Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 6 mai 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2209520 du 9 avril 2024, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mai 2024, Mme B..., représentée par Me Sarhane, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montreuil du 9 avril 2024 ;
3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 6 mai 2022, mentionné ci-dessus ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de la présente décision, sous astreinte de deux-cents euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le jugement méconnaît l'autorité absolue de la chose jugée de l'ordonnance de placement provisoire du 14 octobre 2019 du tribunal pour enfants de C... ;
- il méconnaît les dispositions des articles L. 435-3 et L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 47 du code civil ;
- le refus de l'admettre au séjour et l'obligation de quitter le territoire français ne sont pas suffisamment motivés et sont entachés d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- ces décisions méconnaissent les dispositions des articles L. 435-3 et L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 47 du code civil ;
- elles sont entachées d'une erreur en ce qui concerne son âge et d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne la menace pour l'ordre public qu'elle représenterait ;
- la fixation du pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;
- elle est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Niollet a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., qui a déclaré être de nationalité ivoirienne, être née le 3 août 2003 à San-Pedro (Côte-d'Ivoire), et être entrée en France en mai 2019, a été provisoirement confiée aux services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Seine-Saint-Denis par une ordonnance de placement provisoire du procureur de la République du 16 septembre 2019. Par une nouvelle ordonnance de placement provisoire du 14 octobre 2019 et un jugement du 30 décembre 2019, le juge des enfants du tribunal pour enfants de C... a maintenu son placement jusqu'à sa majorité. Par un arrêté du 6 mai 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination. Mme B... fait appel du jugement du 9 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président ". Eu égard aux circonstances de l'espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l'admission provisoire de Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. En premier lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme B... ne peut donc utilement soutenir que le tribunal aurait méconnu l'autorité de la chose jugée de l'ordonnance de placement provisoire du juge des enfants du tribunal pour enfants de C... du 14 octobre 2019, ainsi que les articles L. 435-3 et L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil pour demander l'annulation du jugement attaqué.
4. En deuxième lieu, Mme B... reprend en appel, sans apporter d'éléments de nature à remettre en cause l'appréciation portée par le tribunal, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de sa situation personnelle des décisions portant refus de l'admettre au séjour et obligation de quitter le territoire français. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges au point 4 de leur jugement.
5. En troisième lieu, Mme B... reprend en appel ses moyens de première instance tirés de ce que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaîtraient les dispositions des articles L. 435-3 et L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles de l'article 47 du code civil, et de ce qu'elles seraient entachées d'une erreur concernant son âge. Toutefois, la requérante ne développe au soutien de ces moyens aucun argument de droit ou de fait complémentaire et pertinent de nature à remettre en cause la motivation retenue par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 7 de leur jugement.
6. En quatrième lieu, si Mme B... soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait commis une erreur d'appréciation en ce qui concerne la menace qu'elle représenterait pour l'ordre public, au regard de l'article L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier qu'ainsi que le tribunal administratif l'a estimé à juste titre au point 10 de son jugement, le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé seulement sur la circonstance qu'elle ne remplissait pas les conditions pour obtenir un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En cinquième lieu, compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision portant fixation du pays de destination devrait être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
8. En sixième lieu, l'arrêté attaqué mentionne la nationalité ivoirienne de Mme B..., et indique qu'elle n'établit pas être exposée à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et de libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine. Ainsi, il est suffisamment motivé en ce qu'il fixe le pays de destination. Pour les mêmes motifs, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait entaché sa décision fixant le pays de destination, d'un défaut d'examen particulier de sa situation.
9. En septième lieu, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Par suite, le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur la décision fixant le pays de destination. Le moyen tiré du vice de procédure dont l'arrêté attaqué serait entaché en ce qu'il fixe le pays de destination, faute d'une telle procédure, ne peut donc qu'être écarté.
10. En huitième lieu, il résulte de la combinaison de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qu'un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
11. Si Mme B... soutient que, du fait de son jeune âge et de sa vulnérabilité, sa vie serait menacée en cas de retour en Côte-d'Ivoire, elle ne produit à l'appui de sa requête aucun élément probant de nature à attester qu'elle encourrait actuellement et personnellement de tels risques en cas de retour dans son pays d'origine. Dans ces conditions, les moyens tirés d'une violation des articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
12. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête, y compris les conclusions à fin d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doit être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Mme B... est admise, à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Bonifacj, présidente,
M. Niollet, président-assesseur,
Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2024.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA02115