Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 14 juin 2022 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de changement de nom au profit du patronyme " A... Timsit ", et d'enjoindre à ce ministre de procéder au réexamen de sa situation.
Par un jugement n° 2216741/4-1 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 décembre 2023 et 24 avril 2024, Mme B... A..., représentée par Me Daudé, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2216741/4-1 du 12 octobre 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision du 14 juin 2022 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande de changement de nom tendant à adjoindre à son nom celui de " Timsit " ;
3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de cinq euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable dès lors qu'elle n'est pas tardive ;
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 61 du code civil.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 mars 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Jasmin-Sverdlin,
- et les conclusions de M. Doré, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., a demandé, par lettre du 17 juin 2020 au garde des sceaux, ministre de la justice, d'adjoindre à son nom celui de " Timsit ". Par une décision du 14 juin 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice a rejeté sa demande. Mme A... relève appel du jugement du 12 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de cette décision.
2. En premier lieu, et ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Paris, la décision litigieuse vise l'article 61 du code civil et précise les motifs du refus de sa demande. Elle indique, notamment, qu'un motif affectif ne suffit pas à caractériser l'intérêt légitime requis pour déroger aux principes de dévolution et d'immutabilité du nom de famille. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.
3. En second lieu, aux termes de l'article 61 du code civil : " Toute personne qui justifie d'un intérêt légitime peut demander à changer de nom. La demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré. Le changement de nom est autorisé par décret ". Des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi. Par ailleurs, la possession d'état, qui résulte du caractère constant et ininterrompu, pendant plusieurs dizaines d'années et en principe sur plusieurs générations, de l'usage d'un nom, peut également caractériser l'intérêt légitime requis par les dispositions de l'article 61 du code civil.
4. En l'espèce, il ressort des écritures de Mme A... que cette dernière entend se prévaloir, à l'appui de sa demande de changement de nom, de la possession d'état ainsi que d'un motif d'ordre affectif. Ainsi, d'une part, si Mme A... produit de nombreuses pièces permettant d'établir l'usage du nom " A... Timsit " depuis 2004, il ressort également de pièces versées au dossier, notamment de première instance, que l'intéressée a, au cours des mêmes périodes, également fait usage des noms " A... ", " Timsit " et " Timsit A... ", et ce, depuis la décision du procureur de la République d'Argentan du 6 juillet 1995 portant rectification de l'orthographe de son nom. Par ailleurs, si la requérante entend se prévaloir de l'impossibilité de faire usage du seul nom " Timsit ", et non pas, au demeurant, du nom " A... Timsit ", en raison de la nécessité de produire une pièce d'identité, notamment dans le cadre de démarches administratives, il ressort des courriers adressés par la caisse d'allocations familiales qu'elle a pu faire usage du seul nom " Timsit " en 2005 et 2013 dans ses relations avec l'administration. Dans ces circonstances, et ainsi que l'ont retenu les premiers juges, Mme A... ne justifie pas d'une possession suffisamment ancienne et constante du nom " A... Timsit ". D'autre part, Mme A... n'apporte aucun élément permettant d'établir l'existence de circonstances exceptionnelles de nature à caractériser un motif d'ordre affectif. Si la requérante se prévaut d'un " bouleversement psychique " à la suite de la décision du procureur de la République susmentionnée, elle ne verse aucune pièce permettant d'établir un tel état psychologique, ni même l'attachement profond au nom de " Timsit ", de sorte qu'elle ne saurait se prévaloir d'un motif d'ordre affectif. Il suit de là que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le garde des sceaux, ministre de la justice, a commis une erreur manifeste d'appréciation.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du garde des sceaux, ministre de la justice refusant de l'autoriser à adjoindre à son nom celui de " Timsit ". Ses conclusions d'appel doivent donc être rejetées, en ce comprises celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative dès lors qu'elle est la partie perdante dans la présente instance.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.
La rapporteure,
I. JASMIN-SVERDLINLe président,
J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA05122