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04/07/2024 | FRANCE | N°23PA03128

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 04 juillet 2024, 23PA03128


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.



Par jugement n° 2206546 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure

devant la cour :



Par une requête et des pièces enregistrées les 15 juillet 2023 et 9 avril 2024, Mme D....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... D... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par jugement n° 2206546 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des pièces enregistrées les 15 juillet 2023 et 9 avril 2024, Mme D..., représentée par Me Masilu, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2206546 du 15 juin 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mars 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout préfet territorialement compétent de lui délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :

- elle est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision de refus de titre de séjour opposée à son concubin ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation familiale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 paragraphe 1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation familiale ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense mais a produit des pièces le 9 avril 2024 à la demande de la cour et a indiqué que la situation de Mme D... n'a pas changé depuis la prise de l'arrêté du 14 mars 2022 et que M. B... C..., le père de ses enfants, est titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 9 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissant malienne née le 25 juin 1995, est entrée en France le 15 septembre 2016 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " étudiant " valable jusqu'au 27 août 2017. Elle a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiante valable jusqu'au 1er octobre 2018. Elle a sollicité un changement de statut et une carte de séjour portant la mention " recherche d'emploi-création d'entreprise " valable du 10 décembre 2019 au 9 décembre 2020 qui lui a été délivrée. Elle a sollicité un nouveau changement de statut en vue de la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par un arrêté du 14 mars 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de délivrance de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par jugement du 15 juin 2023, dont Mme D... relève appel, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de la décision de refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, l'illégalité d'un acte administratif ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. La décision par laquelle un refus de séjour a été opposée au concubin de Mme D... ne constitue pas la base légale de la décision de refus de titre de séjour du 14 mars 2022 opposée à Mme D... par le préfet de la Seine-Saint-Denis, décision qui n'a pas davantage été prise pour l'application de ce premier refus. Dès lors, Mme D... ne peut utilement exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour opposée à son concubin.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ". Aux termes de de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui énonce notamment que " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".

4. Mme D..., âgée de 27 ans à la date de l'arrêté attaqué, établit résider de manière habituelle et continue en France depuis le 15 septembre 2016, soit depuis près de six ans. Elle a obtenu une licence 3 d'économie et de gestion à l'université du Havre en 2017, a validé une première année de master 1 au sein de l'Institut Européen des Affaires dans la filière " commerce international " et a obtenu son diplôme de master 2 en " Management et Affaires internationales " le 5 juillet 2019. Elle a une sœur française et vit en concubinage depuis le 18 août 2017 avec un compatriote qui exerce une activité professionnelle de chauffeur livreur à temps plein en contrat à durée indéterminée depuis septembre 2020 et ils ont eu deux enfants nés respectivement les 6 janvier 2018 et 10 novembre 2020. Il ressort des pièces du dossier que si, à la date de la décision attaquée, son concubin était en situation irrégulière, le rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour a été annulé, postérieurement à l'arrêté contesté, par jugement du 3 août 2022, et que l'intéressé a alors été mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail et bénéficie désormais d'une carte de séjour temporaire portant la mention salarié valable jusqu'au 9 novembre 2024. En dépit de cette circonstance, eu égard au caractère récent de la vie familiale constituée en France, à l'ancienneté et aux conditions de séjour de Mme D..., le préfet de la Seine-Saint-Denis ne saurait être regardé comme ayant porté, dans les circonstances de l'espèce, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par le refus de titre contesté. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis en prenant la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'a pas, pour les mêmes motifs, entaché sa décision de refus de titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation familiale de Mme D....

5. En dernier lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

6. Dans les circonstances de l'espèce, compte tenu du jeune âge des enfants de la requérante et de la nationalité commune de leurs parents, le refus de titre de séjour attaqué n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, Mme D... invoque le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée portant obligation de quitter le territoire français. Toutefois, elle n'apporte à l'appui de ce moyen, déjà soulevé devant le tribunal administratif de Montreuil, aucun élément nouveau susceptible de remettre en cause l'appréciation portée à juste titre par les premiers juges. Il y a dès lors lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par ces derniers au point 2 du jugement attaqué.

8. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit, Mme D... n'établit pas que la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui a été opposée est illégale. Dès lors, le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision, soulevé à l'appui des conclusions dirigées contre la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé et ne peut qu'être écarté.

9. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 4 et 6 du présent arrêt, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français qui lui a été opposée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation familiale.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 mars 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Ses conclusions tendant l'annulation de ce jugement et de cet arrêté ainsi que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'elle a présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent en conséquence être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA03128 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA03128
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MASILU LOKUBIKE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23pa03128 ?
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