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17/07/2024 | FRANCE | N°22PA03645

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 17 juillet 2024, 22PA03645


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Gazpac Calédonie a demandé au tribunal administratif de Polynésie française d'une part, d'annuler la décision par laquelle le président de la Polynésie française a rejeté sa demande d'abrogation des dispositions de 1'article 2-1, 2° de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 relative à certaines dispositions concernant l'exercice de la pharmacie ainsi que des dispositions de l'article 1er, alinéa 7 de l'arrêté n° 610 CM du 9 mai 1989 portant applicati

on de la délibération précitée, dans leur rédaction en vigueur au 28 janvier 2021, d'autre p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Gazpac Calédonie a demandé au tribunal administratif de Polynésie française d'une part, d'annuler la décision par laquelle le président de la Polynésie française a rejeté sa demande d'abrogation des dispositions de 1'article 2-1, 2° de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 relative à certaines dispositions concernant l'exercice de la pharmacie ainsi que des dispositions de l'article 1er, alinéa 7 de l'arrêté n° 610 CM du 9 mai 1989 portant application de la délibération précitée, dans leur rédaction en vigueur au 28 janvier 2021, d'autre part, d'enjoindre au président de la Polynésie française d'abroger les dispositions précitées dans un délai d'un mois à compter du jugement, sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard.

Par un jugement n°2100468 du 24 mai 2022, le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 4 août 2022, des mémoires en réplique enregistrés le

17 avril 2023, 1er juin 2023, 18 juillet 2023, 25 août 2023, 29 août 2023 et 24 mars 2024, la SARL Gazpac Calédonie, représentée par la SELARL Tang et Dubau puis Me Moiroux et Pacton, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 mai 2022 du tribunal administratif de Polynésie française ;

2°) d'annuler la décision par laquelle le président de la Polynésie française a rejeté sa demande d'abrogation des dispositions de 1'article 2-1, 2° de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 relative à certaines dispositions concernant l'exercice de la pharmacie ainsi que des dispositions de l'article 1er, alinéa 7 de l'arrêté n° 610 CM du 9 mai 1989 portant application de la délibération précitée, dans leur rédaction en vigueur au 28 janvier 2021 ;

3°) d'enjoindre au président de la Polynésie française d'abroger les dispositions précitées dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 000 F CFP par jour de retard.

4°) de mettre à la charge de la Polynésie française le versement de la somme de 250 000 F CFP en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en tant qu'exportatrice de gaz médicinal en Polynésie française au profit de sa filiale la société Gazpac Tahiti, elle a intérêt à agir contre la décision litigieuse ;

- le jugement attaqué est entaché de défauts de motivation ; il ne répond pas au moyen tiré de la compétence de l'Etat en Polynésie française pour définir la notion de médicament et de préparation hospitalière ainsi que les conditions d'intervention de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour la mise au point de la pharmacopée ; le point 7 du jugement attaqué ne se prononce pas sur les effets de l'intervention d'une loi postérieure à la loi organique statutaire du 27 février 2004 rendant applicable en Polynésie française les dispositions du code de la santé publique métropolitain relatives aux médicaments, à la définition de la notion de préparation hospitalière et à la pharmacopée ; le point 15 du jugement attaqué ne répond pas au moyen tiré de ce qu'aucune disposition de l'article 3 de la délibération du 9 septembre 2003 organisant le rôle du conseil de l'ordre des pharmaciens de la Polynésie française ne confère à cet ordre ou à son président, un rôle d'expertise en matière de médicament ; le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'à supposer la Polynésie française compétente, il était nécessaire pour elle de conclure avec l'ANSM une convention ; le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation sur tous ces points ;

- le jugement attaqué est également entaché d'irrégularité en ce qu'il a méconnu l'article 174 de la loi organique statutaire du 27 février 2004 en s'abstenant de renvoyer au Conseil d'Etat la question de compétence soulevée dans sa note en délibéré du 12 mai 2022 ;

- l'article 2-1 2° de la délibération contestée méconnaît les dispositions de l'article

L. 5121-2 du code de la santé publique métropolitain, imposant aux pharmacies à usage intérieur (PUI) officiant en Polynésie française de se conformer aux règles fixées par l'ANSM à l'occasion de l'élaboration des " préparations hospitalières ", rendues applicables en Polynésie française par des ordonnances n° 2018-20 du 17 janvier 2018 et n° 2022-582 du

20 avril 2022 postérieures à la loi organique statutaire du 27 février 2004 ; dès lors, la Polynésie française n'est pas compétente pour édicter, par la délibération attaquée du

20 octobre 1988, une règlementation définissant les " préparations hospitalières " ;

- l'article 2-5 de la délibération contestée méconnaît le rôle dévolu à l'ANSM en matière de définition des règles du médicament conformément à l'article L. 5121-5 du code de la santé publique ;

- les articles 1er et 5 de l'arrêté n° 610 CM du 9 mai 1989 méconnaissent l'article

L. 5112-1 du même code qui confient à l'ANSM le soin de définir la pharmacopée et de fixer les règles selon lesquelles des additifs pourront y être apportés ;

- les dispositions contestées méconnaissent le principe constitutionnel de protection de la santé dès lors qu'elles ne prévoient pas qu'une préparation hospitalière ne puisse être mise en œuvre qu'à condition qu'il y ait absence de spécialité pharmaceutique disponible ou adaptée disposant d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) ; en étendant le champ d'application des préparation hospitalières, soumises aux seules bonnes pratiques de préparation (BPP) qui sont moins strictes et contraignantes que les bonnes pratiques de fabrication (BPF) et qui ne font pas l'objet d'une définition ou d'un recueil, la règlementation adoptée par la Polynésie française n'apporte pas les mêmes garanties en termes de qualité du médicament et donc de protection de la santé du patient que celles prévues par le code de la santé publique ; ces dispositions font courir un risque évident et non justifié par l'urgence que l'oxygène gazeux à 93% (2455) produit sans être encadré par de bonnes pratiques de fabrication (BPF) alternatif à l'oxygène liquide (0417) qui fait seul l'objet d'AMM, soit utilisé par les établissements de santé en cas de rupture d'approvisionnement en oxygène produit par cryodistillation sous AMM alors que ce dernier produit peut être stocké en masse et sur une longue durée ;

- les dispositions litigieuses sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation dès lors, d'une part, qu'elles prévoient la possibilité d' " additifs " à la pharmacopée sans contrôle autre que l'avis du président du conseil de l'ordre des pharmaciens de la Polynésie française, alors que les dispositions de l'article 3 de la délibération du 9 septembre 2003 relative au conseil de l'ordre des pharmaciens de la Polynésie française ne confie à son président aucune mission d'expertise technique en matière de définition du médicament et de préparation médicale ;

- le rôle central confié au président de l'ordre des pharmaciens de Polynésie française qui dirige également une PUI produisant de l'oxygène médicinal et le fait que le dispositif réglementaire " allégé " d'encadrement de la fabrication de cet oxygène favorise l'activité qu'il dirige au détriment de celles de véritables professionnels producteurs en la matière, sont des éléments constitutifs d'un détournement de pouvoir ;

- la délibération litigieuse porte atteinte à la liberté d'entreprendre.

Par des mémoires en défense enregistrés le 27 janvier 2023, le 16 mai 2023, 16 juin 2023, 27 juillet 2023 et 13 septembre 2023, la Polynésie française, représentée par

Me Quinquis, conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable faute d'intérêt à agir de l'appelante ;

- à titre subsidiaire, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- le code de la santé publique ;

- la délibération n° 2003-149 APF du 9 septembre 2003 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Julliard,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.

- et les observations de Me Moiroux, représentant la SARL Gazpac Calédonie.

Considérant ce qui suit :

1. Par un courrier du 1er avril 2021, la SARL Gazpac Calédonie a demandé au président de la Polynésie française et au président de l'Assemblée de la Polynésie française d'abroger notamment les dispositions, d'une part, de l'article 2-1, 2° de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 relative à l'exercice de la pharmacie et, d'autre part, des dispositions de l'article 1er, alinéa 7 de l'arrêté n° 610 CM du 9 mai 1989 portant application de la délibération précitée, dans leur rédaction en vigueur au 28 janvier 2021. A la suite de cette demande, le président de la Polynésie française a assuré la SARL Gazpac Calédonie d'un réel besoin d'approvisionnement en oxygène médical par un fournisseur extérieur, tout en rappelant que le centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) devait conserver une certaine autonomie dans sa fabrication d'oxygène. Par courrier du 10 août 2021, reçu le lendemain, la société a réitéré auprès du président de la Polynésie française sa demande d'abrogation des dispositions réglementaires précitées en faisant état du fait que ces dispositions dispensaient la fabrication et la fourniture par le CHPF d'oxygène à usage médicinal de certaines garanties de sécurité et de qualité au bénéfice des patients. Le silence gardé par la Polynésie française sur cette demande d'abrogation a fait naître une décision implicite de rejet dont la SARL Gazpac Calédonie a demandé au Tribunal administratif de Polynésie Française l'annulation. Elle relève appel du jugement du 10 mai 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête :

2. La SARL Gazpac Calédonie a produit devant la Cour les codes d'autorisation dits " codes CIP " dont elle dispose, correspondant aux codes figurant sur l'arrêté du 4 juillet 2019 aux termes duquel le président de la Polynésie française a accordé une autorisation de mise sur le marché pour la commercialisation de l'oxygène médicinal Gazpac en Polynésie. En outre, la facture du 28 janvier 2020 qu'elle a également versée au dossier, établit qu'elle a exporté de l'oxygène médicinal sur le territoire polynésien, en vertu de son autorisation de mise sur le marché, au bénéfice de la société Gazpac Tahiti. Par suite la société appelante établit que les dispositions relatives à la pharmacopée et aux préparations hospitalières applicables en Polynésie sont de nature à affecter ses intérêts et qu'elle justifie d'un intérêt suffisamment direct pour en solliciter l'abrogation. La fin de non-recevoir opposée à la requête doit en conséquence être écartée.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. En premier lieu, la SARL Gazpac Calédonie soutient que le jugement attaqué ne répond pas au moyen tiré de la compétence de l'Etat en Polynésie française pour définir la notion de médicament et de préparation hospitalière ainsi que les conditions d'intervention de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour la mise au point de la pharmacopée. Elle soutient que le jugement attaqué est également entaché d'irrégularité en ce qu'il a méconnu l'article 174 de la loi organique statutaire du 27 février 2004 en s'abstenant de renvoyer au Conseil d'Etat la question de compétence soulevée dans sa note en délibéré du 12 mai 2022. Il résulte toutefois du point 7 du jugement attaqué que le tribunal a statué sur le moyen tiré de l'incompétence alléguée de la Polynésie française et a explicitement écarté le moyen tiré de la nécessité de transmettre cette question au Conseil d'Etat.

4. En deuxième lieu, la SARL Gazpac Calédonie soutient que le point 7 du jugement attaqué ne se prononce pas sur les effets de l'intervention d'une loi postérieure à la loi organique du 27 février 2004 rendant applicable en Polynésie française les dispositions du code de la santé publique métropolitain relatives aux médicaments, à la définition de la notion de préparation hospitalière et à la pharmacopée. Toutefois, le tribunal n'était pas tenu de répondre à ce moyen inopérant dès lors que l'intervention des ordonnances citées par l'appelante n'avaient ni pour objet ni pour effet de modifier la répartition des compétences entre l'Etat et la Polynésie française résultant de la loi organique du 27 février 2024.

5. La SARL Gazpac Calédonie soutient, en troisième lieu, que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de ce qu'à supposer que la Polynésie française soit compétente, il était nécessaire pour elle de conclure avec l'ANSM une convention. Toutefois, en relevant au point 15 du jugement attaqué qu'" aucune disposition applicable en Polynésie française n'impose l'intervention préalable de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ", le tribunal a implicitement mais nécessairement répondu au moyen soulevé.

6. En quatrième lieu, la SARL Gazpac Calédonie soutient que le jugement attaqué ne répond pas au moyen tiré de ce qu'aucune disposition de l'article 3 de la délibération du

9 septembre 2003 organisant le rôle du Conseil de l'ordre des pharmaciens de la Polynésie française ne confère à cet ordre ou à son président, un rôle d'expertise en matière de médicament. D'une part, le tribunal n'était pas tenu de répondre à l'ensemble de l'argumentation développée au soutien du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant au rôle consultatif du conseil de l'ordre des pharmaciens, d'autre part, et en tout état de cause, il résulte du point 15 du jugement attaqué qu'en reconnaissant l'expertise de cette instance, le tribunal a suffisamment motivé sa réponse sur ce point.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités alléguées.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sur la légalité de la décision de refus d'abrogation de l'article 2-1, 2° de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 relative à l'exercice de la pharmacie :

8. Aux termes de 1'article 2-1 de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988 relative à certaines dispositions concernant l'exercice de la pharmacie, dans sa version applicable au litige : " On entend par : (...) 2° Préparation hospitalière, tout médicament, à l'exception des produits de thérapies génique ou cellulaire, préparé selon les indications de la pharmacopée et en conformité avec les bonnes pratiques mentionnées à l'article 2-5 par une pharmacie à usage intérieur d'un établissement de santé ou en confiant la réalisation de la préparation, par un contrat écrit, à une autre pharmacie à usage intérieur. Les préparations hospitalières sont dispensées sur prescription médicale à un ou plusieurs patients par une pharmacie à usage intérieur dudit établissement ; ". L'article 2-5 de cette délibération dispose que : " Tout acte professionnel doit être accompli avec soin et attention, selon les règles de bonnes pratiques pharmaceutiques. En l'absence de règles écrites, se référer aux usages ".

9. En premier lieu, la santé publique n'étant pas au nombre des compétences que l'article 14 de la loi organique du 27 février 2004 attribue à l'Etat, et qui sont, en vertu de l'article 13, limitativement énumérées, la Polynésie française est, contrairement à ce que soutient la société appelante, compétente pour édicter, par la délibération attaquée du

20 octobre 1988 relative à l'exercice de la pharmacie, une réglementation définissant les " préparations hospitalières ".

10. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la société appelante, l'article

L. 5541-1 du code de la santé publique ne prévoit nullement que les dispositions de l'article L. 5112-1 de ce code, relatives à la définition de la pharmacopée, et les dispositions de l'article L. 5121-1 2, relatives aux préparations hospitalières, s'appliqueraient en Polynésie française. Il résulte également des dispositions de l'article L. 5541-2 du code de la santé publique qu'elles rendent applicables en Polynésie française les dispositions relatives à l'Agence nationale de sécurité du médicament, dans la seule limite des dispositions qui y sont étendues. Le moyen tiré de la méconnaissance, par les dispositions contestées, du code de la santé publique doit être écarté comme inopérant.

11. En troisième lieu, la SARL Gazpac Calédonie soutient que les dispositions contestées méconnaissent le principe constitutionnel de protection de la santé et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'elles ne prévoient pas qu'une préparation hospitalière ne puisse être mise en œuvre qu'en l'absence de spécialité pharmaceutique disponible ou adaptée disposant d'une autorisation de mise sur le marché (AMM). Elle fait valoir qu'en étendant le champ d'application des préparations hospitalières, soumises aux seules bonnes pratiques de préparation (BPP) qui sont moins strictes et contraignantes que les bonnes pratiques de fabrication (BPF) et qui ne font pas l'objet d'une définition ou d'un recueil, la règlementation adoptée par la Polynésie française n'apporte pas les mêmes garanties en termes de qualité du médicament et donc de protection de la santé du patient que celles prévues par le code de la santé publique. Il ressort toutefois de la délibération du 20 octobre 1988, tant des dispositions de l'article 30-1 subordonnant la création de pharmacies à usage intérieur (PUI) à l'octroi d'une licence délivrée par le Président de la Polynésie française après avis du Conseil de l'ordre des pharmaciens, que des dispositions contestées de l'article 2-1, que le recours aux préparations hospitalières par une PUI fait l'objet d'un encadrement, en particulier d'une délivrance sur prescription médicale et d'une préparation selon les indications de la pharmacopée et en conformité avec les bonnes pratiques mentionnées à l'article 2-5. Ainsi, dès lors qu'il n'est pas allégué que l'oxygène gazeux à 93% (2455) autoproduit par la PUI du CHPF sur prescription médicale et en quantité limitée, présenterait un risque pour la santé et dès lors que, contrairement à ce que soutient la société appelante, cet oxygène ne constitue pas un oxygène réalisé " en mode dégradé " mais de l'oxygène inscrit à la pharmacopée française et européenne, la circonstance que l'article 2-1 de la délibération ne prévoit pas la subsidiarité du recours aux préparations hospitalières en l'absence de spécialité pharmaceutique, est insuffisant à établir une violation du principe de protection de la santé. En outre, la circonstance que cet article indique par renvoi à

l'article 2-5, que les préparations hospitalières sont réalisées en conformité avec les BPP sans définir le contenu de ces bonnes pratiques n'est pas davantage de nature à établir une violation du principe de protection de la santé ni à révéler une erreur manifeste d'appréciation dès lors que ces bonnes pratiques renvoient nécessairement à celles admises par la profession, telles que définies par l'ANSM comme le précise la Polynésie française en défense. Ces moyens doivent être écartés.

Sur la légalité de la décision de refus d'abroger l'article 1er alinéa 7 de l'arrêté n° 610 CM du 9 mai 1989 portant application de la délibération n° 88-153 AT du

20 octobre 1988 :

12. D'une part, aux termes de l'article 1er 3 de la délibération du 20 octobre 1988 : " La pharmacopée comprend les textes de la pharmacopée européenne et ceux de la pharmacopée française publiés au Journal officiel de la République française ".

13. D'autre part, aux termes de l'article 1er alinéa 7 de l'arrêté du 9 mai 1989 portant application de la délibération du 20 octobre 1988 : " La pharmacopée visée par les dispositions de la délibération mentionnée ci-dessus est constituée par la dernière édition et par les éditions précédentes maintenues en vigueur en métropole. Des additifs tenant compte des particularités locales pourront être ajoutés après avis du conseil de l'ordre des pharmaciens de la Polynésie française. ". L'article 5 de cet arrêté dispose que " La pharmacopée est complétée par un formulaire. Il est préparé dans les mêmes conditions que la pharmacopée (...). Des additifs tenant compte des particularités locales pourront être ajoutés après avis du président du conseil de l'ordre des pharmaciens de la Polynésie française ".

14. La SARL Gazpac Calédonie soutient que les dispositions de l'article 1er alinéa 7 de l'arrêté du 9 mai 1989 précitées sont illégales en tant qu'elles méconnaissant l'article 1er 3 de la délibération du 20 octobre 1988. Il ressort, en effet, des dispositions contestées qu'en prévoyant la possibilité d'ajouter des additifs tenant compte des particularités locales, ces dispositions ne respectent pas la définition limitative de la pharmacopée polynésienne, prévue à l'article 1er 3 de la délibération du 20 octobre 1988 et sont entachées d'illégalité. Il y a lieu, en conséquence et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens dirigés contre ces dispositions, d'annuler la décision de la Polynésie française de refus de les abroger.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Gazpac Calédonie est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Polynésie française a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision de refus d'abroger l'article 1er alinéa 7 de l'arrêté du 9 mai 1989 portant application de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

16. Il résulte des points 14 et 15, qu'il y a lieu d'enjoindre à la Polynésie française d'abroger les dispositions précitées dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance :

17. Il y a lieu de mettre à la charge de la Polynésie française le versement d'une somme de 1 500 euros à la SARL Gazpac Calédonie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2100468 du 10 mai 2022 du tribunal administratif de Polynésie française, en tant qu'il rejette les conclusions de la requête de la SARL Gazpac Calédonie dirigées contre la décision de la Polynésie française de refus d'abroger l'article 1er alinéa 7 de l'arrêté du 9 mai 1989 portant application de la délibération n° 88-153 AT du

20 octobre 1988, est annulé.

Article 2 : Il est enjoint à la Polynésie française d'abroger l'article 1er alinéa 7 de l'arrêté du

9 mai 1989 portant application de la délibération n° 88-153 AT du 20 octobre 1988, dans un délai de deux mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt.

Article 3 : La Polynésie française versera une somme de 1 500 euros à la SARL Gazpac Calédonie sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Gazpac Calédonie est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Gazpac Calédonie et à la Polynésie française.

Copie du jugement en sera adressée au haut-commissaire de la République en Polynésie française.

Délibéré après l'audience publique du 25 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juillet 2024.

La rapporteure,

M. JULLIARDLe président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03645
Date de la décision : 17/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : SELARL VAIANA TANG & SOPHIE DUBAU

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-17;22pa03645 ?
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