Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 2 août 2021 par lequel le préfet de police a rejeté la demande présentée pour lui par la société EPSP tendant à ce qu'il soit habilité à accéder aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes, d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une habilitation à accéder aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2111030 du 29 septembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 24 novembre 2023, M. B..., représenté par Me. Ormillien, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2111030 du 29 septembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 2 août 2021 par lequel le préfet de police a rejeté la demande présentée pour lui par la société EPSP tendant à ce qu'il soit habilité à accéder aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes ;
3°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de lui délivrer une habilitation à accéder aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes dans un délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué a été pris au terme d'une procédure irrégulière dès lors qu'il n'est pas justifié que l'agent ayant procédé à l'enquête administrative était habilité à cette fin, en application du I de l'article 5 du décret n°2010-569 du 28 mai 2010 ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- l'arrêté attaqué est fondé sur des faits matériellement inexacts dès lors qu'il n'a jamais été mis en cause pour des faits de circulation, détention, commerce ou transport de marchandise sans justification d'origine communautaire régulière ;
- il est entaché d'une erreur de qualification juridique dès lors que cette habilitation ne peut, en application de l'article R. 213-3-1 du code de l'aviation civile, être refusée que si la moralité ou le comportement de la personne concernée sont incompatibles avec les objectifs de sûreté de l'Etat et de sécurité des personnes visées à cet article, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Par un mémoire enregistré le 29 janvier 2024 le préfet de police se déclare incompétent pour défendre dans la présente instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2024, le ministre de l'intérieur et des Outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des transports ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Labetoulle,
- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Entreprise Pepete Service Plus (EPSP), dont M. B... avait été le gérant avant de démissionner de cette fonction et d'en devenir le responsable commercial salarié, a sollicité le 29 avril 2021 pour celui-ci le renouvellement de l'habilitation l'autorisant à accéder aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes. Cette demande a été rejetée par un arrêté du préfet de police n° 2021/07/21-8781 du 2 août 2021. M. B... a saisi le tribunal administratif de Montreuil de deux demandes tendant respectivement à l'annulation et à la suspension de cet arrêté. Par une ordonnance du 8 octobre 2021 le juge des référés du tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de suspension au motif que la condition d'urgence n'était pas satisfaite. Le tribunal a ensuite rejeté sa demande au fond, par un jugement du 29 septembre 2023 dont M. B... relève appel.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 6342-3 du code des transports, dans sa rédaction applicable au litige : " Les personnes ayant accès aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes ou aux approvisionnements de bord sécurisés, ainsi que celles ayant accès au fret (...), doivent être habilitées par l'autorité administrative compétente. / La délivrance de cette habilitation est précédée d'une enquête administrative donnant lieu, le cas échéant, à consultation du bulletin n° 2 du casier judiciaire et des traitements automatisés de données à caractère personnel gérés par les services de police et de gendarmerie nationales (...) ". Aux termes de l'article
L. 114-1 du code de la sécurité intérieure : " I. - Les décisions administratives (...) d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (...) l'accès à des zones protégées en raison de l'activité qui s'y exerce (...) peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 28 mai 2010 susvisé relatif au fichier des personnes recherchées : " Le ministre de l'intérieur (...) est autorisé à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "fichier des personnes recherchées". (...) / Ce traitement peut faire l'objet d'une consultation lors de la réalisation des enquêtes administratives prévues aux articles L. 114-1, L. 114-2 et L. 211-11-1 du code de la sécurité intérieure (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " I. - Peuvent seuls avoir accès aux données à caractère personnel et informations enregistrées dans le fichier des personnes recherchées, dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées : / 1° Les agents des services de la police nationale individuellement désignés et spécialement habilités (...) / 4° Les agents des services centraux du ministère de l'intérieur et des préfectures et sous-préfectures individuellement désignés et spécialement habilités (...) ".
3. Dès lors que les dispositions citées ci-dessus du code des transports prévoient la possibilité que certains traitements automatisés de données à caractère personnel soient consultés au cours de l'enquête conduite par l'administration dans le cadre de ses pouvoirs de police, préalablement à la délivrance d'une habilitation individuelle, la circonstance que l'agent ayant procédé à cette consultation n'aurait pas été, en application des dispositions réglementaires également citées ci-dessus, individuellement désigné et régulièrement habilité à cette fin, si elle est susceptible de donner lieu aux procédures de contrôle de l'accès à ces traitements, n'est pas, par elle-même, de nature à entacher d'irrégularité la décision prise sur la demande d'habilitation. En tout état de cause, le préfet de police a produit devant le tribunal la fiche individuelle d'habilitation de Mme A... D..., fonctionnaire de police exerçant les fonctions de gardien de la paix, qui a procédé à cette consultation. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière, dès lors qu'il ne serait pas justifié que la consultation du fichier des personnes recherchées a été effectuée par un agent habilité à cette fin, d'une part est inopérant, et, d'autre part et en tout état de cause, manque en fait.
4. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise les textes applicables, en particulier le code des transports en mentionnant ses articles L. 6332-2, L. 6342-2 et L. 6342-3, le code de l'aviation civile et le code des relations entre le public et l'administration, et il vise la demande déposée au bénéfice du requérant, mentionne le fait qu'il a été mis à même de présenter ses observations, avant de retenir qu'il est connu pour les faits, commis le 31 mars 2021, de circulation, détention, commerce ou transport de marchandises sans justification d'origine communautaire régulière (tabac), que son comportement est dès lors incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées en zone de sûreté à accès réglementé des aérodromes, et que sa demande d'habilitation doit en conséquence être rejetée. Ainsi, cet arrêté contient l'énoncé des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et met l'intéressé à même de comprendre les motifs du refus d'habilitation qui lui est opposé. Par suite, le moyen tiré de son insuffisance de motivation, à l'appui duquel le requérant ne peut utilement contester le bien-fondé des motifs exposés, manque en fait.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 213-3-1 du code de l'aviation civile, alors en vigueur, dans sa rédaction applicable au litige : " I.- L'habilitation mentionnée à l'article L. 6342-3 du code des transports est demandée par l'entreprise ou l'organisme qui emploie la personne devant être habilitée. (...) / II.- L'habilitation peut être retirée ou suspendue par le préfet territorialement compétent lorsque la moralité ou le comportement de la personne titulaire de cette habilitation ne présente pas les garanties requises au regard de la sûreté de l'Etat, de la sécurité publique, de la sécurité des personnes, de l'ordre public ou sont incompatibles avec l'exercice d'une activité dans les zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes, dans les lieux de préparation et stockage des approvisionnements de bord, ou des expéditions de fret ou de courrier postal sécurisées et devant être acheminées par voie aérienne, ainsi que dans les installations mentionnées au III de l'article R. 213-3. (...) ".
6. M. B... conteste la matérialité des faits qui lui sont imputés, et soutient que l'arrêté attaqué se fonderait sur des faits inexacts, dont il n'aurait pas eu connaissance, et qui ne le concerneraient pas. Toutefois, il ressort de la consultation du fichier des personnes recherchées, effectuée dans le cadre de l'enquête administrative réalisée en application des dispositions citées au point 3, qu'il a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction d'entrer en relation avec diverses personnes mises en examen, interdiction d'exercer la fonction de gérant de société, ce qui l'a conduit à devoir renoncer à ses fonctions de co-gérant de la société EPSP à compter du 1er avril 2021 pour en devenir le salarié, et interdiction de sortir du territoire national assortie d'une obligation de remise du passeport à l'autorité judiciaire avant le 31 mars 2021, ce qu'il ne conteste pas, se bornant à soutenir que le contrôle judicaire dont il fait l'objet ne résulterait pas de ce qu'il aurait commis les faits de circulation, détention, commerce ou transport de marchandises sans justification d'origine communautaire régulière (tabac) invoqués par l'administration. Toutefois, s'il fait valoir qu'il ne lui est pas possible de démontrer l'inexistence des faits reprochés, il est en revanche en mesure de fournir des indications sur les motifs des mesures de contrôle judiciaire prises à son encontre, ce qu'il ne fait pas. De plus, contrairement à ce qu'il soutient, les infractions retenues par l'administration dans l'arrêté attaqué sont bien mentionnées dans la dernière page du rapport d'enquête, tel que produit par le préfet de police devant le tribunal. Par suite la matérialité des faits fondant le refus d'habilitation contesté peut être tenue pour établie.
7. En quatrième lieu, M. B... soutient que les faits en cause ne révèleraient pas un comportement ou une moralité susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l'Etat, ou à la sécurité publique et ne pourraient dès lors, en application de l'article R. 213-3-1 du code de l'aviation civile précité, justifier un refus d'habilitation. Toutefois ces faits sont, par leur nature, incompatibles avec l'exercice d'une activité dans les zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes, ce qui, en application des mêmes dispositions de l'article R. 213-3-1 du code de l'aviation civile, justifie également un refus d'habilitation, lequel a d'ailleurs été pris après avis défavorable à l'habilitation émis le 6 juillet 2021 par la direction de la police aux frontières. Par ailleurs, l'intervention d'un tel refus n'étant pas subordonnée à l'existence d'une condamnation pénale, M. B... ne peut utilement se prévaloir de l'absence de toute condamnation, et soutenir qu'il a un casier judiciaire vierge, outre qu'en tout état de cause, l'extrait de casier judiciaire qu'il produit a été délivré le
16 mars 2021, soit antérieurement aux faits reprochés, commis le 31 mars suivant. Enfin, alors même que ces faits auraient un caractère isolé, le préfet a pu, eu égard à leur nature et à leur gravité, retenir, sans erreur de qualification juridique, que le comportement du requérant était incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées en zone de sûreté à accès réglementé des aérodromes.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Police.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente de la formation de jugement,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Mélanie Palis De Koninck, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2024.
La rapporteure,
M-I. LABETOULLELa présidente,
M JULLIARD
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04839