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26/09/2024 | FRANCE | N°22PA03764

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 7ème chambre, 26 septembre 2024, 22PA03764


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée SL Foncière a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2016.



Par un jugement n° 1907354 du 30 juin 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :



Par une requête

, enregistrée le 10 août 2022, la société SL Foncière, représentée par Me Philip, demande à la Cour :



1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée SL Foncière a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2016.

Par un jugement n° 1907354 du 30 juin 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2022, la société SL Foncière, représentée par Me Philip, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 30 juin 2022 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et intérêts de retard, de cette imposition ;

3°) à titre subsidiaire, de renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle tendant à savoir si les articles 12, 135 et 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés comme autorisant les Etats membres à exclure de la qualification de terrain à bâtir tous les terrains qui, destinés à être bâtis en application du droit national, supportent néanmoins sur une partie de leur surface une construction incorporée au sol, indépendamment de l'importance respective de la construction et de l'espace constructible restant, de leur caractère divisible et de l'intention des parties ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause l'application du régime de la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts au motif que le terrain initialement acquis, qui présentait le caractère d'un terrain bâti, a changé de qualification juridique entre son acquisition et la cession des terrains à bâtir issus de sa division parcellaire.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le moyen soulevé par la société requérante n'est pas fondé.

Par une ordonnance du 7 décembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 février 2023 à 12 heures.

Un mémoire présenté par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a été enregistré le 23 juillet 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêt C-299/20 de la Cour de justice de l'Union européenne du 30 septembre 2021 ;

- l'ordonnance C-191/21 de la Cour de justice de l'Union européenne du 10 février 2022 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Desvigne-Repusseau,

- et les conclusions de Mme Jurin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société SL Foncière, qui exerce une activité de marchand de biens, a procédé au cours de l'année 2016 à des cessions de terrains à bâtir issus de la division parcellaire d'un terrain bâti qu'elle a placées, pour leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée, sous le régime de la marge prévu par l'article 268 du code général des impôts. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale, estimant que ces terrains n'avaient pas été acquis par l'intéressée en qualité de terrains à bâtir, a remis en cause l'application de ce régime et a mis à la charge de la société un rappel de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2016, dont le montant correspond à la différence entre la taxe sur la valeur ajoutée qui aurait dû être collectée sur le prix total des ventes et la taxe sur la valeur ajoutée déjà acquittée par la société sur la marge des mêmes ventes. La société SL Foncière fait appel du jugement du 30 juin 2022 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et intérêts de retard, de ce rappel de taxe sur la valeur ajoutée.

Sur les conclusions à fin de décharge :

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b. de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain (...) / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués / (...) ".

3. Par l'ordonnance C-191/21 du 10 février 2022, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 392 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir, mais qu'il n'exclut pas l'application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu'une division en lots.

4. Il résulte également des dispositions de l'article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive du 28 novembre 2006 dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment ou encore quand les parcelles, quoique ayant déjà fait l'objet d'une autorisation de division, ou d'une division effective, lors de l'acquisition, avaient, au regard des indications figurant dans l'acte de vente, été vendues non comme terrain à bâtir, mais comme terrain bâti, ensemble avec la parcelle sur laquelle était édifié un bâtiment.

5. Enfin, les dispositions de l'article 268 du code général des impôts, qui doivent être interprétées à la lumière des objectifs de la directive du 28 novembre 2006 dont elles assurent la transposition en droit interne, permettent d'appliquer le régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir aussi bien lorsque leur acquisition a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, sans que l'assujetti qui les revend ait eu le droit de déduire cette taxe, que lorsque leur acquisition n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée alors que le prix auquel l'assujetti-revendeur a acquis ces biens incorpore un montant de taxe sur la valeur ajoutée qui a été acquitté en amont par le vendeur initial. Il résulte toutefois de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, et notamment de son arrêt du 30 septembre 2021 dans l'affaire C-299/20, qu'en dehors de ces hypothèses, le régime de taxation sur la marge ne s'applique pas à des opérations de livraison de terrains à bâtir dont l'acquisition initiale n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, soit qu'elle se trouve en dehors de son champ d'application, soit qu'elle s'en trouve exonérée.

6. Il résulte de l'instruction que l'ensemble immobilier, situé à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne), acquis sans droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée par la société SL Foncière le 16 décembre 2015 était constitué, sur la parcelle cadastrée section I n° 69, d'une maison d'habitation, d'un garage, d'une dépendance, d'un abri de jardin, d'une piscine et d'un terrain y attenant. Cet ensemble immobilier d'un seul tenant avait donc, au moment de son acquisition par la société requérante, la qualité de terrain bâti et non de terrain à bâtir. Postérieurement à cette acquisition, la société SL Foncière a divisé le terrain en quatre parcelles, détachant ainsi, sur les parcelles C et D nouvellement constituées, les constructions qu'elle avait précédemment acquises et qu'elle a cédées respectivement les 8 juin 2016 et 21 juillet 2017. Par ailleurs, elle a cédé les parcelles A et B, objets du présent litige, nouvellement constituées comme terrains à bâtir, respectivement les 29 février 2016 et 9 mars 2016 et a placé ces ventes sous le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge.

7. Toutefois, alors même que l'acte de vente du 16 décembre 2015, dont une copie a été produite pour la première fois en appel, stipule expressément que le terrain acquis ce jour-là fera l'objet d'une division parcellaire procédant d'un document d'arpentage suivant un plan de division réalisé par un géomètre-expert le 31 mai 2015, il résulte de l'instruction, et notamment des termes de l'acte de vente, que les parcelles A et B en litige, vendues comme des terrains à bâtir, procèdent de l'allotissement d'un terrain qui avait, au moment de son acquisition, le caractère d'un terrain bâti dès lors qu'un bâtiment y était alors édifié. En outre, il résulte des stipulations mêmes de l'acte de vente du 16 décembre 2015 que l'acquisition du terrain par la société SL Foncière, qui a été effectuée auprès de vendeurs particuliers n'ayant pas la qualité d'assujettis, n'a pas été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, sans qu'il soit justifié, notamment par les termes de l'acte de vente, que le prix d'acquisition aurait incorporé un montant de taxe acquittée en amont par les vendeurs initiaux, de sorte que le régime de taxation sur la marge n'était pas applicable au présent litige. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a remis en cause l'application de ce régime à la cession des parcelles A et B en litige.

8. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, que la société SL Foncière n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société SL Foncière demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société SL Foncière est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée SL Foncière et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée au directeur chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Auvray, président de chambre,

- Mme Hamon, présidente-assesseure,

- M. Desvigne-Repusseau, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.

Le rapporteur,

M. DESVIGNE-REPUSSEAU Le président,

B. AUVRAY

La greffière,

C. BUOT

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA03764


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03764
Date de la décision : 26/09/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. AUVRAY
Rapporteur ?: M. Marc DESVIGNE-REPUSSEAU
Rapporteur public ?: Mme JURIN
Avocat(s) : PHILIP

Origine de la décision
Date de l'import : 29/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-09-26;22pa03764 ?
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