Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 15 décembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2200689 du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 15 décembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il refuse d'accorder à M. B... un délai de départ volontaire et prononce à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 30 juin 2023, M. B..., représenté par Me Bulajic, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 1er juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions du 15 décembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
2°) d'annuler les décisions du 15 décembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les premiers juges n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et a commis une erreur de droit en considérant que l'existence d'une fausse carte de séjour délivrée par les autorités autrichiennes faisait obstacle à l'examen de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour ;
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- en n'examinant pas sa demande d'admission exceptionnelle au séjour sur le volet " salarié ", le préfet a méconnu l'étendue de sa compétence et a commis une erreur de droit ;
- il n'a jamais détenu ou utilisé un faux titre de séjour délivré par les autorités autrichiennes de sorte que le préfet a commis une erreur d'appréciation en considérant implicitement que son comportement constituait une menace pour l'ordre public ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 11 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Larsonnier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant serbe né le 26 octobre 1974, entré en France selon ses déclarations en 2013, a sollicité le 22 juin 2021 son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 15 décembre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par un jugement du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 15 décembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis en tant qu'il porte refus d'octroi d'un délai de départ volontaire et interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a rejeté le surplus des conclusions de la demande. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 15 décembre 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français.
Sur les conclusions à fin d'annulation des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. /(...) ".
3. En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention "vie privée et familiale" répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou "travailleur temporaire". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifie d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là-même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si cette promesse d'embauche ou ce contrat de travail, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
4. Pour refuser de délivrer à M. B... une carte de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de la Seine-Saint-Denis, après avoir relevé qu'il ressortait de l'étude du dossier et des documents fournis par l'intéressé qu'il avait travaillé sous couvert d'un faux titre de séjour autrichien, a estimé que la circonstance que M. B... exerçait une activité professionnelle en France ne lui octroyait pas, à elle seule, un droit au séjour et qu'il ne justifiait ni de motifs exceptionnels ni de raisons humanitaires justifiant que lui soit délivré une carte de séjour temporaire au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Il n'est pas contesté que M. B... est sans charge de famille en France et que son épouse et son enfant résident en Serbie. Il ressort cependant des pièces produites par l'intéressé, en particulier des cinquante-quatre bulletins de salaires, des contrats de bail et de travail, des nombreuses quittances de loyers ainsi que des courriers administratifs, qu'il réside habituellement en France depuis le mois d'avril 2017, soit depuis quatre ans et sept mois à la date de la décision contestée. En outre, il ressort des contrats de travail et des bulletins de salaires versés au dossier que M. B... a disposé d'abord d'un contrat de travail à durée déterminée en qualité de monteur serrurier à compter du 17 mai 2017, renouvelé à deux reprises et transformé en contrat à durée indéterminée à compter du 16 novembre 2018. A compter du 1er octobre 2019, il a été engagé par un contrat à durée indéterminée en qualité de poseur menuiserie. Enfin, depuis le 2 juillet 2021, il exerce l'emploi d'ouvrier du bâtiment sous contrat à durée indéterminée. Il a ainsi exercé une activité professionnelle à temps plein sans discontinuité depuis le 17 mai 2017. Par ailleurs, alors que le requérant conteste avoir utilisé un faux titre de séjour, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il aurait travaillé sous couvert d'un faux document. Dans ces conditions, eu égard aux circonstances particulières de l'espèce, en particulier à la durée de la résidence habituelle en France de M. B... et de son insertion professionnelle, le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne relève pas de motifs exceptionnels d'admission au séjour au sens des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte du point précédent que la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 15 décembre 2021 refusant à M. B... un titre de séjour doit être annulée ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi, lesquelles sont dépourvues de base légale.
6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 15 décembre 2021 par lesquelles le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
7. Eu égard au motif d'annulation des décisions contestées retenu ci-dessus et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à M. B... un titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou au préfet territorialement compétent, de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2200689 du 1er juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions à fin d'annulation des décisions du 15 décembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.
Article 2 : Les décisions du 15 décembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant à M. B... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi sont annulées.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou au préfet territorialement compétent de délivrer à M. B... une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au préfet de la Seine Saint Denis et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Menasseyre, présidente de chambre,
- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,
- Mme Larsonnier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 août 2024.
La rapporteure,
V. Larsonnier La présidente,
A. Menasseyre
Le greffier,
P. Tisserand
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23PA02898 2