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01/07/2024 | FRANCE | N°24PA01000

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 01 juillet 2024, 24PA01000


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2207714 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
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Par une requête enregistrée le 29 février 2024, M. A..., représenté par Me Bernard, demande à la cour :


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 7 avril 2022 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2207714 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 février 2024, M. A..., représenté par Me Bernard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 5 octobre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 7 avril 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou à défaut de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Bernard en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté préfectoral litigieux n'est pas suffisamment motivé ;

- le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas procédé à un examen complet et personnalisé de sa situation ;

- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant lié par l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ;

- l'arrêté préfectoral contesté méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article L. 611-3 9° du même code ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis, qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Paris a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. A... par une décision du 2 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- et les observations de Me Bernard, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant ghanéen né le 24 octobre 1968, déclare être entré en France en 2002. Par un arrêté du 7 avril 2022, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... demande à la cour d'annuler le jugement du 5 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, l'arrêté du 7 avril 2022 du préfet de la Seine-Saint-Denis mentionne les textes de droit et les considérations de fait sur lesquels il est fondé. Ainsi, et alors que le préfet n'était pas tenu d'énoncer l'ensemble des éléments relatifs à la situation personnelle de M. A..., il est suffisamment motivé.

3. En deuxième lieu, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué, ni d'aucune autre pièce du dossier, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de la situation de M. A..., alors que, contrairement à ce qui est soutenu, l'administration a pris en compte la durée de son séjour en France, l'arrêté mentionnant son entrée sur le territoire national en 2002.

4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'étranger, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens des dispositions précitées, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.

6. Par ailleurs, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait à tort cru lié par l'avis émis le 3 mars 2022 par le collège de médecins de l'OFII pour refuser le renouvellement de son titre de séjour.

8. D'autre part, M. A... soutient qu'il est atteint d'une hépatite B chronique depuis 2010, traitée en France par le ténofovir, et qu'il doit effectuer deux fois par an un contrôle échographique. Il indique par ailleurs qu'il est traité pour une hypertension artérielle. Toutefois, il se borne à produire un certificat médical établi le 27 avril 2022, indiquant de manière générale, sans précision quant à la molécule administrée, que le traitement de l'intéressé " ne peut pas être réalisé dans son pays d'origine ", alors que le collège de médecins de l'OFII a estimé, dans son avis émis le 3 mars 2022, que si l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait néanmoins bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, le Ghana. L'appelant n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en rejetant sa demande de titre de séjour.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".

10. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées par le préfet de la Seine-Saint-Denis, dirigé par M. A... contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français, doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8 du présent arrêt.

11. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

12. M. A... se prévaut de la durée de son séjour en France, de son intégration et des liens personnels qu'il a noués sur le territoire national. Il est toutefois célibataire et sans charge de famille en France, et ne conteste pas être dépourvu d'attaches familiales au Ghana, où réside sa mère et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de trente-quatre ans. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre de séjour. Il n'a donc pas méconnu les stipulations précitées, ni, pour les mêmes motifs, commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A....

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 7 avril 2022. Ses conclusions à fin d'annulation ainsi, par voie de conséquence, que ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent donc être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 25 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er juillet 2024.

La rapporteure,

G. B...Le président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 24PA01000 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA01000
Date de la décision : 01/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : AARPI CAMBONIE - BERNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-01;24pa01000 ?
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