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24/07/2024 | FRANCE | N°24PA02395

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 24 juillet 2024, 24PA02395


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... F... et M. E... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les opérations électorales du 11 février 2024 organisées afin de procéder au renouvellement par moitié du conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins.



Par un jugement n° 2403602/6-1 du 10 mai 2024, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé les opérations électorales du 11 février 2024 organisées afin de procéder au renouvelle

ment par moitié du conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins et, d'autre part...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... F... et M. E... B... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les opérations électorales du 11 février 2024 organisées afin de procéder au renouvellement par moitié du conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins.

Par un jugement n° 2403602/6-1 du 10 mai 2024, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé les opérations électorales du 11 février 2024 organisées afin de procéder au renouvellement par moitié du conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins et, d'autre part, enjoint au conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins d'organiser de nouvelles opérations électorales afin de procéder à son renouvellement par moitié dans un délai de six mois à compter de la mise à disposition de ce jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement le 30 mai 2024 et le 27 juin 2024, le conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins, représenté par, demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis du jugement n° 2403602/6-1 du 10 mai 2024 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de mettre à la charge de Mme A... F... et de M. E... B... le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le sursis à l'exécution du jugement attaqué doit être ordonné sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, car il existe des moyens qui apparaissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement ; en effet, d'une part, le tribunal administratif a méconnu son office en se fondant sur un motif d'annulation qui était distinct des griefs invoqués par les requérants et qui ne revêtait pas un caractère d'ordre public, les requérants de première instance n'ayant jamais soutenu que leur candidature aurait dû être retenue dès lors que le docteur B... remplissait au fond la condition de nationalité à la date butoir de dépôt des candidatures ; d'autre part, c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il était indifférent que le conseil départemental de l'ordre n'ait pas été informé en temps utile de la nationalité française du docteur B..., les conditions d'éligibilité s'appréciant en effet nécessairement à la date de clôture du dépôt des candidatures au regard des informations et éléments dont dispose l'autorité chargée de les contrôler ; enfin, il résulte des dispositions de l'article R. 4112-1 du code de la santé publique qu'une photocopie de la pièce d'identité et, le cas échéant, une attestation de nationalité, doit être fournie au moment de l'inscription au tableau ; les praticiens sont ensuite tenus d'informer le conseil départemental de l'ordre de toute modification de leurs " conditions d'exercice "

(article R. 4127-111 du code de la santé publique), ou de tout changement de leur " situation professionnelle " dans le délai d'un mois (alinéa 2 de l'article D. 4113-115 du code de la santé publique et l'article D. 4113-123), notamment d'une modification de leur nationalité, formalité qui a été omise en l'espèce par le docteur B... ; par suite, c'est nécessairement au regard des éléments et informations dont dispose le conseil organisateur à la date de clôture du dépôt des candidatures, dans le dossier de candidature mais également dans le dossier ordinal des praticiens concernés, qu'il doit être procédé à la vérification de l'éligibilité ; il est indifférent que les candidats remplissent, au fond, les conditions d'éligibilité, si la preuve n'en a pas été apportée en temps utile au conseil départemental ; en l'espèce, s'agissant du docteur B..., le conseil départemental a constaté qu'il ressortait de son dossier ordinal qu'il était de nationalité camerounaise, ce qui a conduit au rejet de la candidature du binôme qu'il formait avec Mme F... ;

- à titre subsidiaire, à supposer même que le raisonnement du tribunal administratif soit fondé, il aurait dû différer dans le temps les effets de l'annulation prononcée, jusqu'à la proclamation des résultats des nouvelles élections, dont il a enjoint l'organisation dans un délai de six mois, afin de ne pas porter atteinte au bon fonctionnement du conseil départemental de l'ordre des médecins, investi de missions de service public de première importance ;

- le sursis à l'exécution du jugement attaqué doit être ordonné sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, car, comme il a été développé, les moyens invoqués paraissent sérieux en l'état de l'instruction, et que l'exécution du jugement risque d'entrainer des conséquences difficilement réparables tenant, d'une part, à l'atteinte portée au bon fonctionnement du conseil départemental de l'ordre des médecins, qui devra fonctionner avec un effectif de conseillers ordinaux réduit de moitié, pour l'accomplissement de ses missions, d'autre part, au coût que représente l'organisation de nouvelles élections, de l'ordre de de 202 614 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 juin 2024, Mme A... F... et M. E... B..., représentés par Me de Froment, concluent au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 4 000 euros soit mis à la charge du conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le règlement électoral applicable aux élections aux conseils et aux chambres disciplinaires de l'ordre des médecins adopté le 19 juin 2020 par le Conseil national de l'ordre des médecins et modifié en dernier lieu le 30 mars 2023 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C...,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Poupot, avocat du conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins, et de Me Chevreul, avocat de Mme F... et M. B....

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ". Aux termes de l'article R. 811-17 du même code : " Dans les autres cas, le sursis peut être ordonné à la demande du requérant si l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction. ".

2. Aux termes de l'article R. 4125-6 du code de la santé publique : " Trente jours au moins avant le jour de l'élection, les candidats déposent au siège du conseil organisateur contre récépissé leur déclaration de candidature revêtue de leur signature ou la font connaître au président de ce même conseil, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / Toute candidature parvenue après l'expiration de ce délai est irrecevable (...) " Aux termes de l'article L. 4125-9 du même code, dont la portée est réitérée par le 2° de l'article 7 du règlement électoral applicable aux élections aux conseils et aux chambres disciplinaires de l'ordre des médecins pris sur le fondement de l'article L. 4125-6 du code : " Sont seuls éligibles (...) les praticiens de nationalité française ou ressortissants de l'un des Etats membres de l'Union européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen (...) ". Enfin, aux termes de l'article 8 du même règlement : " À réception des déclarations de candidature, il est vérifié que les candidats remplissent les conditions d'éligibilité. Celles-ci s'apprécient à la date de clôture du dépôt de candidature (...) ".

3. Mme F... et M. B... ont constitué un binôme en vue de se présenter aux opérations électorales du 11 février 2024 au cours desquelles le conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins devait être renouvelé par moitié. Par un courrier du 11 janvier 2024, le président de ce conseil départemental a néanmoins déclaré leurs candidatures irrecevables au motif que M. B... n'était pas de nationalité française ou ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne ou d'un Etat partie à l'Espace économique européen. Par courriers des 21, 22 et 26 janvier 2024, les intéressés ont contesté en vain ce motif, en faisant valoir que M. B... disposait de la nationalité française à la date de clôture du dépôt des candidatures, le 12 janvier 2024, et satisfaisait par conséquent bien alors à la condition d'éligibilité prévue par les dispositions précitées de l'article L. 4125-9 du code de la santé publique, réitérée au 2° de l'article 7 du règlement électoral. Mme F... et M. B... ont demandé l'annulation des opérations électorales du

11 février 2024 au cours desquelles leur binôme n'a pas été soumis aux suffrages des électeurs. Par le jugement du 10 mai 2024 dont le sursis à l'exécution est demandé, le tribunal administratif de Paris a annulé les opérations électorales du 11 février 2024 organisées afin de procéder au renouvellement par moitié du conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins.

4. Aucun des moyens invoqués susvisés, tirés en premier lieu, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, de ce qu'il existerait des moyens qui apparaitraient, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement, tirés d'une part de ce que le tribunal administratif aurait méconnu son office en se fondant sur un motif d'annulation qui était distinct des griefs invoqués par les requérants et qui ne revêtait pas un caractère d'ordre public, d'autre part, de ce que c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il était indifférent que le conseil départemental de l'ordre n'ait pas été informé en temps utile de la nationalité française du docteur B..., les conditions d'éligibilité s'appréciant en effet nécessairement à la date de clôture du dépôt des candidatures au regard des informations et éléments dont dispose l'autorité chargée de les contrôler, de ce qu'en outre les praticiens sont ensuite tenus d'informer le conseil départemental de l'ordre de toute modification de leurs " conditions d'exercice " ou de tout changement de leur " situation professionnelle ", notamment d'une modification de leur nationalité, formalité qui a été omise en l'espèce par le docteur B..., et qu'il est indifférent que les candidats remplissent, au fond, les conditions d'éligibilité, si la preuve n'en a pas été apportée en temps utile au conseil départemental, et tirés, en second lieu, sur le fondement des dispositions de

l'article R. 811-17 du code de justice administrative, de ce que l'exécution du jugement risquerait d'entrainer des conséquences difficilement réparables tenant, d'une part, à l'atteinte portée au bon fonctionnement du conseil départemental de l'ordre des médecins, qui devra fonctionner avec un effectif de conseillers ordinaux réduit de moitié, pour l'accomplissement de ses missions, et d'autre part, au coût que représenterait l'organisation de nouvelles élections, n'est de nature à justifier le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

Sur les frais liés à l'instance :

5. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par le conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins doivent être rejetées.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins le paiement à Mme F... et à

M. B..., pris solidairement, de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins est rejetée.

Article 2 : Le conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins versera à

Mme F... et à M. B..., pris solidairement, une somme de 1 500 euros au titre de

l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au conseil départemental de la ville de Paris de l'ordre des médecins, à Mme A... F..., à M. E... B... et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juillet 2024.

Le président-rapporteur,

I. C...L'assesseure la plus ancienne,

M. D...La greffière,

N. DAHMANILa République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24PA02395


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA02395
Date de la décision : 24/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : SCP MATUCHANSKY- POUPOT - VALDELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-24;24pa02395 ?
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