Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'enjoindre à l'administration de communiquer les éléments relatifs à l'authentification des signataires de l'avis des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en date du 4 avril 2022, d'annuler la décision en date du 21 juin 2022, par laquelle la préfète du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et a fixé le pays de destination, d'ordonner à la préfète du Val-de-Marne de procéder au réexamen de sa situation sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de condamner l'autorité administrative à verser la somme de 1 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2207298 du 13 juillet 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés respectivement les 11 août 2023 et 21 mai 2024, M. B..., représenté par Me Sanchez Rodriguez, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 2207298 du 13 juillet 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 21 juin 2022 par lequel la préfète du Val-de-Marne lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de procéder au réexamen de sa situation sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur le refus de séjour :
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à sa situation
médicale ;
- elle est entachée d'erreur de droit dès lors que son auteur n'a pas exercé son pouvoir d'appréciation et s'est cru lié par l'avis du collège des médecins ;
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise sans examen sérieux de sa situation ; .
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa vie personnelle.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme F... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 10 mars 1992, est entré en France le 9 novembre 2019 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa C de 90 jours à entrées multiples. Le 13 janvier 2022, il a sollicité son admission au séjour au titre des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 21 juin 2022, la préfète du Val-de-Marne a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Il relève appel du jugement du 13 juillet 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ".
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
4. En premier lieu, la circonstance que l'autorité préfectorale se soit rangé à l'avis du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne permet pas d'établir qu'elle n'aurait pas procédé à un examen de la situation personnelle du requérant tant sur le plan médical que personnel, alors notamment qu'elle indique qu'il ne peut se voir admettre au séjour sur aucun autre fondement juridique ni dans le cadre d'une admission exceptionnelle au séjour. Ainsi, il ne ressort pas de l'arrêté en litige que la préfète se serait estimé liée par l'avis des médecins de l'OFII ou n'aurait pas exercé son pouvoir d'appréciation.
5. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 3 que, dès lors que le collège des médecins de l'OFII avait retenu qu'il pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, il lui appartenait de produire tous éléments permettant d'apprécier l'existence ou l'absence d'un traitement approprié au Maroc. Or, s'il expose qu'il est atteint de spondylarthrite axiale et périphérique non contrôlée, ayant provoqué une méningite lymphocytaire, et qu'il nécessite un traitement médicamenteux visant à enrayer la douleur et l'évolution de la maladie, le certificat médical qu'il produit, en date du 10 janvier 2022, émanant du Docteur C..., indique seulement, par une formule stéréotypée et sans autres précisions, que " le traitement approprié ne peut être dispensé dans le pays dont il est originaire ", qui n'est pas même nommé, et sans qu'il soit apporté aucune indication sur la nature de ce traitement et l'existence ou l'absence, s'il s'agit d'un traitement médicamenteux, des molécules en cause ou de molécules substituables au Maroc ; il en va de même pour le certificat du même praticien du 25 juillet 2022 et celui du Docteur A..., en date du 8 août 2023, qui, quoique postérieurs à l'intervention de la décision attaquée, pourraient renseigner sur la situation existante à cette date. Par ailleurs, si le requérant produit plusieurs ordonnances médicales et des comptes-rendus d'hospitalisation pour la période du 9 au
10 septembre 2021 et du 18 au 22 novembre 2022, et justifie avoir subi quelques examens médicaux, il n'en résulte pas qu'il nécessiterait un suivi ou un traitement qui ne pourraient être assurés dans son pays d'origine ; enfin, s'il justifie avoir signé le 21 septembre 2021 un protocole de recherche sur l'immunisation de l'organisme à l'un des médicaments qu'il prend, alors même que sa participation à cette recherche était prévue pour douze mois, il n'indique pas y avoir effectivement participé et ne donne aucun élément sur la mise en œuvre de ce protocole. Ainsi, il n'est pas fondé à soutenir que le refus de lui délivrer un titre de séjour méconnaitrait les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
6. Il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué, que, pour prononcer cette mesure d'éloignement, la préfète a relevé que M. B... est célibataire et sans charge de famille en France et a conservé des attaches dans son pays où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans et où réside sa mère. Dès lors, alors même qu'elle n'a pas mentionné expressément la présence en France du père et des quatre frères du requérant, elle a bien pris la décision en litige au terme d'un examen particulier de la situation personnelle du requérant. Dès lors, le moyen tiré de l'absence d'un tel examen ne peut qu'être écarté.
7. Par ailleurs, si M. B... justifie par les pièces produites de la présence en France de son père, et de quatre membres de sa fratrie dont deux ont la nationalité française tandis que les deux autres justifiaient d'un titre de séjour en cours de validité à la date de l'intervention attaqué, et s'il produit par ailleurs une attestation de deux de ses frères, en date du 24 juillet 2022, donc postérieure à l'intervention de la décision attaquée, indiquant qu'ils accompagnent le requérant dans sa vie quotidienne, il en ressort également que leur mère vit au Maroc où elle est " prise en charge par une de ses filles " ce qui implique que le requérant a également au moins une sœur au Maroc. En tout état de cause, M. B... ne justifie pas avoir besoin d'une assistance pour les gestes de la vie quotidienne. Enfin, étant, selon ses propres allégations, arrivé en France le 9 novembre 2019, à l'âge de vingt-sept ans, il ne résidait sur le territoire français que depuis deux ans et demi à la date de la décision attaquée et n'établit ni n'allègue y avoir tissé des liens en dehors de sa famille proche. Par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant délai de départ volontaire :
8. Il résulte de ce qui précède que l'obligation de quitter le territoire français n'est entachée d'aucune illégalité. Par suite le requérant n'est pas fondé à exciper de son illégalité à l'encontre de la décision portant délai de départ volontaire.
Sur la décision fixant le Maroc comme pays de renvoi :
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 7 du présent arrêt, que le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation ne peut qu'être écarté, compte tenu de l'absence de toute indication sur l'impossibilité pour l'intéressé de recevoir le traitement nécessaire au Maroc ainsi que de la présence de membres de sa famille au Maroc où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfère du Val-de-Marne et à l'office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 juillet 2024
La rapporteure,
M-I. F...La présidente,
M. E...
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03703