Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun :
1°) d'annuler la décision du 7 mars 2020 par laquelle le maire de la commune de Villejuif a rejeté implicitement sa demande tendant au bénéfice de la protection fonctionnelle ;
2°) d'enjoindre à la commune de Villejuif de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle et notamment de prendre en charge le montant définitif des frais et honoraires de justice qu'elle a engagés, s'élevant à la date de la requête à 4 724,20 euros TTC ;
3°) de condamner la commune de Villejuif à lui verser la somme globale de 45 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis notamment au titre du harcèlement moral ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Villejuif la somme de 2 500 euros au titre des frais d'instance.
Par un jugement n° 2006616 du 3 novembre 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 9 janvier et 9 février 2023, Mme B..., représentée par Me Mazza, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 3 novembre 2022 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler la décision mentionnée ci-dessus du 7 mars 2020 ;
3°) d'enjoindre à la commune de Villejuif de prendre en charge intégralement les frais et honoraires de justice, montant à parfaire à l'issue de la procédure et arrêté au montant de 8 000 euros TTC à la date de la requête ;
4°) de condamner la commune de Villejuif au paiement des sommes de 10 000 euros au titre du préjudice de carrière, de 10 000 euros au titre du préjudice de santé, de 15 000 euros au titre du préjudice moral subi et de 10 000 euros au titre du manquement à l'obligation de protection ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Villejuif la somme de de 2 500 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement :
- il est irrégulier pour défaut de réponse au moyen tiré de la responsabilité de la commune pour manquement à l'obligation de protection de la santé et de la sécurité, insuffisance de motivation s'agissant de la réponse au moyen tiré du défaut de motivation de la décision litigieuse et pour erreurs de droit et de fait.
S'agissant du rejet du 7 mars 2020 de sa demande de protection fonctionnelle :
- cette décision n'est pas motivée, en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle est entachée d'erreurs de droit et d'appréciation, en méconnaissance des dispositions des articles 6 quinquies et 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, dès lors qu'elle a été victime d'agissements répétés émanant de sa hiérarchie, constitutifs de harcèlement moral.
S'agissant de la demande indemnitaire :
- l'illégalité de la décision du 7 mars 2020 portant refus de protection fonctionnelle est constitutive d'une faute qui engage la responsabilité de la commune de Villejuif ;
- le harcèlement moral qu'elle a subi engage également la responsabilité pour faute de la commune ;
- la commune a, en outre, commis une faute en méconnaissant l'obligation de protection et de prévention incombant à l'employeur en vertu des livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail, en particulier les dispositions figurant aux articles L. 4121-1 et suivants de ce code, et des articles 2-1 et 3 du décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;
- ces fautes lui ont causé des préjudices que la commune doit réparer par l'allocation d'une somme de 10 000 euros au titre d'un préjudice de santé, de 10 000 euros au titre d'un préjudice de carrière, de 15 000 euros au titre du préjudice moral et de 10 000 euros au titre d'un préjudice causé par le manquement par la commune à son obligation de protection.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2023, la commune de Villejuif, représentée par Me Magnaval, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L761 -1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Madame B... sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code du travail ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°85-603 du 10 juin 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pagès,
- et les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Educatrice de jeunes enfants, Mme B... a été recrutée le 10 octobre 2013 par la commune de Villejuif en qualité de directrice adjointe de crèche. Par un courrier du 6 janvier 2020, Mme B... a, d'une part, présenté une demande de protection fonctionnelle en raison du harcèlement moral dont elle estimait être victime. Elle a, d'autre part, sollicité la réparation de différents préjudices, résultant notamment de ce harcèlement moral, par l'allocation d'une indemnité totale de 45 000 euros. Ces demandes ont fait l'objet de décisions implicites de rejet par l'autorité territoriale, nées le 7 mars 2020. Par courrier du 10 mars 2020, Mme B... a sollicité de son employeur qu'il lui communique les motifs de ces décisions, ce dernier ayant répondu par un courrier du 2 juin 2020. Mme B... a saisi le tribunal administratif de Melun d'une demande tendant à l'annulation de la décision lui refusant la protection fonctionnelle, ainsi que la condamnation de la commune à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis. Par un jugement du 3 novembre 2022, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, les premiers juges ont répondu aux points 2 à 6 de façon circonstanciée au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision litigieuse.
3. En deuxième lieu, les premiers juges ont répondu de façon circonstanciée aux points 18 à 20 du jugement attaqué au moyen tiré de la responsabilité de la commune pour manquement à l'obligation de protection de la santé et de la sécurité.
4. En dernier lieu, les griefs tirés de l'erreur de droit et de l'erreur de fait, qui relèvent d'ailleurs du contrôle du juge de cassation et non de celui du juge d'appel, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
5. En premier lieu, le courrier du 2 juin 2020 indique bien les motifs de droit et de fait pour lesquels le maire de Villejuif a implicitement refusé à la requérante le bénéfice de la protection fonctionnelle, l'administration n'étant pas tenue de reprendre point par point les éléments soumis par l'agent au titre du harcèlement moral supposé. Par ailleurs, la décision de l'autorité administrative, saisie d'une demande indemnitaire préalable, a pour seul effet de lier le contentieux à l'égard de l'objet de cette demande. Au regard de cet objet, qui conduit le juge à se prononcer sur le droit de l'intéressé à percevoir la somme qu'il réclame, les vices propres dont serait, le cas échéant, entachée la décision qui a lié le contentieux sont sans incidence sur la solution du litige. Ainsi, Mme B... ne saurait utilement se prévaloir, pour obtenir l'annulation du refus de protection fonctionnelle en litige, dont elle a demandé le bénéfice à raison d'agissements de harcèlement moral, de la circonstance que la commune ne lui aurait pas communiqué les motifs du rejet de sa réclamation indemnitaire. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être écarté.
6. En second lieu, Mme B... reprend en appel le moyen tiré de ce qu'elle a subi un harcèlement moral qui justifiait le bénéfice de la protection fonctionnelle sans argumentation nouvelle et sans produire de pièces nouvelles. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs, retenus à bon droit, par les premiers juges aux points 7 à 16 du jugement attaqué.
7. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de la décision du 7 mars 2020 doivent être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation :
8. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la requérante n'est pas fondée à soutenir que la commune de Villejuif a commis une faute en lui refusant la protection fonctionnelle et du fait du harcèlement moral qu'elle estime avoir subi.
9. En second lieu, aux termes de l'article 2-1 du décret du 10 juin 1985 relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale : " Les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ". Aux termes de l'article 3 de ce décret : " En application de l'article 108-1 de la loi du 26 janvier 1984 susvisée, dans les services des collectivités et établissements mentionnés à l'article 1er, les règles applicables en matière de santé et de sécurité sont, sous réserve des dispositions du présent décret, celles définies aux livres Ier à V de la quatrième partie du code du travail et par les décrets pris pour leur application (...) ". Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (...) ". Aux termes de l'article L. 4121-2 du même code : " L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants (...) ". En vertu de ces dispositions, il appartient aux autorités administratives de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents.
10. Mme B... invoque une méconnaissance fautive par la commune de l'obligation de protection et de prévention incombant à l'employeur en vertu des dispositions précitées. Elle reproche tout d'abord à la commune son abstention à assurer la prévention d'un risque psychosocial préexistant à son arrivée, tenant notamment à la mise en œuvre d'une " nouvelle organisation du travail ", sur lequel elle n'apporte pas la moindre précision, de même que, de manière très générale, un défaut de prise en compte de " problèmes de sécurité ", " dysfonctionnements " et un " manque d'effectifs ". En outre, elle se borne à évoquer des erreurs managériales dans l'affectation d'agents au sein de la crèche où elle exerçait et des difficultés rencontrées durant la suspension de fonctions de la directrice de la crèche. La requérante n'invoque ainsi donc pas des manquements précis de la commune à son obligation d'assurer la protection de la santé de la sécurité de ses agents. Par ailleurs, si la crèche a fait l'objet d'un signalement de la médecine du travail en décembre 2015, il résulte de l'instruction que la commune n'est pas restée inactive et a mené une enquête administrative à compter du 22 novembre 2016 pour une durée de 4 mois. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la commune de Villejuif aurait commis une faute à l'égard de la requérante en s'abstenant de prendre les mesures nécessaires à la protection de sa santé et de sa sécurité telles que requises par les dispositions susvisées. Il s'ensuit qu'aucune faute ne peut être retenue également à ce titre à l'encontre de la commune de Villejuif.
11. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'indemnisation doivent être rejetées.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative .
13. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre du même article par la commune de Villejuif.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Villejuif au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Villejuif.
Délibéré après l'audience du 24 juin 2024 à laquelle siégeaient :
- Mme Bonifacj, présidente de chambre,
- M. Niollet, président assesseur,
- M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 juillet 2024.
Le rapporteur,
D. PAGES
La présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au préfet du Val-de-Marne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00130