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05/07/2024 | FRANCE | N°23PA03507

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 05 juillet 2024, 23PA03507


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler :

- la décision par laquelle le directeur de l'Ecole nationale supérieur d'arts et métiers (ENSAM) a implicitement rejeté sa demande tendant à la requalification de son détachement en un détachement dans un emploi conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite en application du 1° de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985, à sa nomination sur l'emploi correspondan

t à ses fonctions et à la révision des clauses financières de son contrat de recrutement ;

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler :

- la décision par laquelle le directeur de l'Ecole nationale supérieur d'arts et métiers (ENSAM) a implicitement rejeté sa demande tendant à la requalification de son détachement en un détachement dans un emploi conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite en application du 1° de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985, à sa nomination sur l'emploi correspondant à ses fonctions et à la révision des clauses financières de son contrat de recrutement ;

- son contrat d'engagement et, à titre subsidiaire, les articles 3 et 5 de l'avenant n°5 au contrat d'engagement à durée déterminée par voie de détachement.

Par un jugement n° 2216842 du 31 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 1er août 2023, Mme B..., représentée par Me Arvis, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris, et les décisions contestées en première instance ;

2°) d'enjoindre au directeur de l'ENSAM de requalifier son détachement dans un emploi conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite en application du 1° de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 et de la nommer dans le grade et sur l'emploi correspondant à ses fonctions, pour la durée fixée par l'arrêté de détachement du ministre de l'agriculture et de l'alimentation ;

3°) à titre subsidiaire de régulariser son contrat d'engagement en révisant ses clauses financières pour lui permettre de bénéficier d'une rémunération équivalente à celle qu'elle aurait dû percevoir si elle avait été nommée sur son emploi ;

4°) de mettre à la charge de l'école nationale supérieur d'arts et métiers la somme de

2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement contesté méconnaît les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- il est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;

- l'ENSAM était dans l'obligation de procéder à son détachement sur un emploi lui ouvrant droit au bénéfice d'une pension en application du code des pensions civiles et militaires de retraite et ne pouvait recourir à la voie contractuelle prévue à l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 afin de pourvoir à l'emploi permanent de coordinatrice responsable du bureau des relations européennes et internationales relevant du corps des ingénieurs d'Etat ;

- les articles 3 et 5 de l'avenant n° 5 de son contrat de travail méconnaissent le principe d'équivalence de rémunération fixé à l'article 26-1 du décret du 16 septembre 1985.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 octobre 2023, l'ENSAM, représentée par Me Labetoule, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés ;

- à titre subsidiaire, les conclusions dirigées contre le contrat d'engagement à durée déterminée par voie de détachement sont irrecevables en raison de la règle de l'exception de recours parallèle.

Par ordonnance du 26 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2024.

Un mémoire complémentaire, enregistré le 18 mars 2024, a été présenté pour Mme B... postérieurement à la clôture de l'instruction et n'a pas été communiqué.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat, à la mise à disposition, à l'intégration et à la cessation définitive de fonctions ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lorin,

- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,

- et les observations de Me Bourgeois, substituant Me Arvis, représentant

Mme B..., et de Me Labetoule, représentant l'ENSAM.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., professeure certifiée de l'enseignement agricole de classe normale, a été détachée sur contrat au sein de l'école nationale supérieur d'arts et métiers (ENSAM) pour une durée de trois ans à compter du 1er février 2016 en vue d'occuper les fonctions de coordinatrice responsable du bureau des relations européennes et internationales. Son détachement a été renouvelé à deux reprises pour des périodes de trois et cinq ans par la signature les 18 décembre 2018 et 1er février 2022 de deux avenants à son contrat de travail initial. Par un courrier du 30 mars 2022, Mme B... a sollicité la requalification de son détachement dans un emploi conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite en application du 1° de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 et sa nomination sur l'emploi correspondant à ses fonctions ou, à titre subsidiaire, la modification des clauses financières de son contrat pour lui permettre de bénéficier des mêmes conditions de rémunération qu'un ingénieur d'études. Cette demande a été rejetée par une décision implicite. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision, de son contrat d'engagement et, à titre subsidiaire, des articles 3 et 5 de l'avenant n° 5 à son contrat d'engagement.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la minute du jugement du tribunal administratif de Paris n° 2216842 du 31 mai 2023 ait en l'espèce été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. Par suite, le jugement doit être annulé pour ce motif, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens d'irrégularité soulevés par Mme B.... Il y a lieu en conséquence de statuer par la voie de l'évocation sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 232-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l'intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande. Dans ce cas, le délai du recours contentieux contre ladite décision est prorogé jusqu'à l'expiration de deux mois suivant le jour où les motifs lui auront été communiqués ".

5. En l'espèce, Mme B... n'établit ni même n'allègue avoir sollicité de l'école nationale supérieure d'arts et métier les motifs de la décision attaquée. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que cette décision ne serait pas motivée ne peut qu'être écarté.

6. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 311-1 du code de la fonction publique : " Sauf dérogation prévue par le présent livre, les emplois civils permanents de l'Etat, des régions, des départements, des communes et de leurs établissements publics à caractère administratif sont occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent code, soit par des fonctionnaires des assemblées parlementaires, des magistrats de l'ordre judiciaire ou des militaires dans les conditions prévues par leur statut. ". L'article L. 332-1 de ce code, rendu applicable aux établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel en application de l'article L. 951-2 du code de l'éducation, dispose que : " Outre les emplois mentionnés aux articles L. 341-1 et L. 342-1, les emplois permanents de l'Etat et de ses établissements publics à caractère administratif énumérés ci-après ne sont pas soumis à la règle énoncée à l'article L. 311-1 et peuvent dès lors être pourvus par des agents contractuels : / 1° Emplois des établissements publics de l'Etat, sous réserve des dispositions du code de la recherche pour les agents publics qui y sont soumis ; (...) ".

7. D'autre part, aux termes de l'article L. 513-1 du code général de la fonction publique : " Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps ou cadre d'emplois d'origine mais continuant à bénéficier, dans ce corps ou cadre d'emplois, de ses droits à l'avancement et à la retraite. / Il est prononcé à la demande du fonctionnaire. ". Aux termes de l'article L. 513-7 de ce code : " Tous les corps et cadres d'emplois sont accessibles aux fonctionnaires relevant du présent code par la voie du détachement, suivi, le cas échéant, d'une intégration. ". Aux termes de l'article L. 513-8 du même code : " Le fonctionnaire peut être détaché dans un corps ou un cadre d'emplois de même catégorie et de niveau comparable à celui de son corps ou cadre d'emplois d'origine ".

8. Enfin, aux termes de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 : " Le détachement d'un fonctionnaire ne peut avoir lieu que dans l'un des cas suivants : / 1° Détachement auprès d'une administration ou d'un établissement public de l'Etat dans un emploi conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite ; (...) / 4° a) Détachement auprès d'une administration de l'Etat ou d'un établissement public de l'Etat dans un emploi ne conduisant pas à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite ; ".

9. Il est constant que Mme B... a été détachée au sein de l'Ecole nationale supérieure d'arts et métiers (ENSAM) sur le fondement de 4° a) de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985 à compter du 1er février 2016 pour occuper les fonctions de coordinatrice responsable du bureau des relations européennes et internationales et que ce détachement a été renouvelé à sa demande à deux reprises et dans les mêmes conditions les 30 novembre 2018 et 1er février 2022. Il ne ressort ni des dispositions précitées, ni d'aucune autre disposition législative ou règlementaire que le ministère de l'Agriculture ou l'ENSAM étaient tenus de procéder au détachement de Mme B... sur un emploi lui ouvrant droit à pension en application du code des pensions civiles et militaires de retraite et ne pouvaient faire application des dispositions prévues au 4° a) de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985. Contrairement à ce qu'elle soutient, le caractère permanent de l'emploi occupé ne faisait pas obstacle à ce que son détachement intervienne par voie contractuelle. A supposer que le poste de coordinatrice responsable du bureau des relations européennes et internationales puisse relever du corps des ingénieurs d'études, cette circonstance n'a pu avoir pour effet de la regarder comme ayant été détachée dans ce corps. A ce titre, il ressort des nombreux échanges entre Mme B... et le service des ressources humaines de l'école nationale supérieur d'arts et métiers, qu'après avoir demandé le renouvellement de son détachement le 16 septembre 2021, elle a sollicité son intégration dans le corps des ingénieurs d'études. Si cette possibilité d'intégration lui a été proposée par l'établissement, elle y a toutefois renoncé compte tenu du déroulement de carrière qu'elle a estimé moins favorable au regard des informations très précises qui lui ont été transmises et de la simulation financière de sa situation qui lui a été communiquée dans le cadre d'un détachement sous contrat ou d'une intégration. Elle a par suite confirmé son choix le 31 janvier 2022 du renouvellement de son détachement dont elle avait été informée qu'il s'effectuerait dans des conditions similaires aux périodes antérieures. Ainsi, le détachement de Mme B... au sein de l'école nationale supérieur d'arts et métiers n'impliquait pas nécessairement qu'il s'effectue dans un emploi conduisant à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite. Au demeurant et en tout état de cause, d'une part, aucune modification de son contrat en cours ne saurait avoir pour effet ou objet de permettre sa titularisation dans un emploi dans le corps des ingénieurs d'étude, et, d'autre part, les décisions prononçant le détachement ou y mettant fin ne pouvant émaner que de son administration d'origine, Mme B... ne pouvait, sans qu'il y soit mis fin, solliciter de son administration d'accueil une modification des conditions de son détachement afin que ce dernier soit prononcé dans un corps ouvrant droit à pension.

10. En dernier lieu, aux termes de l'article 26-1 du décret du 16 septembre 1985 : " Lorsque le détachement est prononcé dans un corps de fonctionnaires de l'Etat, il est prononcé à équivalence de grade et à l'échelon comportant un indice égal ou, à défaut, immédiatement supérieur à celui dont l'intéressé bénéficie dans son grade d'origine. / (...) ".

11. Ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, Mme B... n'a pas été détachée dans le corps des ingénieurs d'études mais dans un emploi ne conduisant pas à pension du code des pensions civiles et militaires de retraite en application des dispositions du 4° a) de l'article 14 du décret du 16 septembre 1985. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de ce que les articles 3 et 5 de l'avenant n° 5 de son contrat de travail méconnaîtraient le principe d'équivalence de rémunération fixé à l'article 26-1 du décret du 16 septembre 1985, est inopérant et ne peut qu'être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de

non-recevoir opposée par l'ENSAM, tirée de l'exception de recours parallèle aux conclusions à fins d'annulation du contrat en litige, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'école nationale supérieure d'arts et métiers, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l'ENSAM.

D E C I D E :

Article 1er: La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2: Mme B... versera à l'Ecole nationale supérieure d'arts et métiers la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à l'Ecole nationale supérieure d'arts et métiers.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 5 juillet 2024.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE

La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA03507


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03507
Date de la décision : 05/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : SCP ARVIS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-05;23pa03507 ?
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