Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet de police a rejeté sa demande de titre de séjour, réceptionnée le 20 octobre 2021, ainsi que la décision implicite par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 2214808 du 20 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 septembre 2023, Mme B..., représentée par Me Boukhelifa, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions implicites de rejet ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions contestées méconnaissent les stipulations du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien, au regard duquel la production d'un visa de long séjour n'est pas exigé ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- à supposer qu'elle ne remplisse pas les conditions exigées par l'accord
franco-algérien modifié, le préfet aurait dû faire usage de son pouvoir de régularisation pour lui accorder un titre de séjour ;
- elle doit être regardée comme ayant la qualité d'ascendant à charge de ressortissant français.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Mantz, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 20 avril 1956, entrée en France en dernier lieu, selon ses déclarations, le 19 juin 2018, sous couvert d'un visa de " court séjour circulation " à entrées multiples, a sollicité, par un courrier reçu le 20 octobre 2021, la délivrance d'un certificat de résidence algérien mention " vie privée et familiale ". Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le préfet sur cette demande. Par un courrier du 16 mars 2022, réceptionné le 21 mars 2022, Mme B... a formé à l'encontre de cette décision un recours hiérarchique qui a été implicitement rejeté par le ministre de l'intérieur. Mme B... relève appel du jugement du 20 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".
3. Mme B... soutient, en premier lieu, qu'elle est entrée en France le 19 juin 2018, après y avoir résidé précédemment sous couvert d'une carte de résident ayant expiré en 2015 et qu'elle a deux fils de nationalité française chez l'un desquels elle réside à Paris 20ème. Elle fait également valoir qu'elle est prise en charge financièrement par ce fils et qu'elle n'a plus d'attaches familiales en Algérie, étant divorcée de son époux depuis 2017. Toutefois, s'il résulte du cachet d'entrée situé en page 9 de son passeport que Mme B... est effectivement entrée en France le 19 juin 2018, un cachet de sortie du territoire français portant la date du
31 août 2018 figure également sur la même page et le passeport de l'intéressée ne comporte aucun autre cachet d'entrée postérieur. Mme B... ne démontre ainsi pas son ancienneté de séjour sur le territoire français à la date des décisions attaquées. Au surplus, Mme B... produit un ensemble de relevés bancaires, notamment datés des années 2020 et 2021, faisant état de virements de son fils sur la banque nationale d'Algérie et dont l'agence bénéficiaire est située à Alger, circonstance de nature à faire présumer que la requérante résidait en Algérie, au moins partiellement, au titre de ces années.
4. En second lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge. ". L'autorité administrative, lorsqu'elle est saisie d'une demande tendant à la délivrance d'un certificat de résidence au bénéfice d'un ressortissant algérien qui fait état de sa qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, peut légalement fonder sa décision de refus sur la circonstance que l'intéressé ne saurait être regardé comme étant à la charge de son descendant, dès lors qu'il dispose de ressources propres, que son descendant de nationalité française ne pourvoit pas régulièrement à ses besoins, ou qu'il ne justifie pas des ressources nécessaires pour le faire.
5. Si Mme B... soutient qu'elle doit être regardée comme ayant la qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant français, elle n'établit pas avoir présenté sa demande de titre de séjour sur ce fondement. En tout état de cause, elle n'établit pas être dépourvue de ressources propres, alors notamment que le visa Etats Schengen " court séjour circulation " qu'elle produit, valable du 22 juillet 2015 au 21 juillet 2020, lui a nécessairement été délivré par les autorités consulaires françaises à Alger au vu de ses ressources propres et de ses garanties de rapatriement.
6. En troisième lieu, Mme B..., alors même qu'elle serait divorcée, ne justifie pas être dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu, de façon discontinue, jusque l'âge de 66 ans. Dans ces conditions, le préfet de police et le ministre de l'intérieur, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, n'ont pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale. Par suite les moyens tirés de la violation des stipulations du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
7. Enfin, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet de police et le ministre de l'intérieur n'auraient pas fait usage de leur pouvoir d'appréciation de l'opportunité de délivrer un titre de séjour à Mme B....
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 1er juillet 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bruston, présidente,
- M. Mantz, premier conseiller,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024.
Le rapporteur,
P. MANTZ La présidente,
S. BRUSTON
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N°23PA04087 2