Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2019 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai.
Par un jugement n° 2212777 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Semak, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Montreuil pour qu'il y soit statué au fond ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 400 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges, en ne prenant pas en compte l'ensemble des éléments démontrant l'absence de notification régulière de l'arrêté en litige et en ne répondant pas aux arguments tirés du caractère diligent dont il a fait preuve dans la gestion de sa situation administrative ainsi que de la probable responsabilité de l'association l'hébergeant, ont insuffisamment motivé leur jugement ;
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa requête comme irrecevable car tardive.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 11 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2024 à midi.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 20 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Larsonnier,
- et les observations de Me Ben Gadi, avocate de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 10 novembre 2000 et entré en France le 3 avril 2018 selon ses déclarations, a sollicité le 26 septembre 2019 son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 12 décembre 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. Par un jugement du 26 mai 2023, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Pour rejeter la requête dont il était saisi, le tribunal s'est borné à indiquer que l'accusé de réception postal d'un courrier expédié par les services de la préfecture de la Seine-Saint-Denis le 13 décembre 2019 à l'adresse indiquée sur le récépissé de demande de titre de séjour de M. A... en date du 26 septembre 2019 était revenu avec les mentions " présenté/avisé le 14/12 " et " Pli avisé et non réclamé " et que le requérant ne produisait qu'une attestation du 5 avril 2023 d'une cheffe de service de l'association qui l'hébergeait entre le 20 janvier 2019 et le 20 janvier 2020 mentionnant ne jamais avoir reçu de courrier recommandé pour l'intéressé pendant cette période, pour en déduire que M. A... n'établissait pas que le pli contenant l'arrêté en litige ne lui avait pas été valablement notifié le 14 décembre 2019 et que, par suite, sa demande était tardive et donc irrecevable. Cependant, M. A... soutenait devant le tribunal que, d'une part, l'absence de notification du pli recommandé en décembre 2019 pouvait être imputable aux services postaux en la période des fêtes de fin d'année où les effectifs sont réduits et composés de saisonniers, et d'autre part, seuls les salariés du centre d'hébergement dans lequel il résidait étaient habilités à réceptionner et à remettre le courrier aux personnes hébergées, et avait produit, le 20 avril 2023, une nouvelle attestation, datée du même jour, émanant de la cheffe de service hébergement de l'association Essor 93 mentionnant qu'un dysfonctionnement de ses services n'était pas à exclure. Eu égard à l'argumentation dont ils étaient saisis et aux éléments produits devant eux, les premiers juges, qui ont passé cette dernière attestation sous silence, ont insuffisamment motivé leur jugement. Par suite, M. A... est fondé à soutenir que ce dernier est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil.
Sur la recevabilité de la demande :
4. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " I.- L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. ". Aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l'application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, alors applicable : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, (...) l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai (...). ". Enfin, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ".
5. En cas de retour à l'administration, au terme du délai de mise en instance, du pli recommandé contenant la décision, la notification est réputée avoir été régulièrement accomplie à la date à laquelle ce pli a été présenté à l'adresse de l'intéressé, dès lors du moins qu'il résulte soit de mentions précises, claires et concordantes portées sur l'enveloppe, soit, à défaut, d'une attestation du service postal ou d'autres éléments de preuve, que le préposé a, conformément à la réglementation en vigueur, déposé un avis d'instance informant le destinataire que le pli était à sa disposition au bureau de poste. Compte tenu des modalités de présentation des plis recommandés prévues par la réglementation postale, doit être regardé comme portant des mentions précises, claires et concordantes suffisant à constituer la preuve d'une notification régulière le pli recommandé retourné à l'administration auquel est rattaché un volet " avis de réception " sur lequel a été apposée la date de vaine présentation du courrier et qui porte, sur l'enveloppe ou l'avis de réception, l'indication du motif pour lequel il n'a pu être remis.
6. Il ressort des pièces du dossier que le pli recommandé contenant l'arrêté du 12 décembre 2019, lequel mentionnait les voies et délais de recours, a été envoyé à l'adresse indiquée par M. A... lors du dépôt de sa demande de titre de séjour, à savoir le 36 allée des Côteaux, au Raincy, adresse de l'appartement mis à sa disposition par l'association Essor 93 et dans lequel l'intéressé a séjourné du 20 janvier 2019 au 20 janvier 2020. L'avis de réception de ce pli recommandé comporte la mention " présenté / avisé le : 14/12 " et a été retourné à l'administration avec la case " pli avisé et non réclamé " cochée et correspondant au motif de non distribution.
7. M. A... soutient qu'il n'a pas réceptionné le pli recommandé contenant l'arrêté en litige du fait de dysfonctionnements du service de distribution du courrier de la société La Poste, en raison notamment d'un manque d'effectifs pendant la période de fin d'année, ainsi que du fait d'une possible erreur des salariés du centre d'hébergement dans lequel il résidait dès lors qu'ils sont les seuls habilités à réceptionner et à remettre le courrier aux personnes hébergées. Toutefois, les attestations, versées aux débats, établies respectivement les 5 et 20 avril 2023 par la cheffe de service de l'association Essor 93 qui mentionnent, dans un premier temps, que le centre d'hébergement n'a reçu aucun courrier sous pli recommandé au nom de M. A... pendant toute la durée de son hébergement puis, dans un deuxième temps, eu égard à la production par le préfet en première instance de l'accusé de réception attaché au pli recommandé, qu'un dysfonctionnement dans la réception du courrier au centre n'est pas à exclure, sont insuffisantes, eu égard en particulier à la date à laquelle elles ont été établies et aux termes hypothétiques retenus dans la plus récente, pour remettre en cause les mentions portées sur l'accusé de réception. Par ailleurs, l'intéressé ne produit aucune pièce au soutien de ces allégations concernant les dysfonctionnements du service postal. Dans ces conditions, et eu égard aux mentions claires, précises et concordantes figurant sur l'avis de réception du pli recommandé retourné en préfecture, M. A... doit être regardé comme ayant régulièrement été avisé de sa présentation et de sa mise en instance auprès du bureau de poste. Ainsi, l'arrêté contesté doit être regardé comme ayant été régulièrement notifié à la date de sa présentation, soit le 14 décembre 2019. La circonstance que l'intéressé a sollicité à plusieurs reprises, entre mars et juin 2020, la communication d'une copie de cet arrêté auprès des services de la préfecture est sans incidence sur cette appréciation. Par suite, et alors que la demande d'aide juridictionnelle présentée le 9 juillet 2020 par M. A... n'a pas rouvert le délai de recours contentieux dès lors qu'elle était postérieure à l'expiration du délai de trente jours qui lui était imparti pour contester l'arrêté du 12 décembre 2019 du préfet de la Seine-Saint-Denis, sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Montreuil le 10 août 2022, était tardive.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté attaqué.
Sur les conclusions aux fins de renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Montreuil :
9. La cour ayant statué sur le litige, les conclusions présentées par M. A... aux fins de renvoi de l'affaire devant le tribunal administratif de Montreuil doivent être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel.
11. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du conseil de M. A... présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2212777 du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montreuil et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de la formation de jugement,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024.
La rapporteure,
V. Larsonnier La présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA03355 2