Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 3 juin 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement.
Par un jugement n° 2314300/8 du 24 juillet 2023, la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 23 août 2023 M. A..., représenté par Me Menage, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2314300/8 du 24 juillet 2023 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 juin 2023 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier pour ne pas avoir statué sur le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est irrégulier pour avoir procédé d'office à une substitution de motifs sans avoir invité les parties à faire valoir leurs observations sur cette substitution ;
- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle ;
- il est intervenue en méconnaissance du droit d'être préalablement entendu ;
- il méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Hamon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant sénégalais né en 1989, a fait l'objet, à la suite d'un contrôle d'identité, d'un arrêté du 3 juin 2023 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination pour son éloignement. Il relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort du jugement attaqué que la magistrate désignée par le président du Tribunal administratif de Paris a omis de statuer sur le moyen, qui n'était inopérant qu'à l'égard de la décision fixant le pays de destination mais pas à l'égard de celle portant obligation de quitter le territoire français, tiré de ce que ces décisions méconnaissaient l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
3. Il y a lieu, pour la Cour, de se prononcer immédiatement sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par la voie de l'évocation, et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions de la requête de M. A....
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. En premier lieu, par un arrêté n° 2023-01059 du 23 janvier 2023 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de police, le préfet de police a donné à Mme B... C..., auteur de la décision attaquée, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement d'autorités dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles n'ont pas été absentes ou empêchées lors de la signature de l'acte attaqué. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté comme manquant en fait.
5. En deuxième lieu, la décision attaquée, qui comporte les considérations de droit et de fait non stéréotypées qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée et il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation personnelle du requérant n'aurait pas fait l'objet d'un examen particulier.
6. En troisième lieu, il découle de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que le droit d'être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union, et se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Ce droit implique ainsi que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne. Ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales. Une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie.
7. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été entendu le 3 juin 2023 par les services de la préfecture de police au cours d'une audition durant laquelle il a pu présenter ses observations, notamment sur l'éventualité d'une mesure d'éloignement et ses conséquences. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de son droit d'être entendu doit être écarté.
8. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour (...) ".
9. Si M. A... justifie, par les copies de son passeport qu'il produit, être entré régulièrement en France le 17 avril 2017 sous couvert d'un visa de court séjour et ne pouvait donc faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du 1° de l'article L. 611-1 précité, sur le fondement desquelles la décision contestée a été prise, il ressort des pièces du dossier, ainsi que le fait valoir en appel le préfet de police, que l'intéressé s'est maintenu, après l'expiration de son visa, sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour. La décision attaquée trouve ainsi son fondement légal dans les dispositions du 2° de cet article L. 611-1 précité, qui peuvent être substituées à celles de 1° du même article dès lors, d'une part, que M. A... se trouvait dans la situation où, en application des dispositions du 2° de cet article L. 611-1, l'autorité préfectorale pouvait l'obliger à quitter le territoire français, d'autre part, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et, enfin, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces dispositions.
10. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France le 17 avril 2019, s'y est maintenu depuis cette date en situation irrégulière sans effectuer de démarches pour régulariser sa situation. S'il établit avoir travaillé, pour des missions de courte durée, de manière récurrente au cours des années 2021, 2022 et 2023, ce seul élément n'est pas de nature à caractériser une vie privée et familiale à laquelle il aurait été porté une atteinte excessive, dès lors qu'il est célibataire sans enfant, entré en France à l'âge de 20 ans, et que s'il soutient avoir de la famille, dont un frère, résidant régulièrement en France, il ne l'établit pas par la seule production de copies de titres de séjour et documents d'identité faute de toute preuve d'un lien de parenté avec les personnes désignées. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée aurait méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour ces mêmes motifs, la décision n'est pas plus entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à exciper, à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination pour son éloignement, de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 6 mai 2022 par laquelle le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le Tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2314300/8 du 24 juillet 2023 du Tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a statué sur la demande de M. A... tendant à l'annulation de la décision du 3 juin 2023 par laquelle le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris mentionnées à l'article 1er et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 2 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Auvray, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente-assesseure,
- Mme Zeudmi Sahraoui, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juillet 2024
La rapporteure,
P. HAMONLe président,
B. AUVRAY
La greffière,
L. CHANALa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne, les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA03803