Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société en nom collectif (SNC) Samada a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 3 décembre 2020 par laquelle l'inspecteur du travail lui a refusé l'autorisation de licenciement de M. C... B... demandée pour motif disciplinaire.
Par jugement n° 2101799 du 6 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 3 décembre 2020.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 mai 2023, M. D... C... B..., représenté par Me Meschin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2101799 du 6 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de rejeter la requête de première instance de la société Samada ;
3°) de mettre à la charge de la société Samada la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la société Samada ne s'est pas prévalue dans la demande d'autorisation de licenciement du grief relatif à la subtilisation concertée et planifiée d'un carton de bouteilles d'alcool de sorte que le tribunal a retenu un motif qui n'était pas énoncé dans la demande pour annuler le refus d'autorisation de licenciement opposé à son employeur ;
- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie dès lors qu'aucune vidéo ne démontre qu'il a rejoint M. A... et a transféré le carton de bouteilles volées sur son propre chariot, qu'il sort de ce carton une bouteille qu'il dépose à ses pieds et qu'il se rend en pause en dissimulant un objet sous ses vêtements ;
- il a toujours fermement contesté les faits de vol d'alcool qui lui ont été imputés et a maintenu avoir voulu rendre service à son collègue M. A... en conservant la bouteille d'alcool dans son vestiaire en ignorant l'origine frauduleuse de ladite bouteille ; quand bien même il aurait gerbé le carton en cause à la demande de M. A..., il n'est pas établi que ce dernier lui aurait dévoilé le contenu du carton litigieux ;
- si un doute subsiste, il doit profiter au salarié en application des dispositions de l'article L. 1235-1 du code du travail ;
- les seuls faits dont la matérialité est établie ne sont pas d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation de licenciement sollicitée, dès lors que le montant de la marchandise présente dans son casier est de 34,25 euros hors-taxes dont une partie importante est constituée par la bouteille d'alcool appartenant à M. A..., qu'il a une ancienneté de trois ans et dix mois au sein de l'entreprise et qu'il n'a jamais fait l'objet de procédure disciplinaire précédemment.
Par deux mémoires en défense et des pièces enregistrés le 10 novembre 2023, la société Samada, représentée par Me Jung-Allégret, demande à la cour de rejeter la requête de M. C... B... et de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice admirative.
Elle soutient que :
- l'inspecteur du travail ne s'est pas prononcé sur tous les griefs dénoncés par l'employeur et notamment pas sur l'existence d'une organisation frauduleuse des salariés dans laquelle la part de responsabilité de M. C... B... est démontrée ;
- la décision de l'inspecteur du travail est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la matérialité des faits qui sont reprochés à M. C... B... est établie et leur gravité est suffisante pour justifier la demande d'autorisation de licenciement sollicitée ;
- il ne s'agit pas d'un simple vol d'une marchandise de valeur modeste mais d'une organisation concertée et en bande à cette fin ;
- les moyens soulevés par M. C... B... ne sont pas fondés.
La requête a été transmise à la ministre du travail, de la santé et des solidarités qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Collet,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bourgoin pour la société Samada.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... C... B... a été recruté par la société Samada, filiale logistique du groupe Monoprix, le 10 juillet 2017 en qualité de cariste. Il exerçait le mandat de membre suppléant de la délégation du personnel du comité social et économique. Le 13 octobre 2020, il a été convoqué à un entretien préalable prévu le 20 octobre suivant. Par courrier du 22 octobre 2020 reçu le lendemain par la direction du travail, la société Samada a demandé l'autorisation de procéder à son licenciement pour motif disciplinaire. Par décision du 1er décembre 2020, l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser son licenciement. Par jugement n° 2101799 du 6 mars 2023, dont M. C... B... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a annulé cette décision.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier le licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi.
3. D'une part, il ressort de la demande d'autorisation de licenciement de la société Samada que, contrairement à ce que soutient M. C... B..., elle a indiqué à l'inspecteur du travail que les faits qu'elle reprochait à l'intéressé étaient constitutifs d'un système organisé de détournement de marchandises, avant de détailler les différentes étapes des faits motivant sa demande. Il s'ensuit que le moyen soulevé par M. C... B... selon lequel la société Samada ne se serait pas prévalue, dans la demande d'autorisation de licenciement, du grief relatif à la subtilisation concertée et planifiée d'un carton de bouteilles d'alcool de sorte que le tribunal aurait retenu un motif qui n'était pas énoncé dans la demande pour annuler le refus d'autorisation de licenciement opposé à son employeur n'est pas fondé.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier et notamment des extraits de vidéosurveillance produits par la société Samada que, le 9 octobre 2020 à 17 heures 26, un collègue de M. C... B... a, après s'être assuré qu'il n'était pas observé, saisi un carton de bouteilles d'alcool Jack Daniel's sur une palette au niveau de l'extrémité de l'allée 38 de l'entrepôt, l'a placé sur les fourches de son appareil de manutention dans un autre carton et l'a déposé sur une étagère de l'allée. Il apparaît ensuite clairement sur les images produites qu'à 17 heures 36, M. C... B..., alors qu'il avait fini sa dernière mission de stockage à 17 heures 33 et aurait dû être en pause, a retrouvé l'intéressé dans cette allée et après avoir vérifié ne pas être observé, a dissimulé son collègue avec son engin de manutention pour lui permettre de sortir ce carton et le placer sur son appareil de manutention. A 17 heures 38, M. C... B... après avoir contourné son engin, ouvert le carton et l'avoir ensuite refermé, l'a placé au fond de l'allée 39 tout en haut de l'espace de stockage avec son appareil de manutention. Sur la dernière vidéosurveillance produite le montrant, il apparaît qu'à 17 heures 40, M. C... B..., en descendant de son chariot pour prendre sa pause, a fait un mouvement pour retenir par en-dessous quelque chose dissimulé sous ses vêtements. Enfin, le 12 octobre 2020 à 7 heures 37, les images de vidéosurveillance produites par la société Samada montrent qu'un collègue de M. C... B... a été récupérer ce carton en haut de l'espace de stockage avant de l'entreposer dans une autre allée. Selon la société Samada, non contestée, au moment où ce carton a été retrouvé, seules deux bouteilles subsistaient à l'intérieur. Le mardi 13 octobre 2020, la société Samada a demandé aux trois salariés concernés, dont M. C... B... de procéder à l'ouverture de leur vestiaire, en présence de deux représentants du personnel, ce qui a conduit à la découverte d'une bouteille de Jack Daniel's, de trois tubes de crème hydratante, d'un mélange de fruits secs, d'un paquet de gaufrettes citron, de la pâte d'amande, d'une solution hydro alcoolique, correspondant à une valeur globale de 34,25 euros. Si la valeur des marchandises est modique, comme l'a retenu l'inspecteur du travail dans sa décision du 3 décembre 2020, toutefois, c'est à tort qu'il n'a pas retenu le grief pourtant soulevé par la société Samada dans sa demande d'autorisation de licenciement de M. C... B... pour motif disciplinaire relatif à l'existence, au sein de l'entreprise, d'un système organisé de détournement de marchandises, lequel est établi par l'enchaînement des faits précités reflété par les images de vidéosurveillance produites par la société. Ces faits qui sont matériellement établis, sont constitutifs d'une faute professionnelle d'une gravité suffisante permettant de justifier la demande d'autorisation de licenciement de M. C... B... quand bien même ce dernier a une ancienneté de trois ans et dix mois au sein de l'entreprise et qu'il n'a jamais fait l'objet de procédure disciplinaire précédemment.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement n° 2101799 du 6 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 3 décembre 2020 ayant refusé d'accorder à la société Samada l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation de ce jugement et de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais d'instance :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Samada, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par M. C... B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. C... B... la somme de 1 500 euros demandée par la société Samada sur le fondement des mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... B... est rejetée.
Article 2 : M. C... B... versera à la société Samada la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... B..., à la société Samada et à la ministre du travail et de l'emploi.
Délibéré après l'audience du 9 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Collet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 septembre 2024.
La rapporteure,
A. Collet
La présidente,
A. Menasseyre
La greffière
N. Couty
La République mande et ordonne à la ministre du travail et de l'emploi en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA01845