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04/07/2024 | FRANCE | N°23PA00434

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 04 juillet 2024, 23PA00434


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2110322 du 21 novembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.



Procédure dev

ant la cour :



Par une requête enregistrée le 31 janvier 2023, Mme B..., représentée par Me Larroque, dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2110322 du 21 novembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2023, Mme B..., représentée par Me Larroque, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2110322 du 21 novembre 2022 du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2021 de la préfète du Val-de-Marne ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne de réexaminer son dossier dans les quinze jours qui suivront la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une attestation provisoire de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que, ayant contesté la décision de l'OFPRA, elle bénéficiait du droit de se maintenir sur le territoire ;

- il est insuffisamment motivé ;

- faute d'avoir pris en compte la demande d'asile de sa fille mineure, en cours d'instruction, il est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- l'obligation de quitter le territoire français n'a pas été spécifiquement motivée ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 6 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Collet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née le 21 mai 1990, est entrée en France en 2020 selon ses déclarations. Elle a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'asile par décision du 3 mai 2021 notifiée le 3 juin suivant. Par un arrêté du 7 septembre 2021, la préfète du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement. Par un jugement du 21 novembre 2022, dont Mme B... relève appel, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 532-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La Cour nationale du droit d'asile (...) statue sur les recours formés contre les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (...) / A peine d'irrecevabilité, ces recours doivent être exercés dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision de l'office (...) ". Aux termes de l'article L. 542-1 de ce code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Devant la Cour nationale du droit d'asile, le bénéfice de l'aide juridictionnelle est de plein droit, sauf si le recours est manifestement irrecevable. L'aide juridictionnelle est sollicitée dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. Lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle est adressée au bureau d'aide juridictionnelle de la cour, le délai prévu au premier alinéa de l'article L. 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est suspendu et un nouveau délai court, pour la durée restante, à compter de la notification de la décision relative à l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Ces délais sont notifiés avec la décision de l'office (...) ".

4. Il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que la décision de l'OFPRA du 3 mai 2021 rejetant la demande d'asile de Mme B... a été notifiée à l'intéressée le 3 juin 2021. Il ressort également des pièces du dossier, et notamment de la copie d'écran de la plateforme de communication de fichiers de la Cour Nationale du Droit d'Asile (CNDA) que le conseil de la requérante a déposé pour Mme B... une demande d'aide juridictionnelle le 4 juin 2021, soit dans le délai de quinze jours prévu par les dispositions précitées de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991. Cette demande a ainsi suspendu, conformément aux dispositions de cet article, le cours du délai de recours contentieux à l'encontre de la décision de l'OFPRA. Dans ces conditions, et alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le recours devant la CNDA aurait été déposé au-delà du nouveau délai ayant couru à compter de la notification de la décision, datée du 4 janvier 2022, d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle, Mme B... conservait le droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, elle est fondée à soutenir qu'en édictant à son encontre l'arrêté contesté alors que la décision de cette cour n'était pas encore intervenue, la préfète du Val-de-Marne a méconnu les dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement du 21 novembre 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun et de l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel la préfète du Val-de-Marne l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination d'une mesure d'éloignement.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Aux termes de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

7. Eu égard au motif d'annulation retenu ci-dessus, l'exécution du présent arrêt implique seulement que la situation de Mme B... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre à la préfète du Val-de-Marne ou à tout préfet territorialement compétent de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

8. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Larroque de la somme de 1 000 euros.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2110322 du 21 novembre 2022 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Melun et l'arrêté de la préfète du Val-de-Marne du 7 septembre 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint à la préfète du Val-de-Marne ou à tout préfet territorialement compétent de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente.

Article 3 : L'Etat versera à Me Larroque, avocate de Mme B..., la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à la préfète du Val-de-Marne.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Melun.

Délibéré après l'audience du 10 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Collet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.

La rapporteure,

A. Collet La présidente,

A. Menasseyre

La greffière,

N. Couty

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00434
Date de la décision : 04/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Aude COLLET
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : LARROQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-04;23pa00434 ?
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