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27/06/2024 | FRANCE | N°23PA05343

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 27 juin 2024, 23PA05343


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société en nom collectif (SNC) Aoste a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion correspondants, mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Par un jugement n° 2110116 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Mont...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société en nom collectif (SNC) Aoste a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion correspondants, mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2110116 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 décembre 2023 et 25 janvier 2024, la SNC Aoste, représentée par Me Bravard, avocat, demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 2110116 du 26 octobre 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler la décision du 31 mars 2021 rejetant sa réclamation contentieuse du 30 décembre 2020 ;

3°) de la décharger, en droits et intérêts de retard, des rappels de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), de taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion correspondants, mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016, au titre de la réintégration dans le calcul de la valeur ajoutée des sommes mises à sa charge par ses clients ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit ;

- les sommes qu'elle a portées au débit du compte n° 709 " rabais, remises, ristournes ", et s'élevant à 941 598 euros en 2015 et 767 370 euros en 2016, correspondent à des pénalités de retard prévues par ses clients, les centrales d'achat des groupes de la grande distribution, inhérentes à son activité courante et non liées à un événement majeur et inhabituel ; elles doivent donc être classées en charges d'exploitation et non en charges exceptionnelles dans le compte d'exploitation, réservées par la société aux charges hors contrat, et ce en conformité avec le principe fixé par l'article

R. 123-192 du code de commerce et l'article 513-2 du plan comptable général, et être ainsi exclues de la base de calcul de la CVAE ; le classement des comptes du plan comptable général n'est pas intangible et doit être apprécié au regard du modèle économique de l'entreprise, qui permet en l'espèce de justifier du caractère récurrent des charges en cause selon la jurisprudence du Conseil d'Etat ; c'est donc à tort que l'administration fiscale les a requalifiées en pénalités sur marchés et les a rattachées au compte 6711, compte de charges exceptionnelles, du plan comptable général et par suite réintégrées dans cette base de calcul en application de l'article 1586 sexies du code général des impôts qui n'en exclut que les charges de gestion courante ;

- il convient de se référer à cet égard d'une part à la recommandation ANC 2013-03 du 7 novembre 2013 de l'autorité des normes comptables (ANC) selon laquelle le résultat opérationnel n'est composé qu'en fonction d'événements majeurs et ne comprend que des produits et des charges peu nombreux, inhabituels, significatifs, anormaux et peu fréquents, d'autre part à un document émis par l'ANC le 18 mai 2020 selon lequel, pour la mise en application de l'article R. 123-92 du code de commerce, " Le plan comptable général n'apporte pas de précision dans sa version actuelle sur la notion de résultat exceptionnel ou de résultat courant. Le classement des produits et charges exceptionnels dépend actuellement, de leur nature, selon le plan des comptes. En interprétant l'article R. 123-192 mentionné, il est possible d'inscrire en résultat exceptionnel des produits et charges qui sont par nature classés en exploitation ", et enfin à la position prise par la compagnie des commissaires aux comptes en 1989 puis dans son bulletin n° 166 de juin 2012 EC 2012-09 rappelant la possibilité d'interpréter la liste des comptes du plan comptable général. Par ailleurs, même si ces dispositions ne sont pas rétroactives, le projet de règlement n° 2022-06 de l'ANC modifiant le plan comptable général prévoit de définir le résultat exceptionnel comme ne se rapportant qu'aux événements majeurs et inhabituels et de supprimer le compte de charges exceptionnelles 6711 afin de comptabiliser les pénalités de marché dans un compte de charges de gestion courante 6581.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête de la SNC Aoste ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le plan comptable général issu du règlement ANC n° 2014-03 du 5 juin 2014 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Carrère, président,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société en nom collectif (SNC) Aoste, qui exerce une activité industrielle de préparation de produits à base de viande, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos les 31 décembre des années 2015 et 2016, à la suite de laquelle l'administration fiscale a réintégré dans la base de calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) les sommes de 941 598 euros en 2015 et 767 370 euros en 2016, considérées, selon leur intitulé, comme pénalités sur marchés, facturées par les centrales d'achat auxquelles la société requérante vend ses productions et inscrites par cette dernière comme charges déductibles de la valeur ajoutée taxable au titre du compte 709 " rabais, remises, ristournes ". L'administration a estimé que ces pénalités devaient être comptabilisées comme telles, au nombre des charges de gestion exceptionnelles sur opérations de gestion, au compte 6711 du plan comptable général et ne pouvaient être déduites de cette assiette en application de la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être prises en compte pour la détermination de la valeur ajoutée définie par le I de l'article 1586 sexies du code général des impôts. Elle a, par suite, procédé à des rappels de CVAE et de taxe additionnelle à cette cotisation au titre de ces deux exercices. Par décision du 31 mars 2021, le service a rejeté la réclamation contentieuse de la SNC Aoste du 30 décembre 2020. La SNC Aoste fait régulièrement appel du jugement du 26 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de décharge, en droits et intérêts de retard, des rappels de CVAE, de taxe additionnelle à cette cotisation et des frais de gestion correspondants, mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016 pour des montants totaux respectifs de 16 294 euros et 12 618 euros.

2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, la SNC Aoste ne peut utilement soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit pour en obtenir l'annulation.

3. En vertu du 4 du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts, la valeur ajoutée, sur la base de laquelle est déterminée la CVAE visée à l'article 1586 ter du même code et, par suite, la cotisation additionnelle à la CVAE prévue à l'article 1600 de ce code et les frais de gestion définis à l'article 1647 de ce code, se calcule en retranchant du chiffre d'affaires, défini au 1 du I de cet article 1586 sexies, notamment, les charges de gestion courante. Ces dispositions fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause.

4. La SNC Aoste a inscrit les sommes en litige en débit du compte de charges d'exploitation 658 en tant que charges de gestion courante. Elle soutient que ces pénalités sur marchés, si elles sont prévues, sous cette dénomination, par le plan compte général dans sa rédaction de 2014 applicable, comme devant être inscrites au compte 6711 qui concernent des charges exceptionnelles sur opérations de gestion non déductibles de la base de calcul de la CVAE, il ne doit en être ainsi que sous la réserve qu'elles ne revêtent pas, en fait, la nature de charges de gestion courante et que tel est le cas, dès lors que ces pénalités, prévues par les contrats qui la lient à ses clients, les centrales d'achat des groupes de la grande distribution, revêtent un caractère récurrent et significatif dans le cadre de son modèle économique, les stipulations contractuelles prévoyant un taux de service voisin de 100 %, et ce en conformité avec la distinction entre charges d'exploitation et charges exceptionnelles posée par l'article R. 123-192 du code de commerce et l'article 513-2 du plan comptable général.

5. Toutefois, il est constant qu'est applicable la rédaction expresse du plan comptable général selon laquelle les pénalités sur marchés constituent des charges exceptionnelles sans mode alternatif de comptabilisation en " autres charges courantes ". Si ce classement comptable ne peut faire obstacle à ce que des éléments de charge d'exploitation puissent être qualifiés de charge de gestion courante pour la détermination de l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises eu égard notamment à leur caractère récurrent, les pénalités en cause, qui doivent être qualifiées de pénalités sur marchés, sont appliquées à titre de sanction de stipulations contractuelles convenues entre la requérante et ses clients en cas de retard ou de défaut dans l'exécution des contrats (retards de livraison, rupture de stock, défaut de qualité, etc.). Si la SNC Aoste soutient qu'eu égard à leur récurrence, ces pénalités constituent un élément de son modèle économique dépourvu de caractère exceptionnel, la circonstance qu'elle sont appliquées fréquemment n'est pas à elle seule suffisante pour leur conférer la qualité de charge de gestion courante, eu égard à leur objet et au volume d'opérations effectué par la requérante, qui vend sa production industrielle de préparation de produits à base de viande auprès de centrales d'achat en gros. Dès lors, le classement comptable en vigueur, qui prévoit que les pénalités de marchés constituent des charges exceptionnelles sur opérations de gestion, doit être retenu pour déterminer le traitement fiscal des pénalités en litige au titre de l'assiette de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Par suite, la SNC Aoste ne peut utilement se référer ni à la recommandation antérieure 2013-03 du 7 novembre 2013 de l'autorité des normes comptables (ANC), au demeurant relative à la présentation des comptes par les entreprises ayant opté pour l'application des normes comptables internationales IFRS, selon laquelle le résultat opérationnel n'est composé qu'en fonction d'événements majeurs et ne comprend que des produits et des charges peu nombreux, inhabituels, significatifs, anormaux et peu fréquents, ni, en tout état de cause, au Mémento Comptable 2020 selon lequel le résultat est exceptionnel selon sa nature et son montant, ou à la position de la compagnie des commissaires aux comptes qui a le 15 janvier 2021 EC 2020-19 considéré que les pénalités sur marchés devaient être classées en résultat d'exploitation du fait qu'elles sont inhérentes à l'activité courante et ne sont pas liées à un événement majeur et inhabituel.

6. Il résulte de ce qui précède que la SNC Aoste n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SNC Aoste est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif (SNC) Aoste et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI).

Délibéré après l'audience du 7 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 juin 2024.

Le président-rapporteur,

S. CARREREL'assesseur le plus ancien,

J.-E. SOYEZ

La greffière,

C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA05343


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA05343
Date de la décision : 27/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Stéphane CARRERE
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : KPMG AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-27;23pa05343 ?
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