Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2315318/5-1 du 22 septembre 2023, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 19 octobre 2023 et 16 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Legrand, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement 22 septembre 2023 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 avril 2023 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 80 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- le préfet de police n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision est illégale en conséquence de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 janvier 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête présentée par Mme B....
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
L'Office français de l'immigration et de l'intégration a présenté des observations par un mémoire enregistré le 8 avril 2024.
Par une ordonnance du 17 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mai 2024 à 12h.
Par une décision du 24 janvier 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal judiciaire de Paris a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle de Mme B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Auvray.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante de la République démocratique du Congo née le 1er octobre 1949, est entrée en France selon ses déclarations en 2015. Le 23 novembre 2022, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 7 avril 2023, pris après avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) en date du 27 mars 2023, le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... relève appel du jugement du 22 septembre 2023 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de l'arrête du 7 avril 2023 :
S'agissant de la légalité de la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision litigieuse, qui vise notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionne l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que selon l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 27 mars 2023, l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et que l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement dans son pays d'origine et qu'après un examen approfondi de sa situation aucun élément du dossier ni aucune circonstance particulière ne justifie de s'écarter de cet avis. Cette décision indique également que Mme B... se déclare mariée et mère de six enfants, sans charge de famille sur le territoire français, qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales à l'étranger compte tenu notamment du fait qu'elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 66 ans et qu'elle déclare n'exercer aucune activité professionnelle. La décision litigieuse comporte ainsi l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles elle est fondée.
3. En deuxième lieu, Mme B... soutient que le préfet de police n'a pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation dès lors que ses enfants et son époux ont fui la République démocratique du Congo et, contrairement à ce qu'indique la décision litigieuse, elle serait ainsi isolée en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, cette décision se borne à indiquer que l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches familiales à l'étranger compte tenu du fait qu'elle a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 66 ans.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
5. Par un avis du 27 mars 2023, dont le préfet de police s'est approprié les termes, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que, si l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier d'un traitement approprié.
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... présente un diabète de type II pour lequel elle reçoit un traitement composé de Trulicity, Metformine et Pravastatine. Si la requérante soutient que la molécule dulaglutide composant le médicament Trulicity n'est mentionnée ni dans le répertoire des produits pharmaceutiques, ni dans la liste des médicaments essentiels en République démocratique du Congo et n'est donc pas disponible dans ce pays, il résulte cependant de la fiche de données " Medical Origin of Information " (MedCOI) du 5 novembre 2021, dont un extrait est reproduit dans le mémoire produit par l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette molécule est disponible dans ce pays. Le médicament Metformine est répertorié dans la liste nationale des médicaments essentiels établie par le ministère de la santé de République démocratique du Congo à jour en octobre 2020 comme étant disponible en centre de santé et en hôpital général de référence. Les deux courriels, produits par la requérante, établis par deux laboratoires indiquant qu'ils ne commercialisent pas ce médicament, ne sont pas de nature à établir que ce traitement ne serait pas disponible. La circonstance que le répertoire des médicaments des produits pharmaceutiques qui a été édité en 2016 indique que les médicaments à base de Metformine disposent d'une autorisation de mise sur le marché dont la fin de validité se situe entre l'année 2012 et l'année 2021 n'est pas de nature à établir que ces médicaments n'auraient pas été autorisés en 2023. Enfin, l'OFII indique qu'un médicament équivalent à la pravastatine, appelé Simvastatine, est disponible en République démocratique du Congo. Mme B..., qui se borne à soutenir que ce médicament n'est disponible qu'en milieu hospitalier, ne conteste pas la disponibilité de ce traitement. Il résulte également des données MedCOI issues des fiches datant des 8 mars 2023 et 8 février 2024 qu'un suivi en endocrinologie et en diabétologie est disponible au sein des cliniques universitaires de Kinshasa. Si la fiche MedCoi du 30 août 2022 indique une fin de validité des données qu'elle mentionne à compter du 31 décembre 2022, cette circonstance est sans incidence sur l'existence d'un suivi en diabétologie en République démocratique du Congo dès lors que cette fiche concerne le suivi en gastroentérologie. Il ressort également des pièces du dossier que Mme B... est atteinte de la maladie de Bierner qui nécessite des injections de vitamines B12. Ainsi que le fait valoir l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ce traitement est disponible en République démocratique du Congo ainsi que cela ressort de la liste des médicaments essentiels de ce pays. Si la requérante soutient que la liste à laquelle fait référence l'Office date de l'année 2010, il ressort cependant de la liste à jour en octobre 2020, produite par le préfet de police en première instance, que ce médicament y est encore répertorié. Enfin, la requérante présente une arthrose cervicale et lombaire pour laquelle elle prend des antalgiques pour traiter les douleurs et pour laquelle un suivi en rhumatologie est disponible en République démocratique du Congo selon les données de la fiche MedCoi du 6 septembre 2021, ce qui n'est pas contesté par la requérante. Par ailleurs, les données générales, issues notamment du rapport établi par l'Organisation suisse d'aide aux réfugiés en 2018 relatif au traitement des maladies mentales en République démocratique du Congo, faisant état des lacunes du système de santé de ce pays et de l'absence de système d'assurance maladie, ne sont pas de nature à établir que Mme B... ne pourrait effectivement avoir accès aux traitements que requièrt son état de santé. Si elle soutient que les données issues des fiches MedCoi ne sont pas de nature à établir le coût du traitement et qu'elle ne pourra bénéficier effectivement de ces traitements compte tenu de leur coût élevé, elle ne donne aucune précision ni ne produit aucune pièce quant au caractère onéreux de ces traitements. Dès lors, en refusant un titre de séjour à Mme B..., le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
8. Mme B... soutient qu'elle réside en France depuis l'année 2015, qu'elle justifie d'une bonne intégration dans la société française, que ses enfants majeurs, qui ont fui la République démocratique du Congo à la suite de l'arrestation de leur père, résident en Irlande, en Angola et en République du Congo (Congo-Brazzaville) et que son époux a également fui en Zambie à sa sortie de détention de sorte qu'elle serait isolée en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, la requérante ne se prévaut d'aucune attache personnelle ou familiale en France. Si dans la fiche de salle remise aux services de la préfecture de police, elle avait indiqué que des membres de sa famille, notamment des neveux, cousines et nièces, résident en France, elle ne produit aucune pièce permettant d'établir leur présence en France et n'établit ni même n'allègue entretenir des liens avec eux. Elle ne produit aucune pièce de nature à établir qu'elle serait totalement isolée en cas de retour en République démocratique du Congo alors qu'elle y a vécu jusqu'à l'âge de 66 ans. Dès lors, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour le préfet de police n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.
10. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision contestée : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 6, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en cas de retour en République démocratique du Congo. Dès lors, le moyen tiré de ce que la mesure d'éloignement aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
13. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
14. Si la requérante soutient qu'en cas de retour en République démocratique du Congo, elle ne pourrait accéder effectivement à un traitement et que sa vie y serait donc menacée, il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'il n'est pas établi que l'intéressée ne pourra effectivement bénéficier d'un traitement approprié à ses pathologies dans son pays d'origine.
15. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 avril 2023 du préfet de police. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie sera adressée au préfet de police et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.
Le président-rapporteur,
B. AUVRAYL'assesseur le plus ancien,
P. HAMON
La greffière,
C. BUOT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA04380