Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... et Mme B... E... ont demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la société La Poste à leur verser la somme de 37 230 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de nuisances sonores.
Par une ordonnance n° 2112554/5-4 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a donné acte de leur désistement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 4 juillet 2023 et 29 mai 2024, M. et Mme E..., représentés par la SCP Thouin-Palat et Boucard, demandent à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du tribunal administratif de Paris du 4 mai 2023 ;
2°) à titre principal, de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Paris ;
3°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la société La Poste de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser les nuisances sonores dans le délai d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, et de la condamner à leur verser la somme totale de 45 000 euros, assortie des intérêts à compter de la date de réception de leur réclamation préalable, en réparation des préjudices subis ;
4°) de mettre à la charge de la société La Poste la somme de 7 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'ordonnance attaquée est irrégulière dès lors qu'ils n'ont pas été invités à produire un mémoire récapitulatif en application des dispositions de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative ; une telle demande n'ayant été adressée qu'à la partie adverse, le tribunal ne pouvait donner acte de leur désistement ;
- la responsabilité sans faute de la société La Poste est engagée du fait des dommages sonores causés par l'existence et le fonctionnement de l'ouvrage public que constitue la plateforme de distribution située rue de Berne, à Paris ;
- le lien de causalité entre les nuisances sonores qu'ils subissent et l'ouvrage public est établi ;
- ces nuisances, qui ont débuté en 2013, excèdent les sujétions normales imposées aux tiers riverains d'un ouvrage public ;
- le préjudice qu'ils subissent présente un caractère grave et spécial, et doit être réparé par la somme de 45 000 euros, augmentée des intérêts à compter de la date de réception de leur réclamation préalable ;
- il y a lieu d'enjoindre à la société La Poste de prendre les mesures adéquates en vue de mettre fin aux nuisances.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 mai 2024, la société La Poste, représentée par Me Massa, demande à la cour :
1°) à titre principal, de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte sur la demande d'annulation de l'ordonnance du tribunal administratif de Paris du 4 mai 2023, et de renvoyer l'affaire devant ce tribunal ;
2°) à titre subsidiaire, de rejeter les autres conclusions des requérants ;
3°) de mettre à la charge des requérants la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que, s'agissant de la demande indemnitaire, les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- les observations de Me Güner, représentant M. A... et Mme B... E...,
- et les observations de Me Pechenard, représentant la société La Poste.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme E... ont emménagé en mai 2004 dans un appartement situé au sixième étage d'un immeuble sis 8, rue de Berne, dans le huitième arrondissement de Paris. En 2014, ils ont demandé à un cabinet d'études acoustiques de mesurer les nuisances sonores qu'ils subissaient du fait du fonctionnement d'une plateforme de distribution du courrier de la société La Poste, située 1, rue de Berne. Sollicitée par les requérants et par d'autres riverains, les services de la préfecture de police ont mené des enquêtes en 2014 et 2015, constatant des nuisances sonores. Par un courrier du 23 juin 2017, M. et Mme E... ont mis en demeure la société La Poste de faire cesser l'exploitation de la plateforme avant 8 heures du matin. Ils ont ensuite saisi la juridiction judiciaire, qui a ordonné une mesure d'expertise afin d'établir des relevés acoustiques et de déterminer les solutions techniques en vue de la cessation des troubles. Un rapport a été déposé le 14 mai 2019. M. et Mme E..., se fondant sur ce rapport, ont assigné la société La Poste devant le tribunal de grande instance de Paris, afin que soit ordonnée la cessation des activités bruyantes avant 9 heures, et qu'ils soient indemnisés à hauteur de 29 565 euros en réparation de leurs troubles de jouissance. Par un jugement du 22 octobre 2019, ce tribunal a rejeté la demande pour incompétence de la juridiction judiciaire. La cour d'appel de Paris a confirmé ce jugement le 16 décembre 2020, aux motifs que le litige était consécutif à un dommage causé par l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public. M. et Mme E... relèvent appel de l'ordonnance du 4 mai 2023 par laquelle le tribunal administratif de Paris a donné acte du désistement de leur demande tendant à la condamnation de la société La Poste à leur verser la somme 37 230 euros et à ce qu'il soit enjoint à cette société de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser les nuisances sonores dans le délai d'un mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
2. Aux termes de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions et moyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours, en l'informant que, si elle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. En cause d'appel, il peut être demandé à la partie de reprendre également les conclusions et moyens présentés en première instance qu'elle entend maintenir. / Le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction peut en outre fixer un délai, qui ne peut être inférieur à un mois, à l'issue duquel, à défaut d'avoir produit le mémoire récapitulatif mentionné à l'alinéa précédent, la partie est réputée s'être désistée de sa requête ou de ses conclusions incidentes. La demande de production d'un mémoire récapitulatif informe la partie des conséquences du non-respect du délai fixé. ".
3. Contrairement à ce qu'a indiqué le tribunal au point 3 de l'ordonnance attaquée, il ressort des pièces du dossier de première instance qu'aucune demande de production d'un mémoire récapitulatif, en application des dispositions précitées, n'a été adressée à M. et Mme E.... Une telle demande n'a été transmise qu'au défendeur, la société La Poste, par courrier du 20 mars 2023. Par suite, le premier juge ne pouvait estimer que M. et Mme E... étaient réputés s'être désistés de leur demande faute d'avoir produit un mémoire récapitulatif dans le délai d'un mois. Il s'ensuit que l'ordonnance attaquée est entachée, pour ce motif, d'irrégularité.
4. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme E... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Paris a donné acte de leur désistement, et que cette ordonnance doit être annulée.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Paris et de rejeter les demandes des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2112554/5-4 du 4 mai 2023 du tribunal administratif de Paris est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... E..., à Mme B... E... et à la société La Poste.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Marianne Julliard, présidente,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 juillet 2024.
La rapporteure,
G. C...La présidente,
M. D...
Le greffier,
É. MOULIN
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA02944