la société Supermarchés Match n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 26 juillet 2023 par lequel le maire de Meaux a délivré à la société Sodimeaux un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.

Sur les frais liés à l'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat et de la commune de Meaux, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement de la somme que la société Supermarchés Match demande au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société requérante le versement à la commune de Meaux et à la société Sodimeaux, respectivement, d'une somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Supermarchés Match est rejetée.

Article 2 : La société Supermarchés Match versera à la société Sodimeaux une somme de 1 500 euros et à la commune de Meaux une même somme de 1 500 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Supermarchés Match, à la société Sodimeaux, à la commune de Meaux et à la commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- M. Stéphane Diémert, président-assesseur,

- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2024.

La rapporteure, Le président,

I. A... I. LUBEN

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de Seine-et-Marne, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04164


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04164
Date de la décision : 03/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Irène JASMIN-SVERDLIN
Rapporteur public ?: M. GOBEILL
Avocat(s) : SCP BOUYSSOU & ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-03;23pa04164 ?
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