Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision implicite par laquelle la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 2106487 du 23 juin 2022 le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2022, la préfète du Val-de-Marne demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 juin 2022 du tribunal administratif de Melun ;
2°) de rejeter la demande de première instance de Mme B....
Elle soutient que :
- la demande était tardive ;
- le motif retenu par le tribunal n'était pas fondé.
Par une décision du 30 novembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée le
13 octobre 2023 par Mme B....
La requête a été communiquée à Mme B..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
M. Doré a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante congolaise née le 19 septembre 1938 à Ilambi (République Démocratique du Congo), a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande d'annulation de la décision implicite par laquelle la préfète du Val-de-Marne a rejeté la demande de titre de séjour qu'elle soutient avoir formulée le 4 novembre 2019. La préfète du Val-de-Marne fait appel du jugement du 23 juin 2022 par lequel le tribunal a annulé cette décision.
2. D'une part, aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Selon l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet ". Aux termes de l'article R. 311-12-1 de ce code, alors en vigueur : " La décision implicite mentionnée à l'article R. 311-12 naît au terme d'un délai de quatre mois ".
3. D'autre part, l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration dispose que : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". L'article L. 232-4 de ce code précise : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".
4. En premier lieu, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
5. Les règles énoncées au point 4, relatives au délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, qui ne peut en règle générale excéder un an sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision.
6. Il ressort des pièces du dossier et notamment du courrier de la préfète du Val-de-Marne en date du 13 juillet 2021, que Mme B... a, le 4 novembre 2019, sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions alors en vigueur du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, si une décision implicite de rejet est née au bout de quatre mois, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'intéressée en aurait eu connaissance avant d'avoir, par un courrier reçu le 5 mai 2021, demandé la communication des motifs de la décision implicite de rejet née du silence gardé sur sa demande. Dans ces conditions, la demande enregistrée le 8 juillet 2021 au greffe du tribunal administratif de Melun n'était pas tardive, et c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir opposée en défense.
7. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que la préfète du Val-de-Marne n'a pas répondu, dans le délai d'un mois prévu par les dispositions précitées de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration, à la demande de communication des motifs de la décision implicite en litige. Par suite, la décision implicite de rejet est entachée d'illégalité.
8. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Val-de-Marne n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Melun a prononcé l'annulation de la décision implicite en litige.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la préfète du Val-de-Marne est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... B....
Copie en sera adressée à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Irène Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- M. François Doré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 septembre 2024.
Le rapporteur,
M. DORÉLe président,
I. LUBEN
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03449