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27/06/2024 | FRANCE | N°23PA04031

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 27 juin 2024, 23PA04031


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par trois demandes distinctes, la société à responsabilité limitée (SARL) Action Propreté et Services a demandé au tribunal administratif de Paris :



1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 ;



2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe de participation

des employeurs au développement de la formation professionnelle mis à sa charge au titre de l'année 2017 et des rappels ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois demandes distinctes, la société à responsabilité limitée (SARL) Action Propreté et Services a demandé au tribunal administratif de Paris :

1°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du rappel de taxe de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle mis à sa charge au titre de l'année 2017 et des rappels de participation des employeurs à l'effort de construction mis à sa charge au titre des années 2017 et 2018 ;

3°) de prononcer, d'une part, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018 ou, à titre subsidiaire, d'en prononcer la réduction et, d'autre part, de prononcer la décharge de la majoration pour manquement délibéré appliquée sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la même période ou, à titre subsidiaire, d'en prononcer la réduction, enfin, de prononcer la réduction des intérêts de retard afférents à ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme totale de 9 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par trois jugements nos 2020767 du 11 juillet 2023, 2106574 et 2208432 du 20 septembre 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement d'intérêts de retard afférents aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée s'élevant à 1 493 euros prononcés par le service au titre de la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête, enregistrée, sous le n° 23PA04031, le 11 septembre 2023, et un mémoire en réplique, enregistré le 23 février 2024, la SARL Action Propreté et Services, représentée par Mes Duceux et Pogu, avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2020767 du 11 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre des années 2015 et 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont 3 000 euros au titre de la première instance.

Elle soutient que :

- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas fondés, dès lors qu'elle a procédé sur le début de l'année 2015 à un " oxygène facto ", qui consiste à regarder la société d'affacturage comme un fournisseur dont la créance, correspondant à l'encours des factures clients cédées, ouvre en matière de taxe sur la valeur ajoutée un droit à déduction égal à 20 % de son montant hors taxe, soit la somme de 192 598 euros pour l'année 2015 ;

- la majoration de 40 % pour manquement délibéré n'est pas fondée, dès lors qu'elle n'a pas eu l'intention d'éluder l'impôt ; les règles relatives à l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée en matière d'affacturage sont complexes ; la taxe sur la valeur ajoutée étant exigible au moment où le client de l'adhérent, bénéficiaire de la prestation, paie le factor, elle n'est pas nécessairement informée avec précision du paiement des clients à la société d'affacturage ; c'est à tort que le tribunal administratif de Paris s'est fondé sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée opéré par l'administration fiscale au titre de l'année 2014, alors que ce rappel correspond à 1,10 % de son chiffre d'affaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2023, et un mémoire, enregistré le 1er mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête de la SARL Action Propreté et Services ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée, sous le n° 23PA04780, le 20 novembre 2023, la SARL Action Propreté et Services, représentée par Me Duceux et Pogu, avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2106574 du 20 septembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, d'une part, de la participation des employeurs à l'effort de construction de l'année 2017 et, d'autre part, de 75 % de cette participation au titre de l'année 2018 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont 3 000 euros au titre de la première instance.

Elle soutient qu'en application de l'article L. 313-2 du code de la construction et de l'habitation, elle bénéficiait d'une exonération totale de la participation des employeurs à l'effort de construction au titre des années 2015, 2016 et 2017 et d'une exonération de 75 % au titre de l'année 2018, dès lors qu'elle a atteint le seuil de 20 salariés en 2014 soit avant la reprise du fonds de commerce de la SARL Euro Services Nettoyage Ile-de-France qui a eu lieu en mars 2015.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête de la SARL Action Propreté et Services ne sont pas fondés.

III. Par une requête, enregistrée, sous le n° 23PA04781, le 20 novembre 2023, et un mémoire en réplique, enregistré le 23 février 2024, la SARL Action Propreté et Services, représentée par Mes Duceux et Pogu, avocats, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2208432 du 20 septembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de prononcer la décharge, en droits, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de l'année 2017, à concurrence d'un montant de 64 004 euros ;

3°) de prononcer à titre principal, la décharge de la majoration pour manquement délibéré mise à sa charge au titre des rappels de 2017 et 2018, soit un montant de 138 247 euros, à titre subsidiaire de limiter le calcul de la majoration de 40 % sur la base de 64 004 euros, soit 25 602 euros au lieu de 138 247 euros et de prononcer en conséquence une décharge de 112 645 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dont 3 000 euros au titre de la première instance.

Elle soutient que :

- la proposition de rectification du 5 juillet 2019 est insuffisamment motivée en méconnaissance des articles L. 57 et L. 48 du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle ne tient pas compte des déclarations rectificatives des mois de décembre 2017 et 2018, faites respectivement les 20 mars 2019 et 15 mai 2019 avant la clôture de l'examen de comptabilité le 12 juin 2019. Ainsi elle ne connaissait pas les montants des rappels ;

- l'administration a également méconnu l'article 48 du livre des procédures fiscales en ce qu'il prévoit que doit être portée par écrit à la connaissance du contribuable une modification des rehaussements pour tenir compte des observations au cours de la procédure, avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai. Or l'avis de mise en recouvrement du 14 mai 2021 n'a pas tenu compte, contrairement à ce qu'indiquait l'administration fiscale dans la proposition de rectification, des déclarations rectificatives qu'elle a déposées ; si l'avis de mise en recouvrement avait tenu compte de ces déclarations rectificatives, seule la somme de 64 004 euros aurait dû être mise en recouvrement pour 2017 et un remboursement de 16 581 euros aurait dû être effectué au titre de 2018 (ou une imputation sur une autre dette fiscale) ;

- en tentant de recouvrer par avis de mise en recouvrement du 14 mai 2021, une somme qu'elle savait ne pas être due, l'administration fiscale s'est rendue coupable du délit de concussion puni par l'article 432-10 du code pénal ;

- la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts n'est pas fondée ; le Tribunal ne pouvait, pour établir son intention d'éluder l'impôt, se fonder sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre des exercices 2015 et 2016 dès lors que ceux-ci faisaient l'objet d'un contentieux non clos ; les règles relatives à l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée en matière d'affacturage sont complexes et la taxe sur la valeur ajoutée étant exigible au moment où le client de l'adhérent, bénéficiaire de la prestation, paie le factor, elle n'est pas nécessairement informée avec précision du paiement des clients à la société d'affacturage ; ses déclarations rectificatives de taxe sur la valeur ajoutée sont intervenues avant la clôture de la vérification de comptabilité ; à la suite de la déclaration rectificative du 15 mai 2019, elle a rectifié un montant trop important de taxe sur la valeur ajoutée par rapport aux rectifications de l'administration fiscale ;

- à titre subsidiaire, l'administration fiscale a appliqué la majoration de 40 % sur la totalité des rappels de taxe sur la valeur ajoutée prononcés alors qu'elle a déposé deux déclarations rectificatives au titre des mois de décembre 2017 et décembre 2018.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 janvier et 12 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens de la requête de la SARL Action Propreté et Services ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code du travail ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Carrère, président,

- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par une première requête, enregistrée, sous le n° 23PA04031, le 11 septembre 2023, la SARL Action Propreté et Services, qui exerce une activité de nettoyage courant et industriel, demande régulièrement à la Cour d'annuler le jugement n° 2020767 du 11 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, s'élevant à la somme de 723 105 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période correspondant aux années 2015 et 2016. Par une deuxième requête, enregistrée, sous le n° 23PA04780, le 20 novembre 2023, la société demande également à la Cour d'annuler le jugement n° 2106574 du 20 septembre 2023 en tant que le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, d'une part, de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) de l'année 2017 et, d'autre part, de 75 % de cette participation au titre de l'année 2018. Enfin, par une dernière requête, enregistrée, sous le n° 23PA04781, le 20 novembre 2023, la société demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2208432 du 20 septembre 2023 en tant que le tribunal administratif de Paris, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement d'intérêts de retard afférents aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée s'élevant à 1 493 euros prononcés par le service au titre de la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017, a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de cette période.

2. Les trois requêtes de la SARL Action Propreté et Services concernent le même contribuable et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

En ce qui concerne la période correspondant aux années 2015 et 2016 :

S'agissant des droits :

3. Aux termes du 2 de l'article 269 du code général des impôts : " La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. / En cas d'escompte d'effet de commerce ou de transmission de créance, l'exigibilité intervient respectivement à la date du paiement de l'effet par le client ou à celle du paiement de la dette transmise entre les mains du bénéficiaire de la transmission. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'une société prestataire de services confie à une société d'affacturage le soin de recouvrer le montant de ses factures, la date de l'encaissement à laquelle la taxe sur la valeur ajoutée devient exigible est celle à laquelle le règlement des factures est effectué à la société d'affacturage.

4. Le service a constaté des discordances au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 entre, d'une part, le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée tel qu'il résulte de la somme des montants encaissés par la société requérante au titre des prestations effectuées à partir des encaissements bancaires issus de la comptabilité de la société, et du montant des règlements effectués par les clients de la société requérante à la société BNP Paribas Factor en contrepartie des créances affacturées, obtenu au moyen de l'exercice d'un droit de communication auprès de cette société, et, d'autre part, les montants de taxe sur la valeur ajoutée collectée figurant sur les déclarations CA3 souscrites par la société au titre de la période vérifiée.

5. Toutefois la société, si elle demande la décharge totale de ces rappels, se borne à soutenir que les anomalies observées par le service, pour partie et au titre de la période correspondant à l'année 2015, sont issues d'un " oxygène facto ", qui lui a permis d'imputer dans ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée du début de la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 un montant de 192 598 euros, correspondant à 20 % du montant total d'encours clients cédés à la société BNP Paribas Factor au 31 décembre 2014. Toutefois, alors que ni l'existence d'une méthode d'" oxygène facto ", ni son fondement, ne sont établis, il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que l'existence d'encours clients cédés à une société d'affacturage confère à la société requérante, qui lui verse en outre une commission, un quelconque droit à déduction au titre de la taxe due à raison des règlements des clients effectués auprès du factor, notamment au titre de la période courant du 1er janvier au 31 décembre 2015.

S'agissant de la pénalité pour manquement délibéré :

6. La société soulève les mêmes moyens que ceux soulevés en première instance. Il y a lieu de les écarter pour les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges.

En ce qui concerne la période correspondant aux années 2017 et 2018 :

S'agissant du délit de concussion :

7. La société soutient que l'administration fiscale a commis en l'espèce un délit de concussion au sens de l'article 432-10 du code pénal. Il n'appartient pas toutefois au juge administratif de se prononcer, en tout état de cause, sur cette incrimination. Au demeurant, il résulte de l'instruction que le montant de la taxe sur la valeur ajoutée mise en recouvrement au titre de la période en litige, soit un total en droits et pénalités de 359 936 euros pour 2017 et 269 740 euros pour 2018, correspond aux sommes mentionnées au titre des conséquences financières de la proposition de rectification du 5 juillet 2019.

S'agissant de la régularité de la procédure :

8. En vertu des dispositions de l'article 57 du livre des procédures fiscales, une proposition de rectification doit être motivée de manière à permettre au contribuable de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation et qu'en vertu de l'article R. 57-1 du même livre, cette proposition de rectification fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. En vertu de l'article L. 48 du même livre, les conséquences financières du contrôle doivent être portées à la connaissance du contribuable.

9. La société soutient en premier lieu que la proposition de rectification du 5 juillet 2019 est insuffisamment motivée au regard des dispositions combinées des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales et de l'article L. 48 du même livre en ce qu'elle n'a pas été mise à même de comprendre la portée financière du litige dès lors que cette proposition de rectification ne prend pas en compte les régularisations effectuées par voie de déclarations rectificatives en dates du 20 mars 2019 concernant le mois de décembre 2017 pour un montant de 186 649 euros et du 15 mai 2019 concernant le mois de décembre 2018 pour un montant de 207 615 euros, soit avant la fin de l'examen de comptabilité le 12 juin 2019 et qu'au surplus, l'avis de mise en recouvrement du 14 mai 2021 n'a pas tenu compte de ces déclarations rectificatives.

10. La société fait valoir que s'il avait été tenu compte des déclarations rectificatives mentionnées au point 9, seule la somme de 64 004 euros aurait dû être mise en recouvrement au titre de 2017 et qu'un remboursement de 16 581 euros aurait dû être effectué au titre de 2018. Toutefois, il résulte de l'instruction que la somme de 394 264 euros correspondant au principal des taxes résultant des deux déclarations rectificatives mentionnées au point précédent a été imputée en totalité, à hauteur de 21 514 euros sur la déclaration de mai 2021, le reliquat de 372 750 euros ayant été remboursé le 19 octobre 2021. Aucune surimposition ne subsiste donc, à concurrence de 16 581 euros, au titre de 2018. Par ailleurs, ont été dégrevés, d'une part, le 16 février 2022, à la suite de l'admission partielle du 20 janvier 2022 ayant conduit à la prise en compte de la somme mentionnée en principal de 394 264 euros, un montant de 7 518 euros correspondant aux intérêts de retard excédentaires, et, d'autre part, au cours de la première instance, un montant de 1 493 euros en intérêts de retard au titre de 2017. Les droits restant en litige s'élèvent à un montant de 441 686 euros et les intérêts de retard à un montant de 2 304 euros.

11. Toutefois, les déclarations rectificatives effectuées au titre des années 2017 et 2018 au cours de l'examen de comptabilité mais après l'expiration des délais de déclaration sont sans incidence sur l'obligation de motivation de la proposition de rectification qui a pour objet de déterminer les motifs des omissions déclaratives à la date du fait générateur des impositions en litige, de manière à permettre au contribuable d'en contester le bien-fondé. Par suite, le moyen doit être écarté.

12. La société soutient en second lieu que la procédure est irrégulière dès lors qu'en violation des dispositions de l'article L 48 du livre des procédures fiscales, l'administration ne lui a pas fait connaître les conséquences financières des modifications de rectifications apportées pour tenir compte de ses observations relatives aux déclarations rectificatives des 20 mars 2019 et 15 mai 2019.

13. Toutefois, si la proposition de rectification a mentionné que les déclarations rectificatives seraient prises en compte au moment de l'émission de l'avis de mise en recouvrement, cette mention ne constituait pas une modification des montants des rappels envisagés pour tenir compte des observations de la société mais une information selon laquelle, indépendamment du contrôle, il serait tenu compte de ces déclarations. Une telle information n'a pas d'incidence sur les montants d'imposition correspondant aux omissions déclaratives objet de la proposition de rectification, les montants des rappels issus du contrôle étant pour leur part maintenus lors de la mise en recouvrement. Par suite, ce moyen doit être écarté.

14. Par suite, les conclusions tendant à la décharge des droits et intérêts de retard restant à la charge de la société doivent être rejetées.

S'agissant de la pénalité pour manquement délibéré :

15. La société soutient que l'administration fiscale ne démontre pas son intention d'éluder l'impôt et en conséquence demande, à titre principal, la décharge totale de la pénalité de 40 % prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts, soit un montant de 138 247 euros, et, à titre secondaire, la décharge de cette pénalité en retenant seulement comme base des 40 % le montant de taxe sur la valeur ajoutée de 64 004 euros.

16. Toutefois, d'une part, la circonstance que la société a déposé des déclarations rectificatives au cours de l'examen de comptabilité est sans incidence sur l'appréciation du manquement délibéré lors des déclarations initiales préalables à cet examen, d'autre part, la circonstance que le litige concernant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 n'était pas encore clos aux dates limites de dépôt des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée de la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2018 ne faisait pas obstacle en elle-même à ce que l'administration appliquât la majoration pour manquement délibéré, enfin, la société n'est pas fondée à opposer une complexité alléguée de la prise en compte de la date des paiements au factor pour déterminer la date à laquelle la taxe sur la valeur ajoutée est due pour les créances déléguées à ce factor. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit au point 10 du présent arrêt que la société requérante ne peut prétendre qu'elle n'est redevable que de la somme en droits de 64 004 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée pour 2017. Par suite, les conclusions à titre principal et secondaire de la société relatives à la pénalité pour manquement délibéré doivent être rejetées.

17. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les demandes de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la SARL Action Propreté et Services au titre des périodes du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2016 et du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017 doivent être rejetées.

Sur la participation des employeurs à l'effort de construction des années 2017 et 2018 :

18. La SARL Action Propreté et Services soutient, à l'appui de sa demande de décharge, en droits et intérêts de retard, de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC) de l'année 2017 et de 75 % de cette participation au titre de l'année 2018, qu'en application de l'article L. 313-2 du code de la construction et de l'habitation, elle bénéficiait d'une exonération totale de la participation des employeurs à l'effort de construction au titre des années 2015, 2016 et 2017 et d'une exonération de 75 % au titre de l'année 2018, dès lors qu'elle a atteint le seuil de vingt salariés par sa propre croissance au cours de l'année 2014, soit avant la reprise du fonds de commerce de la SARL Euro Services Nettoyage qui a eu lieu en mars 2015. Il est constant que l'effectif de cette dernière société excédait vingt salariés.

19. Aux termes de l'article L. 313.2 du code de la construction de l'habitation dans sa rédaction alors applicable et relatif à la PEEC prévue par l'article L. 313-1 du même code : " Les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de vingt salariés sont dispensés pendant trois ans du versement prévu à l'article L. 313-1. Le montant de ce versement est réduit respectivement de 75 %, 50 % et 25 % les premières, deuxième et troisième années suivant la dernière année de dispense. Les employeurs ayant dépassé l'effectif de vingt salariés avant le 1er septembre2005 et qui, en 2005, bénéficiaient d'une dispense ou d'une réduction du montant de leur participation continuent à bénéficier de cette dispense ou de cette réduction dans les conditions antérieures. / L'alinéa précédent n'est pas applicable lorsque l'accroissement de l'effectif résulte de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé vingt salariés ou plus au cours de l'une des trois années précédentes. / Dans ce cas, le versement visé au premier alinéa est dû dans les conditions de droit commun dès l'année au cours de laquelle l'effectif de vingt salariés est atteint ou dépassé ".

20. La société requérante fait valoir que la reprise de la société Euro Services Nettoyage par la société 78 Net services, devenue la société Euro Service Nettoyage Île-de-France, puis la société Action Propreté et Services, n'a eu lieu que le 3 mars 2015, date d'enregistrement de l'acte d'acquisition du fonds de commerce, et non en 2014. Elle verse également des copies de l'attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations de l'Urssaf de la société 78 Net services, en date du 29 août 2014, faisant état au 30 juin 2014 de dix salariés, et de l'attestation suivante, en date du 17 mars 2015, faisant état d'un effectif de vingt salariés au 31 décembre 2014. Toutefois, alors que les liasses fiscales de la société 78 Net services mentionnent 46 employés au titre des exercices clos au 31 décembre 2014 et 2015 et 91 employés au titre des exercices clos au 31 décembre 2016 et 2017, il ressort du plan de cession arrêté par le tribunal de commerce de Meaux le 12 septembre 2014 que le fonds de commerce de la société Euro Services Nettoyages a été cédé à la société Actuel Propreté Service Île-de-France, immatriculée sous le même numéro que la société 78 Net services, la date d'entrée en jouissance ayant été fixée au 13 septembre 2014. En outre, la société requérante ne produit pas l'acte d'acquisition du fonds de commerce du 3 mars 2015. Par suite, sans qu'y fassent obstacle les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail selon lesquelles la reprise des contrats de travail est effectuée lors de la cession de l'entreprise, qui doit être regardée en l'espèce comme étant intervenue à la date d'entrée en jouissance du fonds de commerce, il ne résulte pas de l'instruction que le dépassement du seuil de vingt salariés de la société 78 Net services au cours de l'année 2014 n'ait pas résulté de la reprise de la SARL Euro Services Nettoyage. En conséquence, le moyen soulevé doit être écarté.

21. Il résulte de ce qui précède que la demande de décharge, en droits et pénalités, des rappels de PEEC mis à la charge de la SARL Action Propreté et Services au titre des années 2017 et 2018 doit être rejetée.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Action Propreté et Services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Paris, après avoir constaté un non-lieu à statuer à concurrence du dégrèvement d'intérêts de retard afférents aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2017, a rejeté le surplus de ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de la SARL Action Propreté et Services sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Action Propreté et Services et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Île-de-France (division juridique) et au président du tribunal judiciaire de Meaux.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Boizot, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 27 juin 2024.

Le président-rapporteur,

S. CARREREL'assesseur le plus ancien,

J.-E. SOYEZ

La greffière,

C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Nos 23PA04031, 23PA04780, 23PA04781


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04031
Date de la décision : 27/06/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: M. Stéphane CARRERE
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CABINET LAURANT MICHAUD DUCEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 07/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-27;23pa04031 ?
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