Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 5 février 2024 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités italiennes.
Par un jugement n° 2403922/8 du 5 avril 2024, modifié par une ordonnance rectificative du 22 avril 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 5 février 2024 du préfet de police, enjoint à ce dernier de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 2 mai 2024, le préfet de police de Paris demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 2 à 4 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 comme fondé ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 juin 2024, M. A..., représenté par Me Pafundi, conclut au rejet du recours du préfet de police de Paris et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de de la somme de 1 500 euros H.T au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de police de Paris dès lors que sa demande d'asile a été enregistrée par l'OFPRA ;
- c'est à juste titre que le tribunal a retenu comme fondé le moyen tiré de la méconnaissance du 2 de l'article 3 du règlement UE n° 604/2013 du 26 juin 2013.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 mai 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Paris.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 5 février 2024, le préfet de police de Paris a décidé du transfert de M. A..., ressortissant guinéen né le 23 juin 1999, aux autorités italiennes aux fins d'examen de sa demande d'asile. Par un jugement du 5 avril 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté, enjoint au préfet de police de Paris de délivrer à M. A... une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement, et mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. A... d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le préfet de police de Paris relève appel de ce jugement.
Sur l'exception de non-lieu à statuer opposée en défense :
2. Si M. A... fait valoir que le préfet de police lui a délivré une attestation de demande d'asile en procédure normale le 23 avril 2024 et que sa demande d'asile a été enregistrée auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ces mesures sont intervenues en exécution du jugement du 5 avril 2024 et n'excèdent pas ce qui était nécessaire à l'exécution de ce jugement. Dans ces conditions, l'exception de non-lieu à statuer soulevée par M. A... doit être écartée.
Sur le motif d'annulation retenu par le tribunal :
3. Aux termes de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ".
4. Le système européen commun d'asile a été conçu de telle sorte qu'il est permis de supposer que l'ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux. Ainsi, il est présumé que l'Italie, Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assure un traitement des demandeurs d'asile respectueux de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Cependant, cette présomption peut être renversée s'il y a des raisons sérieuses de croire qu'il existe des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte.
5. Pour annuler l'arrêté du 5 février 2024 décidant du transfert de M. A... vers l'Italie, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a retenu qu'en produisant la lettre circulaire du 5 décembre 2022 du ministre italien de l'intérieur demandant une suspension des transferts " Dublin " du fait de l'importance des flux migratoires ainsi que des décisions de juridictions de certains Etats de l'Union, M. A... rapportait la preuve de ce que ses craintes relatives au défaut de protection en Italie étaient fondées. Toutefois, cette note, rédigée quatorze mois avant l'arrêté attaqué, qui se borne à demander " une suspension temporaire " des transferts de demandeurs d'asile en Italie pour des motifs purement techniques liés à la saturation des centres d'accueil, ne saurait, par elle-même, établir qu'il existerait en Italie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Par ailleurs, la circonstance que les autorités italiennes n'ont donné qu'un accord implicite à la prise en charge de M. A... n'est pas de nature à établir l'existence de telles défaillances. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondée sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3.2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour annuler l'arrêté attaqué.
6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... en première instance.
Sur les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal :
7. En premier lieu, l'arrêté attaqué a été signé par M. C..., adjoint au chef du bureau de l'accueil de la demande d'asile, qui, en vertu d'un arrêté n° 2024-00102 du 26 janvier 2024, publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris, disposait d'une délégation de signature afin de signer les décisions relatives à l'éloignement des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire manque en fait et doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du troisième alinéa de l'article L. 571-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.
9. L'arrêté litigieux, après avoir visé le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, mentionne les éléments de fait de la situation de M. A..., en rappelant notamment que le relevé de ses empreintes a révélé qu'il avait franchi irrégulièrement les frontières italiennes le 17 août 2023, qu'en application de l'article 13 du règlement n° 604/2013, les autorités italiennes devaient être regardées comme étant responsables de sa demande d'asile et avaient en conséquence été saisies d'une demande de prise en charge le 30 novembre 2023 en application de l'article 13-1 du règlement, et qu'elles avaient accepté leur responsabilité par un accord implicite du 31 janvier 2024, en application de l'article 22-7 du règlement. Il précise en outre que la situation de M. A... ne relève pas des dérogations prévues par les articles 3-2 ou 17 du règlement (UE) n° 604/2013 et qu'il ne peut se prévaloir d'une vie privée et familiale stable en France, ni être dans l'impossibilité de retourner en Italie, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, enfin, qu'il n'établit pas l'existence d'un risque personnel constituant une atteinte grave au droit d'asile en cas de remise aux autorités italiennes. Cet arrêté satisfait ainsi aux exigences de motivation résultant des dispositions citées ci-dessus.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre en temps utile, le 10 novembre 2023, lors de son entretien individuel, la brochure " A ", intitulée " J'ai demandé l'asile dans un pays de l'Union européenne ", et la brochure " B ", intitulée " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement, en langue française, et dont le contenu a été porté à la connaissance de M. A... par le biais d'un interprète en langue maninka, que l'intéressé a déclaré comprendre. Si l'intéressé soutient que le préfet de police n'apporte pas la preuve que ces documents étaient complets, ils n'apportent aucun élément en ce sens alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a reconnu, en signant la première page des brochures, avoir reçu les pages 1 à 13 de la brochure " A " et les pages 1 à 15 de la brochure " B ". Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Entretien individuel : 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. (...) / 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel./ 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ". Aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ".
13. Sauf élément particulier en sens contraire, un agent du bureau chargé de la demande d'asile doit être regardé comme une personne qualifiée en vertu du droit national. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la fiche d'instruction et du résumé de l'entretien établi le jour même et sur lequel est apposé un cachet portant la mention " Préfecture de Police, Délégation à l'Immigration, Bureau de l'accueil de la demande d'asile, 92, boulevard Ney - 75018 Paris ", que M. A... a bénéficié d'un entretien individuel mené, le 10 novembre 2023, dans les locaux de la préfecture de police par un agent de ce bureau. M. A... n'ayant apporté aucun élément au soutien de l'allégation selon laquelle l'entretien n'aurait pas été conduit par une personne qualifiée en vertu du droit national, alors qu'il ressort des pièces du dossier que cet entretien, qui a permis de l'inviter à fournir les informations en sa possession, utiles au processus de détermination de l'Etat membre responsable, a été conduit par un agent du bureau de l'accueil de la demande d'asile, les éléments versés au dossier par le préfet de police sont suffisants pour établir que l'entretien a été mené par une personne qualifiée au sens du droit national et dans les locaux de la préfecture. Par ailleurs, l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 n'exige pas que le résumé de l'entretien individuel mentionne l'identité et la qualité de l'agent chargé de conduire cet entretien, la durée de celui-ci, la possibilité de procéder à une relecture dudit résumé ou la possibilité pour le conseil de l'intéressé d'en solliciter la communication. Il ressort également du résumé que M. A... a bénéficié lors de son entretien individuel des services d'un interprète en maninké, qu'il a déclaré comprendre, provenant de l'organisme d'interprétariat ISM, agréé par l'administration et, qu'ainsi qu'il a été dit au point 12, la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 lui a bien été remise. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions dans lesquelles l'entretien s'est déroulé auraient privé M. A... de la possibilité de faire valoir toute observation utile ou n'auraient pas permis d'en assurer la confidentialité. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 doit être écarté.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ". Aux termes de l'article L. 122-1 de ce code : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".
15. Il résulte des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment des articles L. 571-1 et suivants, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions de transfert. Dès lors, les dispositions précitées du code des relations entre le public et l'administration ne sauraient être utilement invoquées à l'encontre de la décision de transfert en litige. En tout état de cause, si M. A... allègue qu'il n'aurait pas été en mesure de faire valoir ses observations avant l'intervention de la décision contestée et se prévaut par erreur de l'article " L. 211-5 " du code des relations entre le public et l'administration, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents qu'il a été mis à même de présenter ses observations avant l'intervention de la décision de transfert en litige. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées ne peut qu'être écarté.
16. En sixième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'Etat membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre Etat membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre Etat membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement (...) ". Aux termes de l'article 22 du même règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. / (...) 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ". Et aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 : " Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre Etats membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...). / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national (...) est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".
17. Le préfet de police de Paris a produit, en première instance, l'accusé de réception " DubliNet " généré par le point d'accès national de l'Etat requis, établissant qu'il a saisi les autorités italiennes, le 30 novembre 2023, soit dans le délai de deux mois à compter de la date du résultat positif (" hit ") Eurodac, le 30 octobre 2023, d'une requête aux fins de prise en charge de M.A.... Le préfet de police a également produit le constat de l'accord implicite des autorités italiennes à cette demande, au terme du délai de deux mois prévus par les dispositions du 7 de l'article 22 du règlement (UE) n° 604/2013, établi au moyen de la même application, accompagné de la copie du courrier électronique daté du 2 février 2024 accusant réception de ce constat. Par suite, le moyen tiré de l'existence d'un retard dans le processus de détermination de l'Etat responsable doit être écarté.
18. En septième lieu, aux termes de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 :
" (...) / 2. La décision visée au paragraphe 1 contient des informations sur les voies de recours disponibles, y compris sur le droit de demander un effet suspensif, le cas échéant, et sur les délais applicables à l'exercice de ces voies de recours et à la mise œuvre du transfert et comporte, si nécessaire, des informations relatives au lieu et à la date auxquels la personne concernée doit se présenter si cette personne se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable (...) ".
19. Les dispositions citées au point précédent n'imposent pas la mention systématique des informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter mais précisent uniquement que ces informations sont indiquées " si nécessaire ". Dans ces conditions, et alors que l'intéressé n'allègue pas avoir avisé les autorités françaises de son intention de se rendre par ses propres moyens dans l'Etat responsable du traitement de sa demande d'asile, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013.
20. En huitième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". De même, aux termes de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement ".
21. M. A... soutient qu'en cas de remise aux autorités italiennes, il pourrait encourir un risque d'expulsion vers la Guinée, pays dans lequel il a subi de nombreuses violences en raison de son orientation sexuelle et risque d'être exposé à des traitements inhumains ou dégradants. Toutefois, l'arrêté en litige a seulement pour objet de prononcer son transfert vers l'Italie et non de la renvoyer dans son pays d'origine. En outre, l'Italie, Etat membre de l'Union européenne, est partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi qu'il a été dit au point 6, il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier qu'il existerait des défaillances systémiques en Italie dans la procédure d'asile ou que la demande d'asile de l'intéressé n'y sera pas traitée dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Le requérant ne produit, enfin, aucun élément de nature à établir que les autorités italiennes n'évalueront pas, avant de procéder à un éventuel éloignement, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Guinée.
22. M. A... invoque en outre le durcissement de la politique migratoire italienne et un risque d'absence de prise en charge médicale en Italie, alors qu'il souffre de troubles psychiques et fait l'objet en France d'une surveillance biologique, ainsi qu'en attestent les certificats médicaux produits au dossier. Toutefois, comme il a été dit précédemment, la lettre circulaire du 5 décembre 2022 qu'il invoque, par laquelle le ministère italien de l'intérieur demande une " suspension temporaire " de la plupart des transferts à destination de l'Italie, pour des motifs techniques apparus soudainement et liés à l'indisponibilité des centres d'accueil dans ce pays, ne saurait, par elle-même, établir l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il y aurait, plusieurs mois après cette lettre circulaire, de sérieuses raisons de croire qu'il existe en Italie de telles défaillances. Enfin, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'état de santé de M. A... ferait obstacle à son transfert en Italie ni qu'il risquerait dans ce pays d'être privé de soins qui lui seraient nécessaires. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet de police aurait méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de l'article 17 du même règlement.
23. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 5 février 2024 décidant la remise de M. A... aux autorités italiennes, lui a enjoint de délivrer à l'intéressé une attestation de demande d'asile en procédure normale dans le délai de dix jours à compter de la date de notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, et à demander en conséquence l'annulation de ce jugement.
Sur les frais de l'instance :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A... demande au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement n° 2403922/8 du 5 avril 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris, auxquelles cette juridiction a fait droit par les articles 2, 3 et 4 de son jugement, et les conclusions d'appel présentées sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. B... et à Me Pafundi.
Copie en sera adressée au préfet de police de Paris.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24PA01986