Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... se disant Biruk Estifanos a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté notifié le 8 octobre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'une carte de résident.
Par un jugement n° 2117011 du 8 novembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision contestée, enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de résident dans le délai d'un mois sauf nouvelle circonstance y faisant obstacle et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
I - Par une requête enregistrée le 6 janvier 2023 sous le n° 23PA00073, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2117011 du 8 novembre 2022 ;
2°) de confirmer la légalité de la décision du 8 octobre 2021 ;
3°) de rejeter la requête présentée par M. A... se disant Biruk Estifanos.
Il soutient que :
- la demande de statut de réfugié relève d'une fraude dès lors que l'intéressé a usurpé l'identité de M. C..., comme il l'a reconnu lui-même et l'a au demeurant jugé en cours d'instance la Cour nationale du droit d'asile qui a déclaré nulle et non avenue, pour ce motif, la décision lui reconnaissant le statut de réfugié ;
- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.
La requête a été communiquée à M. B... D... se disant Biruk Estifanos qui n'a pas produit de mémoire en défense.
II - Par une requête enregistrée le 6 janvier 2023 sous le n° 23PA00074, le préfet de la Seine-Saint-Denis demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 2117011 du 8 novembre 2022.
Il soutient que les conditions prévues par les articles R. 811-15 et R. 711-17 du code de justice administratives sont réunies.
La requête a été communiquée à M. B... D... se disant Biruk Estifanos qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gobeill,
- et les conclusions de M. Doré, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... D... se disant Biruk Estifanos, a sollicité une carte de résident à la suite de la reconnaissance de sa qualité de réfugié par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 19 février 2021. Par un arrêté du 8 octobre 2021, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande. Le préfet de la Seine-Saint-Denis relève appel du jugement du 8 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil saisi à cette fin par M. B... D... se disant Biruk Estifanos a annulé cet arrêté (n° 23PA00073) et demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement (n° 23PA00074).
Sur la jonction :
2. Les requêtes nos 23PA00073 et 23PA00074 présentées par le préfet de la Seine-Saint-Denis sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a donc lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
Sur la requête n° 23PA00073 :
3. Aux termes de l'article L. 424-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel la qualité de réfugié a été reconnue en application du livre V se voit délivrer une carte de résident d'une durée de dix ans. ". Aux termes de l'article L. 424-6 du même code : " Lorsqu'il est mis fin au statut de réfugié par décision définitive de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par décision de justice ou lorsque l'étranger renonce à ce statut, la carte de résident prévue aux articles L. 424-1 et L. 424-3 est retirée.
L'autorité administrative statue sur le droit au séjour des intéressés à un autre titre dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article L. 511-8 du même code : " L'office met également fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l'autorité administrative, au statut de réfugié dans les cas suivants : / (...) 2° La décision de reconnaissance de la qualité de réfugié a résulté d'une fraude ; (...) ". Aux termes de l'article L. 511-9 du même code : " Dans les cas prévus aux 1° et 2° de l'article L. 511-8, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié résulte d'une décision de la Cour nationale du droit d'asile ou du Conseil d'État, la juridiction peut être saisie par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par le ministre chargé de l'asile en vue de mettre fin au statut de réfugié. (...) ".
4. Pour annuler la décision du préfet de la Seine-Saint-Denis, les premiers juges ont relevé que, quand bien même étaient produites des pièces tendant à attester d'une fraude identitaire, l'intéressé s'était toutefois vu reconnaitre la qualité de réfugié par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 19 février 2021 sans qu'aucune nouvelle décision de la même Cour ne mette fin à ce statut à la date du jugement.
5. Si le préfet de la Seine-Saint-Denis fait valoir que la fraude est établie, comme l'a au demeurant reconnu l'intéressé et relevé ensuite la Cour nationale du droit d'asile qui, saisie par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, a déclaré, dans une décision du 25 novembre 2022, pour ce motif de fraude, nulle et non avenue la décision du 19 février 2021, et rejeté la demande de l'intéressé, il ne pouvait toutefois légalement prendre la mesure contestée pour faire obstacle à une décision, de nature juridictionnelle, de la Cour nationale du droit d'asile, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ayant au demeurant organisé, à l'article L. 511-9 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une procédure spécifique à cette fin.
6. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Il lui appartient, s'il s'y croit fondé, de prendre toute mesure qu'il estimera utile afin de tirer les conséquences de la décision du 25 novembre 2022.
Sur la requête n° 23PA00074 :
7. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête du préfet de la Seine-Saint-Denis tendant à l'annulation du jugement du 8 novembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23PA00074 aux fins de sursis à exécution de ce jugement.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu à statuer sur la requête n° 23PA00074 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Article 2 : La requête du préfet de la Seine-Saint-Denis n° 23PA00073 est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... D... se disant Biruk Estifanos.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024 à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.
Le rapporteur, Le président,
J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE
La greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°s 23PA00073, 23PA00074