Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2023 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.
Par un jugement n° 2312299 du 27 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Pitti-Ferrandi, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2312299 du 27 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 21 mars 2023 du préfet de police ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé dans un délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur la régularité du jugement attaqué :
- les premiers juges ont omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté attaqué ;
- ils ont également omis de répondre aux moyens tirés de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire et celle fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
- ils ont également omis de répondre au moyen tiré de ce que la décision portant refus de séjour est entachée d'incompétence négative ;
Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions portées par l'arrêté attaqué :
- elles sont insuffisamment motivées et entachées d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Sur les autres moyens relatifs à la décision portant refus de séjour :
- l'avis du collège des médecins de l'OFII est entaché d'insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'erreur de fait ;
- elle est entachée d'incompétence négative et méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur les autres moyens relatifs à la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale, par voie d'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3-10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;
Sur les autres moyens relatifs à la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale, par voie d'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marjanovic,
- et les observations de Me Giard,substituant Me Pitti-Ferrandi pour M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant colombien né le 17 mai 1995 et déclarant être entré en France le 13 mars 2019, a sollicité, le 7 septembre 2022, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève régulièrement appel du jugement du 27 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 mars 2023 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance de ce titre, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier de première instance que M. B... a notamment soutenu devant les premiers juges, d'une part, que les différentes décisions portées par l'arrêté préfectoral attaqué du 21 mars 2023 étaient entachées d'insuffisance de motivation et méconnaissaient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, d'autre part, que la décision portant refus de séjour était entachée d'incompétence négative.
3. Si, respectivement aux points 4, 5, 13 et 18 du jugement attaqué, les premiers juges ont répondu à ceux de ces moyens qui se rapportaient à la décision de refus de séjour ainsi qu'au moyen moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire méconnaitrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ils ne se sont pas, en revanche, prononcé sur les moyens, qui n'étaient pas inopérants, tirés de ce que cette même obligation ainsi que la décision distincte fixant le pays de renvoi n'étaient pas motivées. Ainsi, leur jugement, qui est partiellement entaché d'irrégularité, doit être annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de ces décisions. Il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions présentées par M. B....
Sur la légalité des décisions contestées :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
4. En premier lieu, M. B... se borne à reproduire en appel, sans les assortir d'éléments nouveaux, les moyens qu'il avait développé en première instance tirés de ce que la décision portant refus de séjour serait insuffisamment motivée, entachée d'incompétence négative et d'un défaut d'examen particulier de sa situation et viciée par l'insuffisance de motivation de l'avis du collège des médecins de l'OFII. Dès lors, il y a lieu, par adoption des motifs à bon droit par les premiers juges, de les écarter.
5. En deuxième lieu, si M. B..., qui soutient avoir vécu plusieurs années au Chili mais a tenu des propos fluctuants et dépourvus de toute justification sur les conditions de son séjour dans ce pays, affirmant successivement s'y être vu reconnaître la qualité de réfugié puis y avoir résidé sous couvert d'un titre de séjour " étudiant ", fait grief à l'arrêté attaqué de mentionner à tort qu'il aurait vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 23 ans, l'erreur de fait ainsi alléguée, à la supposer même avérée alors que le requérant produit des copies de ses passeports colombiens délivrés les 14 août 2012 et 24 août 2017 ainsi que la copie de son billet d'avion démontrant qu'il est arrivé en France depuis l'aéroport de Bogota, est en tout état de cause sans incidence sur la légalité de la décision contestée, dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que le préfet aurait pris une décision différente s'il avait tenu compte de la durée du séjour allégué par l'intéressé hors de son pays d'origine.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée ". Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié, au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
7. Il ressort des pièces du dossier que, pour refuser de faire droit à la demande de titre de séjour présentée par M. B..., le préfet de police s'est fondé sur l'avis émis le 3 mars 2023 par le collège de médecin de l'OFII qui a considéré que si l'état de santé du requérant nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.
8. Pour contester cette appréciation, M. B..., qui a été diagnostiqué positif au virus de l'immunodéficience humaine (VIH), produit des captures d'écran du site " farmalisto.com ", qui propose un service de livraison à domicile de médicaments en Colombie, desquelles il déduit que les médicaments qui lui sont prescrits en France ne sont pas tous disponibles dans son pays d'origine et que ceux d'entre eux qui le sont représentent une charge mensuelle excessive au regard du salaire minimum constaté dans ce pays et des ressources dont il pourrait y disposer en l'absence d'attaches familiales ou personnelles et compte tenu des persécutions auxquelles il serait exposé du fait de son orientation sexuelle. Toutefois, ces éléments parcellaires et généraux ne sont pas de nature, à eux seuls, à remettre en cause l'avis contraire du collège des médecins de l'OFII. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de police, en refusant de lui délivrer un titre de séjour au motif qu'il pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Si M. B..., présent en France depuis quatre ans à la date de l'arrêté attaqué, fait valoir qu'il y a fixé l'ensemble de ses attaches et de ses centres d'intérêts, dès lors qu'il parle français, qu'il exerce la profession de coiffeur en étant à jour de ses obligations fiscales et qu'il est en couple avec un ressortissant français. Toutefois, il ne justifie pas être dépourvu de toutes attaches familiales ou personnelles dans son pays d'origine, ni être dans l'impossibilité de retourner le cas échéant au Chili, où il aurait vécu, selon ses propres déclarations, pendant plusieurs années sous le statut de réfugié. Dans ces conditions, le préfet de police, en lui refusant la délivrance du titre de séjour sollicité, n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise. Il s'ensuit que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
11. En premier lieu, M. B... n'établissant pas que le refus de séjour qui lui a été opposé serait illégal, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre l'obligation lui étant faite de quitter le territoire, n'est pas fondée et doit, en conséquence, être écartée.
12. En deuxième lieu, il ressort de ses termes mêmes que l'arrêté attaqué vise les dispositions du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et énonce les circonstances de fait propres à la situation du requérant sur lesquelles le préfet de police s'est fondé pour considérer qu'il n'existait aucun obstacle à ce qu'il quitte le territoire français. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire manque en fait et doit être écarté.
13. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier, ni des termes de l'arrêté que le préfet n'aurait pas procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de M. B....
14. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 8 et 10, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions alors applicables du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
15. En cinquième lieu, M. B... ne peut utilement se prévaloir du moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas pour objet de fixer le pays à destination duquel il pourrait être reconduit.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
16. En premier lieu, M. B... n'établissant pas que l'obligation lui étant faite de quitter le territoire serait illégale, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision distincte fixant le pays de renvoi, n'est pas fondée et doit, en conséquence, être écartée.
17. En deuxième lieu, la décision contestée, qui vise, notamment, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qui mentionne que l'intéressé n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine, énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et est, par suite, suffisamment motivée.
18. En troisième lieu, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de police aurait omis de procéder à un examen particulier de la situation personnelle de M. B..., avant de fixer le pays à destination duquel il pourra être éloigné.
19. En troisième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est inopérant à l'encontre de la décision fixant le pays de destination.
20. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
21. M. B... soutient qu'il risque d'être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine en raison de son orientation sexuelle. Il n'appuie toutefois ces allégations d'aucun élément de nature à établir qu'il serait personnellement et pour ce motif exposé à de tels traitements. Par ailleurs, compte tenu de ce qui est dit ci-dessus, M. B... n'est pas fondé à invoquer l'existence de risques pour sa santé et pour sa vie, en cas de retour en Colombie, du fait de l'impossibilité d'y bénéficier d'un traitement médical approprié. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations susrappelées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
22. Il résulte de tout ce qui précède que M. B..., d'une part, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de séjour portée par l'arrêté du préfet de police en date du 21 mars 2023, d'autre part, n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination portées par ce même arrêté. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2312299 du 27 septembre 2023 du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de M. B... tendant à l'annulation des décisions, portées par l'arrêté préfectoral du 21 mars 2023, portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de renvoi.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Paris mentionnées à l'article 1er du présent arrêt et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Vinot, présidente de chambre,
- M. Marjanovic, président assesseur,
- M. Dubois, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 juin 2024.
Le rapporteur,
V. MARJANOVICLa présidente,
H. VINOT
La greffière,
A. MAIGNAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 23PA04628