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28/06/2024 | FRANCE | N°23PA04623

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 5ème chambre, 28 juin 2024, 23PA04623


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.



Par un jugement n° 2314541 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la

Cour :



Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2023, Mme G..., représentée par Me Tordo, demande à ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme E... G... a demandé au tribunal administratif de Paris l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure.

Par un jugement n° 2314541 du 5 octobre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 9 novembre 2023, Mme G..., représentée par Me Tordo, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2314541 du 5 octobre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 janvier 2023 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étranger malade " ou de réexaminer sa situation, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la décision portant refus de séjour :

- elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, les dispositions des articles R. 425-11 et R. 425-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ayant été méconnues ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à la disponibilité d'un traitement médical adapté dans son pays d'origine ;

- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des articles L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :

- elle est illégale, par voie d'exception d'illégalité de la décision de refus de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par Mme G... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Marjanovic a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme G..., ressortissante de la République démocratique du Congo (RDC) née le 16 juin 1955 et entrée en France le 27 décembre 2019 sous couvert d'un visa Schengen délivré par les autorités belges et valable du 15 décembre 2019 au 19 janvier 2020, a sollicité, le 18 août 2022, la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève régulièrement appel du jugement du 5 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 janvier 2023 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance de ce titre et l'a obligée à quitter le territoire national.

Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins (...) ". Aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 30 décembre 2022, a été établi sur la base d'un rapport en date du 20 décembre 2022 émanant du docteur F... D..., médecin du service médical de l'Office, et qui a été communiqué suivant le bordereau de transmission présenté, le 20 décembre 2022, à un collège de médecins composé des docteurs Joëlle Trétout, Nicolas Signol et Laurent Ruggieri, régulièrement désignées par une décision du directeur général de l'OFII du 11 avril 2022 publiée sur le site internet de l'office. L'avis du 30 décembre 2022 de ce collège mentionne clairement l'identité des trois médecins le composant, permettant ainsi d'établir que le médecin rapporteur n'y figurait pas. Enfin, la circonstance que cet avis a été rendu plus de trois mois après le dépôt de la demande de Mme G... est sans incidence sur la régularité de la procédure dans la mesure où, d'une part, le délai imparti par les dispositions précitées de l'article R. 425-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas prescrit à peine de nullité et, d'autre part, la requérante ne démontre pas que son état médical aurait changé entre la transmission des éléments requis à l'OFII et l'avis de ce dernier. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure suivie doit être écarté en toutes ses branches.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. / (...). ".

5. Il ressort des pièces du dossier, notamment des attestations et rapports médicaux établis les 4 et 8 août 2022 et 31 mai 2023 par ses médecins congolais, que Mme G... a été suivie de 2006 à 2019 par trois praticiens du centre hospitalier de l'Office congolais de contrôle " pour un épisode d'accident vasculaire cérébral sur terrain de diabète type 2 " et qu'elle a été hospitalisée à trois reprises au centre de santé de référence Bangu, à Kinshasa, pour " coma hyper glycémique chez un diabétique de type II déséquilibré par une infection et hypertension artérielle de grade II ". Si ces attestations suggèrent qu'elle " puisse rester à l'étranger où le plateau technique est plus élevé que le nôtre " et qu'elle bénéficierait d'une " meilleure prise en charge dans un pays européen ", elles suffisent néanmoins à établir que Mme G... a pu durablement bénéficier de soins adaptés en RDC et corroborent ainsi l'avis précité émis le 30 décembre 2022 par le collège des médecins de l'OFII selon lequel l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, et alors même que les médicaments qui lui sont prescrits en France, à savoir le Januvia, l'Indapamide, le Kardegic, le Cardensiel et l'Atorvastatine, ne figurent pas sur la liste nationale des médicaments essentiels présents en RDC, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que la requérante pouvait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

7. Mme G... n'ayant pas sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions rappelées au point précédent, le moyen tiré de la méconnaissance desdites dispositions est inopérant et ne peut qu'être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

9. Si Mme G..., qui est entrée en France le 27 décembre 2019, soit à l'âge de 64 ans, se prévaut de la durée de son séjour sur le territoire national, il ressort des pièces du dossier qu'elle s'y est irrégulièrement maintenue plus de 30 mois après l'expiration, le 19 janvier 2020, de son visa de court séjour délivré par les autorités belges, avant de solliciter son admission au séjour pour motifs médicaux. Si elle fait également état de la présence régulière en France de son frère, de sa fille B... et de ses petits-enfants, elle n'établit toutefois pas être dépourvue de toute attache familiale dans son pays d'origine, ou hors de France, l' " attestation de composition de famille " du 15 août 2022 qu'elle verse aux débats indiquant qu'elle " est mariée coutumièrement à A... Mambo Théophile " et la requérante soutenant, par ailleurs, que son autre fille, C... A..., réside en RDC ou, selon ses déclarations fluctuantes, au Canada, pays dont elle a acquis la nationalité. Dans ces conditions, le préfet de police, en refusant de l'admettre au séjour en France n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise.

10. Enfin, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le préfet de police, en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme G..., n'a pas entaché cette décision d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

11. D'une part, il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité de la décision de refus de titre de séjour doit être écartée dès lors que cette décision n'est entachée d'aucune illégalité.

12. D'autre part, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment, Mme G... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme G... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme G... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... G... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vinot, présidente de chambre,

- M. Marjanovic, président assesseur,

- M. Dubois, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 28 juin 2024.

Le rapporteur,

V. MARJANOVICLa présidente,

H. VINOT

La greffière,

A. MAIGNAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 23PA04623


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04623
Date de la décision : 28/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VINOT
Rapporteur ?: M. Vladan MARJANOVIC
Rapporteur public ?: M. PERROY
Avocat(s) : TORDO

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-28;23pa04623 ?
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