Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... et la société Global Derivative Trading GmbH ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision implicite rejetant leur contestation du 14 septembre 2021, portant sur les titres de perception émis par le Trésor Public le 7 juillet 2021 sous les numéros CSPE 21 2600032398 et CSPE 21 2600032399 en vue du paiement des sanctions pécuniaires d'un montant de 1 200 000 euros chacune prononcées à leur encontre par la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, le 28 mai 2021, ainsi que l'annulation des titres de perception litigieux et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à leur verser à chacun d'eux en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 2211043 du 13 septembre 2023, la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 novembre 2023 et 15 février 2024, M. A... et la société Global Derivative Trading GmbH, représentés par Me Martin Laprade, avocat, demandent à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2211043 du 13 septembre 2023 de la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris afin que le tribunal administratif de Paris examine au fond la validité de la décision implicite de rejet en litige ;
2°) de mettre à la charge de l'Autorité des marchés financiers à verser à chacun d'eux la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
Ils soutiennent que l'ordonnance du tribunal administratif de Paris est entachée d'un défaut de motivation et d'une erreur de droit, et que le recours relève bien de la compétence de la juridiction administrative dès lors qu'il a pour objet la décision implicite de rejet de la contestation des titres de perception émis par le Trésor Public conformément à l'article 118 du décret
n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique et relève de la compétence de la juridiction administrative.
Par des mémoires en observation, enregistrés les 16 janvier et 1er mars 2024, l'Autorité des marchés financiers, représentée par le cabinet d'avocat SCP Ohl et Vexliard, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. A... et de la société Global Derivative Trading GmbH de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet des contestations formées à l'encontre des titres de perception et portant sur la procédure et le bien-fondé des sanctions infligées aux requérants relèvent de la compétence du juge judiciaire.
La requête a été communiquée à la direction des créances spéciales du Trésor qui n'a pas produit d'observations en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code monétaire et financier ;
- le décret n° 2015-233 du 27 février 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Carrère, président,
- les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public,
- et les observations de Me Martin Laprade pour M. A... et la société Global Derivative Trading GmbH.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 28 mai 2021, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés publics (AMF) a infligé à la société Global Derivative Trading GmbH, société de droit allemand qui exerce une activité de négociation sur instruments financiers de type " trading intra journalier ", et à son fondateur et unique détenteurs de parts, M. A..., également en charge de l'activité de négociation, une sanction pécuniaire de 1 200 000 euros chacun, pour les manquements de manipulation de cours qu'ils ont commis entre le 1er juillet et 13 octobre 2015. Les requérants ont introduit un recours contre cette décision, qui a été rejeté par un arrêt de la cour d'appel de Paris le 29 juin 2023, contre lequel les requérants ont formé un pourvoi en cassation. Deux titres de perception ont été émis le 7 juillet 2021 sous les numéros CSPE 21 2600032398 et CSPE 21 2600032399 par la direction des créances spéciales du Trésor pour le recouvrement des deux sanctions pécuniaires. Par courrier du 14 septembre 2021, les requérants ont contesté la validité de ces titres de perception. Ils relèvent régulièrement appel de l'ordonnance du 13 septembre 2023 par laquelle la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris, saisie d'un recours contre la décision implicite de rejet de leur recours formé contre les titres de perception, a rejeté leur demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
2. Dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé de la décision en litige. Par suite, M. A... et la société Global Derivative Trading GmbH ne peuvent utilement soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'erreur de droit pour en obtenir l'annulation.
3. D'une part, l'article L. 621-30 du code monétaire et financier dispose que : " L'examen des recours formés contre les décisions individuelles de l'Autorité des marchés financiers autres que celles, y compris les sanctions prononcées à leur encontre, relatives aux personnes et entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 est de la compétence du juge judiciaire ". L'article R. 621-45 du même code prévoit que : " I. Les recours contre les décisions de portée individuelle prises par l'Autorité des marchés financiers relatives aux agréments ou aux sanctions concernant les personnes et entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 sont portés devant le Conseil d'Etat, selon les modalités prévues par le code de justice administrative (...) / II. Les recours contre les décisions de portée individuelle prises par l'Autorité des marchés financiers, autres que celles mentionnées au I, sont portés devant la cour d'appel de Paris. Par dérogation aux dispositions du titre VI du livre II du code de procédure civile, les recours sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions de l'article R. 621-46 du présent code ".
4. D'autre part, aux termes du II de l'article L. 621-9 du code des marchés financiers : " II. - L'Autorité des marchés financiers veille également au respect des obligations professionnelles auxquelles sont astreintes, en vertu des dispositions législatives et réglementaires, les entités ou personnes suivantes ainsi que les personnes physiques placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte :1° Les prestataires de services d'investissement autres que les sociétés de gestion de portefeuille agréés ou exerçant leur activité en libre établissement en France ainsi que les personnes morales placées sous leur autorité ou agissant pour leur compte ; 2° Les personnes autorisées à exercer l'activité de conservation ou d'administration d'instruments financiers mentionnées à l'article L. 542-1 ; 3° Les dépositaires centraux mentionnés au 1° du I de l'article L. 441-1 ;4° Les membres des marchés réglementés non prestataires de services d'investissement ; 5° Les entreprises de marché ; 6° Les chambres de compensation d'instruments financiers ; 7° Les placements collectifs mentionnés au I de l'article L. 214-1 et les sociétés de gestion de placements collectifs mentionnées à l'article L. 543-1 ; 7° bis Les sociétés de gestion établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant une succursale ou fournissant des services en France, qui gèrent un ou plusieurs OPCVM agréés conformément à la directive 2009/65/ CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 ; 7° ter Les sociétés de gestion établies dans un autre Etat membre de l'Union européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou les gestionnaires établis dans un pays tiers ayant une succursale ou fournissant des services en France, qui gèrent un ou plusieurs FIA au sens de la directive 2011/61/ UE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2011 ; 8° Les intermédiaires en biens divers mentionnés à l'article L. 551-1 ; 9° Les personnes habilitées à procéder au démarchage mentionnées aux articles L. 341-3 et L. 341-4 ; 10° Les conseillers en investissements financiers ; 10° bis Les prestataires de services de financement participatif, y compris au titre de leurs activités mentionnées à l'article L. 547-4 ; 11° Les personnes, autres que celles mentionnées aux 1° et 7°, produisant et diffusant des analyses financières ; 12° Les dépositaires de placements collectifs mentionnés au I de l'article L. 214-1 ; 13° Les experts externes en évaluation mentionnés à l'article L. 214-24-15 ; 14° Les personnes morales administrant des institutions de retraite professionnelle collectives mentionnées au I de l'article 8 de l'ordonnance n° 2006-344 du 23 mars 2006 ou des plans d'épargne pour la retraite collectifs mentionnés aux articles L. 3334-1 à L. 3334-9 et L. 3334-11 à L. 3334-16 du code du travail ; 15° Les agents liés mentionnés à l'article L. 545-1 ; 16° Les succursales agréées conformément à l'article L. 532-48 ; 17° Les associations professionnelles agréées mentionnées à l'article L. 541-4 ; 18° Les prestataires de services de communication de données agréés par l'Autorité des marchés financiers ; 19° Les administrateurs d'indice de référence, y compris le représentant légal situé en France d'un administrateur situé dans un pays tiers, les entités surveillées et toute personne intervenant dans la fourniture d'un indice de référence et contribuant à sa définition au sens du règlement (UE) 2016/1011 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 concernant les indices utilisés comme indices de référence dans le cadre d'instruments et de contrats financiers ou pour mesurer la performance de fonds d'investissement et modifiant les directives 2008/48/ CE et 2014/17/ UE et le règlement (UE) n° 596/2014 ; 20° Les personnes mentionnées aux 4 et 5 de l'article 29 du règlement (UE) 2017/2402 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 créant un cadre général pour la titrisation ainsi qu'un cadre spécifique pour les titrisations simples, transparentes et standardisées, et modifiant les directives 2009/65/ CE, 2009/138/ CE et 2011/61/ UE et les règlements (CE) n° 1060/2009 et (UE) n° 648/2012 ; 21° Les prestataires enregistrés conformément à l'article L. 54-10-3, pour leurs obligations prévues aux 5° et 6° du même article L. 54-10-3, et les prestataires agréés conformément à l'article L. 54-10-5 ; 22° Les fournisseurs de produits paneuropéens d'épargne-retraite individuels. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que relèvent de la compétence du juge judiciaire celles des décisions qu'elles visent qui ne concernent pas les professionnels des marchés contrôlés par l'Autorité des marchés financiers. Il en va de même pour les actions tendant à la contestation du bien-fondé du titre de perception réclamant le paiement des sanctions nées de telles décisions, dès lors qu'un tel titre ne peut être légalement émis en l'absence d'une telle sanction, alors même que les autorités compétentes diffèrent.
6. En premier lieu, l'ordonnance entreprise énonce en ses points 3 et 4 les motifs pour lesquels, alors même que la liquidation des créances contestées a été prononcée par le ministre de l'économie, des finances et de la relance, la juridiction compétente pour connaître des décisions de l'Autorité des marchés financiers relatives aux sanctions prononcées contre les requérants l'est également pour connaître des titres relatifs à ces créances. Elle a ainsi mis les requérants en mesure de contester utilement son bien-fondé. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de l'ordonnance entreprise doit être écarté comme manquant en fait.
7. En second lieu, il est constant que M. A... et la société Global Derivative Trading GmbH ne sont pas des personnes ou entités mentionnées au II de l'article L. 621-9 précité du code monétaire et financier. Ainsi, le recours contre la sanction prononcée par la commission des sanctions de l'AMF à leur encontre relève de la compétence du juge judiciaire. Les créances de l'AMF liquidées par les titres de perception émis le 7 juillet 2021 trouvant leur fondement dans la décision prononcée par la commission des sanctions de cette autorité le 28 mai 2021, le contentieux de ces titres ressortit également aux juridictions de l'ordre judiciaire, et plus particulièrement, en vertu des dispositions de l'article R. 621-45 du code monétaire et financier, à la cour d'appel de Paris. La circonstance que la liquidation de ces créances a été prononcée par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et que le comptable public a accusé réception de la contestation et précise qu'un recours devant la juridiction administrative compétente pourrait être introduit contre la décision qui serait prise n'ayant pu modifier ni la nature du litige, ni la détermination de la compétence, elle est sans incidence sur la règle énoncée au point 2 du présent arrêt.
8. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, c'est sans faire une application erronée des dispositions rappelées ci-dessus que la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris a décidé que le litige soulevé par M. A... et la société Global Derivative Trading GmbH, qui tend à la décharge de l'obligation de payer les sommes mises à leur charge par les titres de perception du 7 juillet 2021 émis en vue du recouvrement des sanctions litigieuses, n'est pas au nombre de ceux qui ressortissent de la compétence du juge administratif.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... et la société Global Derivative Trading GmbH ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 2ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande comme portée devant une juridiction manifestement incompétente pour en connaître. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
10. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. A... et de la société Global Derivative Trading GmbH ensemble la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par l'Autorité des marchés financiers en lien avec la présente instance et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... et de la société Global Derivative Trading GmbH est rejetée.
Article 2 : M. A... et de la société Global Derivative Trading GmbH verseront ensemble la somme de 2 000 euros à l'Autorité des marchés financiers sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société Global Derivative Trading GmbH et à l'Autorité des marchés financiers.
Copie en sera adressée à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction des créances spéciales du Trésor.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2024, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère président,
- M. Soyez, président assesseur,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 juin 2024.
Le président-rapporteur,
S. CARREREL'assesseur le plus ancien,
J.-E. SOYEZ
La greffière,
C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA04667