Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 15 octobre 2020 par laquelle le préfet de la zone de défense et de sécurité sud-est a abrogé son agrément accordé le 4 juillet 2019, ensemble la décision du 8 janvier 2021 du ministre de l'intérieur et des outre-mer rejetant son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 2104048/5-3 du 6 décembre 2023, le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et enjoint à la préfète de la zone de défense et de sécurité sud-est de réexaminer la situation administrative de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 février 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 6 décembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé sa décision du 15 octobre 2020 dans la mesure où les faits reprochés à Mme B... étaient établis et justifiaient, sans erreur d'appréciation, que l'agrément accordé à l'intéressée soit abrogé ;
- les moyens de la demande de première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 avril 2024, Mme B... conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit fait injonction à l'administration de réexaminer sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision contestée aurait dû être précédée d'une procédure contradictoire ;
- les faits reprochés ne sont pas établis ;
- elle a d'ailleurs été relaxée par la 12ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Lyon des faits de vol aggravé par deux circonstances et subornation de témoins ;
- l'administration était liée par l'autorité de la chose jugée au pénal.
Un mémoire a été enregistré, le 12 juin 2024, pour le ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, modifiée ;
- le décret n° 95-654 du 9 mai 1995 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme d'Argenlieu,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Courtin pour Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... a été reçue à la session du 25 septembre 2018 des épreuves du concours externe à affectation nationale pour l'emploi de gardien de la paix. Par une décision du 4 juillet 2019, l'agrément requis pour le corps des actifs des services de la police nationale lui a été délivré. Cet agrément a été abrogé par une décision du 15 octobre 2020 du préfet délégué pour la défense et la sécurité. Mme B... a exercé un recours hiérarchique à l'encontre de cette décision, qui a été rejeté le 8 janvier 2021. Par un jugement du 6 décembre 2023, dont le ministre de l'intérieur et des outre-mer relève appel, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 15 octobre 2020, ensemble le rejet de son recours hiérarchique.
Sur le motif d'annulation :
2. Aux termes de l'article 4 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale, dans sa version alors applicable, dispose : " Outre les conditions générales prévues par l'article 5 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et les conditions spéciales prévues par les statuts particuliers, nul ne peut être nommé à un emploi des services actifs de la police nationale : (...) 3° Si sa candidature n'a pas reçu l'agrément du ministre de l'intérieur ".
3. Il appartient à l'autorité administrative d'apprécier dans l'intérêt du service et sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les candidats à un emploi des services actifs de la police nationale présentent les garanties requises et la confiance qu'ils peuvent inspirer, la fiabilité et le crédit nécessaires pour l'exercice des fonctions auxquelles ils postulent. L'agrément accordé peut ainsi légalement être abrogé lorsque le résultat d'une enquête fait apparaître que le comportement de la personne qui en bénéficie est devenu incompatible avec son maintien. Une telle mesure de police administrative ne constitue pas une sanction. Il incombe au juge de l'excès de pouvoir de vérifier que la décision contestée repose sur des faits matériellement exacts et de nature à la justifier légalement.
4. En l'espèce, le préfet délégué pour la défense et la sécurité a abrogé l'agrément qu'il avait précédemment accordé à Mme B..., au motif que l'intéressée, poursuivie pour vol aggravé par deux circonstances commis à l'occasion d'une procédure judiciaire de vente à la sauvette, effectuée à Miribel-Jonage, le 18 août 2019, avait attiré défavorablement l'attention des services de police. Mme B... a, en effet, reconnu, dans le cadre de l'enquête administrative diligentée à l'égard des policiers ayant participé à cette opération, qu'il avait été procédé à la fouille illégale du véhicule de l'un des vendeurs à la sauvette dans le coffre duquel des bouteilles d'alcool, notamment, avaient été récupérées, et que le brigadier, qui dirigeait l'opération, avait proposé à ses agents de se partager la marchandise saisie. Si l'intéressée dit n'avoir rien récupéré sur place, elle reconnaît en revanche avoir accepté une bouteille de champagne et un plant de piment lors du nouveau partage effectué en fin de service au commissariat. Elle a également reconnu avoir obéi aux instructions d'un collègue plus aguerri qui, exerçant des pressions sur elle, lui avait demandé, d'une part, d'appeler une autre collègue afin qu'elle vienne récupérer le sac qui se trouvait dans son véhicule personnel, d'autre part, de dire aux enquêteurs que " tout avait été jeté ". Elle a admis enfin que les différents protagonistes s'étaient retrouvés quelques jours après les faits, chez l'un d'entre eux, afin d'établir une version commune du déroulement de l'opération. Certes, Mme B..., en niant dans un premier temps son implication, a manqué à son obligation de loyauté, de même qu'elle a méconnu son devoir de probité en acceptant de la marchandise volée. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressée, gardien de la paix stagiaire au moment des faits, était entrée depuis peu dans la police et effectuait sa première sortie sur la voie publique. Elle doit ainsi être regardée comme ayant manqué de discernement face aux agissements de son supérieur et aux ordres qui lui ont été donnés pour les camoufler. Du reste, elle a été relaxée des fins de poursuites par un jugement définitif du 3 avril 2023 de la douzième chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Lyon et le procureur de la République près ce même tribunal a, à sa demande, procédé à l'effacement des mentions figurant au fichier de traitement des antécédents judiciaires en raison du caractère isolé des faits commis et de la relaxe prononcée. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressée, contrairement à ses collègues, aurait fait l'objet d'une sanction disciplinaire. Par conséquent, dans les circonstances très particulières de l'espèce, le préfet délégué pour la défense et la sécurité, en abrogeant l'agrément accordé à Mme B..., le 4 juillet 2019, a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur et des outre-mer n'est pas fondé à soutenir que, c'est à tort, que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision d'abrogation du 15 octobre 2020, ensemble le rejet du recours hiérarchique exercé par Mme B....
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Le présent arrêt, qui rejette la requête tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris ayant enjoint à la préfète de la zone de défense et de sécurité sud-est de procéder au réexamen de la situation administrative de Mme B..., n'implique pas que la Cour fasse droit aux conclusions à fin d'injonction renouvelées en appel par l'intéressée. Celles-ci doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... d'une somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejetée.
Article 2 : les conclusions à fin d'injonction présentées par Mme B... sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Mme A... B....
Copie en sera adressée au préfet délégué pour la défense et la sécurité.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente,
- M. Niollet, président assesseur,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2024.
La rapporteure,
L. d'ARGENLIEULa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00525