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11/07/2024 | FRANCE | N°22PA03245

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 11 juillet 2024, 22PA03245


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 mars 2022 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a décidé d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.



Par un jugement n° 2210189/4-1 du 16 juin 2022, le magist

rat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé la décision fixant le pays de d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 23 mars 2022 par lequel le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné ainsi que l'arrêté du même jour par lequel il a décidé d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois.

Par un jugement n° 2210189/4-1 du 16 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé la décision fixant le pays de destination et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 juillet 2022, le préfet de police demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 2210189/4-1 du 16 juin 2022 ;

2°) de rejeter la requête présentée par M. B....

Il soutient que :

- la décision n'est pas entachée d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- aucun des autres moyens soulevés en première instance n'est fondé.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 janvier 2024, M. B..., représenté par Me Malterre, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français et signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par le préfet de police ne sont pas fondés ;

- il ne constitue pas une menace pour l'ordre public ;

- ses attaches familiales se situent en France ;

- il a besoin d'un suivi médical en France ;

- il encourt des risques de subir des traitements inhumains et dégradants en cas de retour ou de renvoi en Turquie.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 23 mars 2022, le préfet de police a fait obligation à M. B..., ressortissant turc né le 1er août 1986, de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné. Par un arrêté du même jour, il a décidé d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois. M. B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler ces arrêtés. Par un jugement du 16 juin 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé la décision fixant le pays de destination et rejeté le surplus des conclusions de ses demandes. Le préfet de police relève appel du jugement en ce qu'il a annulé la décision fixant le pays de destination. M. B... demande l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire, prononçant une interdiction de retour sur le territoire français et signalement aux fins de non admission dans le système d'exploitation Schengen.

En ce qui concerne l'appel du préfet de police :

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Paris :

2. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

3. Pour annuler la décision contestée au visa des stipulations et dispositions précitées, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a relevé, en se fondant sur les motifs de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 19 octobre 2021 rejetant sa seconde demande de réexamen de sa demande d'asile, que M. B... craignait d'être persécuté par les autorités turques du fait de la condamnation dont il a fait l'objet en France par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 18 avril 2017 pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme et financement d'entreprise terroriste.

4. En se bornant à relever que sa demande d'asile a été rejetée et que M. B... n'apporte aucun élément sur les risques qu'il est susceptible d'encourir en cas de retour en Turquie, alors que, comme l'a au demeurant relevé l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 19 octobre 2021, confirmé postérieurement à la décision contestée par la Cour nationale du droit d'asile le 15 février 2023, il est vraisemblable que la condamnation dont il a fait l'objet en France sera connue des autorités turques, de sorte qu'il ne peut être exclu qu'il y fasse l'objet de persécutions, le préfet de police a, en prenant la décision contestée, méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé pour le motif rappelé au point 3, la décision fixant le pays de destination.

En ce qui concerne les conclusions de M. B... :

6. En invoquant ses relations familiales en France, M. B... doit être regardé comme soulevant, à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire et interdiction de retour sur le territoire, la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

7. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations citées au point précédent ne peut qu'être écarté par adoption des motifs retenus au point 9 du jugement contesté.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

9. Quand bien même M. B... vivrait en France depuis l'année 2008 et qu'y vivent également ses parents et sa fratrie, il est célibataire, sans charge de famille et a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris le 18 avril 2017 à deux ans d'emprisonnement, dont une année avec sursis, pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme et financement d'entreprise terroriste, son comportement ayant fait l'objet d'un nouveau signalement par le tribunal judiciaire de Paris le 26 mars 2021 pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un crime d'atteinte aux personnes, financement d'entreprise terroriste, terrorisme et extorsion en bande organisée. Dans ces circonstances, la décision attaquée n'a pas méconnu les dispositions précitées ni porté d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, protégé par l'article 8 de la convention précitée.

En ce qui concerne le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :

10. Lorsqu'elle prend à l'égard d'un étranger une décision d'interdiction de retour sur le territoire français, l'autorité administrative se borne à informer l'intéressé de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen. Une telle information ne constitue pas une décision distincte de la mesure d'interdiction de retour et n'est, dès lors, pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Par suite, les conclusions dirigées à l'encontre de cette décision ne peuvent donc qu'être rejetées.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire et interdiction de retour sur le territoire. Ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par voie de conséquence être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. B... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 juillet 2024.

Le rapporteur,

J-F. GOBEILLLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA03245


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA03245
Date de la décision : 11/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : CABINET MALTERRE - DIETSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-11;22pa03245 ?
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