Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Infoline a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat français et l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) à lui restituer la somme de 435 560,41 euros qu'elle estime avoir acquittée à tort au titre de la taxe pour l'attribution de ressources de numérotation due pour les années 2018 et 2019.
Par un jugement n° 2300529/5-3 du 14 juin 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 21 juillet 2023 et le 27 mars 2024, appuyés de pièces complémentaires enregistrées les 24 avril et 3 juin 2024, la société Infoline, représenté par la SCP Boniface-Hordot-Fumat-Mallon, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner l'Etat français et l'ARCEP à lui verser la somme de 435 560,41 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat français et de l'ARCEP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont écarté à tort comme inopérante leur contestation qui ne portait pas sur un texte de nature législative mais règlementaire ;
- les taxes de numérotation perçues au titre des années 2018 et 2019 ont été calculées en application de l'arrêté du 6 août 2007 établissant la valeur du coefficient fixant l'assiette des taxes pour l'attribution de ressources de numérotation, lequel a été pris par une autorité incompétente au regard des dispositions de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;
- elles constituent des taxes affectées qui sont illégales dès lors qu'elles ne figurent pas à l'annexe explicative des lois de finances pour 2018 et 2019 prévue par les dispositions de l'article 51 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
- elles sont incompatibles avec les dispositions de l'article 12 de la directive 2002/20/CE du 7 mars 2002, dès lors qu'il n'est pas établi qu'elles couvrent exclusivement les coûts administratifs globaux occasionnés par la gestion, le contrôle et l'application du régime d'autorisation générale.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 novembre 2023 et les 22 mai et 3 juillet 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, l'ARCEP conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés par la société Infoline ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution ;
- la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances ;
- les directives 2002/20/CE et 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil du 7 mars 2002 ;
- la directive 2018/1972/UE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen (refonte).
- le code des postes et des communications électroniques ;
- l'arrêté du 6 août 2007 établissant la valeur du coefficient qui fixe l'assiette des taxes pour l'attribution de ressources en numérotation ;
- la décision du Conseil d'Etat n° 287486 du 25 avril 2007 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vrignon-Villalba,
- et les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par une lettre du 3 novembre 2022, la société Infoline a demandé à l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) de lui restituer la somme totale de 435 560,41 euros correspondant à la taxe due au titre de l'attribution de ressources de numérotation pour les années 2018 et 2019. En l'absence de réponse, elle a saisi le tribunal administratif de Paris d'une demande tendant au versement de cette somme. Par sa requête, la société Infoline demande l'annulation du jugement du 14 juin 2023 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 36-7 du code des postes et communications électroniques, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes : (...) / 7° Etablit le plan national de numérotation téléphonique, attribue aux opérateurs les ressources en numérotation nécessaires à leur activité dans les conditions prévues à l'article L. 44 et veille à leur bonne utilisation ; (...) ". Selon l'article L. 44 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " I. - Le plan national de numérotation téléphonique est établi par l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse et géré sous son contrôle. (...) / L'autorité attribue, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, aux opérateurs qui le demandent, des préfixes et des numéros ou blocs de numéros. (...) / II. - Chaque attribution de ressources de numérotation à un opérateur donne lieu au paiement par cet opérateur d'une taxe due par année civile, y compris l'année de l'attribution. / Pour le calcul de la taxe, un arrêté signé du ministre chargé des communications électroniques et du ministre chargé du budget fixe la valeur d'une unité de base " a ", qui ne peut excéder 0,023 euros. Cette valeur est fixée après avis de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse. / Le montant de la taxe dû par l'opérateur est fixé : / 1° A Pour chaque numéro à treize ou à quatorze chiffres attribué, à un montant égal à 0,1 a ; / 1° Pour chaque numéro à dix chiffres attribué, à la valeur de l'unité " a " ; / 2° Pour chaque numéro à six chiffres attribué, à un montant égal à 2 000 000 a ; / 3° Pour chaque numéro à quatre chiffres attribué, à un montant égal à 2 000 000 a ; 4° Pour chaque numéro à un chiffre attribué, à un montant égal à 20 000 000 a. / Le montant dû au titre de l'attribution est calculé au prorata de sa durée. (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 6 août 2007 établissant la valeur du coefficient qui fixe l'assiette des taxes pour l'attribution de ressources en numérotation : " La valeur du coefficient " a " visée à l'article L. 44 du code des postes et des communications électroniques susvisé relatif aux taxes pour l'attribution de ressources de numérotation est fixée à 0,020 euros. "
3. Si le Conseil d'Etat a jugé, dans sa décision n° 287486 du 25 avril 2007, que la taxe due en cas d'attribution de ressources de numérotation a la nature d'une taxe dont l'autorité réglementaire n'a pas compétence pour fixer les taux en vertu de l'article 34 de la Constitution, il ressort des dispositions citées au point précédent que, contrairement à ce que soutient la société Infoline, cette taxe est désormais fixée par la loi, qui ne renvoie à un arrêté que pour la seule détermination, dans les limites qu'elle a posées, de la valeur de l'unité de base " a ", utilisée pour le calcul du montant de la taxe de numérotation. Par suite, la société Infoline n'est pas fondée à soutenir que la taxe en litige aurait été établie par l'autorité réglementaire, qui n'est pas compétente pour ce faire, y compris dans son taux. A supposer qu'elle ait entendu soutenir qu'il devait revenir au législateur de fixer cette valeur et qu'à défaut, il a méconnu les dispositions de l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, il n'appartient pas au juge administratif, en dehors de la procédure prévue à l'article 61-1 de la Constitution, d'apprécier la conformité d'une disposition législative à des dispositions constitutionnelles.
4. En deuxième lieu, la société Infoline soutient que les lois de finances pour 2018 et 2019 méconnaissent les dispositions de l'article 51 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, entraînant l'illégalité de la perception de la taxe pour l'attribution de ressources en numérotation correspondant à ces deux années. Toutefois, ainsi que le tribunal l'a jugé au point 2 de son jugement, ce moyen tend nécessairement à faire apprécier par le juge administratif la conformité des lois de finances pour 2018 et 2019 avec les dispositions de la loi organique du 1er août 2001. Il n'appartient pas à la juridiction administrative d'exercer un tel contrôle. En tout état de cause, la taxe litigieuse, qui est reversée au budget de l'Etat, ne constitue pas une taxe affectée au sens des dispositions de l'article 2 de la loi organique du 1er août 2001.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 12 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (''directive cadre'') : " 1. Les taxes administratives imposées aux entreprises fournissant un service ou un réseau au titre de l'autorisation générale ou auxquelles un droit d'utilisation a été octroyé / a) couvrent exclusivement les coûts administratifs globaux qui seront occasionnés par la gestion, le contrôle et l'application du régime d'autorisation générale, des droits d'utilisation et des obligations spécifiques visées à l'article 6, paragraphe 2, (...) / et / b) sont réparties entre les entreprises individuelles d'une manière objective, transparente et proportionnée qui minimise les coûts administratifs et les taxes inhérentes supplémentaires. ". Aux termes de l'article 13 de cette même directive : " Les Etats membres peuvent permettre à l'autorité compétente de soumettre à une redevance les droits d'utilisation des radiofréquences ou des redevances ou des numéros ou les droits de mettre en place des ressources sur ou sous des biens publics ou privés, afin de tenir compte de la nécessité d'assurer une utilisation optimale de ces ressources. Les Etats membres font en sorte que ces redevances soient objectivement justifiées, transparentes, non discriminatoires et proportionnées eu égard à l'usage auquel elles sont destinées et tiennent compte des objectifs fixés à l'article 8 de la directive 2002/21/CE... ". Aux termes du 2 de l'article 8 de la directive 2002/21/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à un cadre réglementaire commun pour les réseaux et les services de communications électroniques (''directive cadre'') : " (...) Les autorités réglementaires nationales promeuvent la concurrence dans la fourniture des réseaux de communications électroniques, des services de communications électroniques et des ressources et services associés, notamment : /... d) en encourageant l'utilisation et la gestion efficaces... des ressources en numérotation ".
6. Il ressort des dispositions de l'article L. 44 du code des postes et communications électroniques citées au point 2 du présent arrêt que la taxe due en cas d'attribution de ressources de numérotation est calculée non pas en fonction du coût de la gestion du plan de numérotation, mais en fonction d'un coefficient multiplicateur plus ou moins élevé selon la rareté de la ressource en numérotation demandée et au prorata de la durée d'attribution, ce qui permet de refléter la valeur d'utilisation de la ressource allouée et d'en assurer une utilisation optimale conformément à ce qui est énoncé à l'article 8 de la directive 2002/21/CE. Elle constitue ainsi une " redevance " au sens des dispositions de l'article 13 de la directive 2002/20/CE, aujourd'hui reprises, s'agissant des droits d'utilisation de ressources de numérotation, à l'article 95 de la directive 2018/1972/UE du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 établissant le code des communications électroniques européen (refonte). Par suite, la société Infoline ne peut pas utilement se prévaloir de ce que la taxe mise à sa charge méconnaitrait les dispositions de l'article 12 de la directive 2002/20/CE, aujourd'hui reprises à l'article 16 de la directive 2018/1972/UE. Enfin, à supposer que la société Infoline ait entendu, à titre subsidiaire, soulever ce moyen, elle n'établit pas que la taxe litigieuse méconnaîtrait les dispositions de l'article 13 de la directive 2002/20/CE aujourd'hui reprises à l'article 95 de la directive 2018/1972/UE, en ce qu'elle ne serait pas proportionnée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Infoline n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Infoline est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Infoline et à l'autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024.
La rapporteure,
C. Vrignon-VillalbaLa présidente,
A. Menasseyre
La greffière,
N. Couty
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03255