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26/06/2024 | FRANCE | N°23PA02230

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 26 juin 2024, 23PA02230


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La commune de Salins a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a accordé à la société Valosfer un permis de construire pour édifier une unité de méthanisation, route départementale n° 29, à Salins, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.



Par un jugement n° 2109265 du 10 mars 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté la d

emande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Salins a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 12 avril 2021 par lequel le préfet de Seine-et-Marne a accordé à la société Valosfer un permis de construire pour édifier une unité de méthanisation, route départementale n° 29, à Salins, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cet arrêté.

Par un jugement n° 2109265 du 10 mars 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 mai 2023 et 30 août 2023, la commune de Salins, représentée par Me Piton, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun du 10 mars 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 12 avril 2021 ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé ;

- le tribunal a méconnu ses pouvoirs d'instruction en n'enjoignant pas au préfet de Seine-et-Marne de produire l'intégralité des pièces de la demande de permis de construire ;

- le dossier de demande de permis de construire était incomplet, s'agissant de l'autorisation du propriétaire, du plan de masse, de l'étude d'impact environnemental et du plan des façades ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'absence de certaines pièces au dossier de demande de permis de construire était sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté ; ces omissions, relatives à la localisation du projet, à son insertion paysagère et à ses façades, ont nécessairement faussé l'appréciation de l'administration ;

- le projet ne peut régulièrement être implanté en zone agricole ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article A. 6 du règlement du plan local d'urbanisme relatives à l'implantation des constructions par rapport aux voies publiques ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme dès lors que l'usine de méthanisation projetée risque de porter atteinte à la sécurité publique, en raison du choix d'un site d'implantation à proximité d'un carrefour routier ; le projet risque en outre de porter atteinte à la salubrité publique, en ce que des eaux souillées sont susceptibles de polluer le site ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article A. 4 du règlement du plan local d'urbanisme en matière d'assainissement ;

- le projet porte atteinte au paysage et aurait donc dû faire l'objet d'un refus d'autorisation en application des dispositions des articles R. 111-4 et R. 111-27 du code de l'urbanisme ; il méconnaît l'article A. 11 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors notamment qu'il implique l'implantation de deux citernes visibles depuis la voie publique.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 29 août 2023 et 13 octobre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Salins ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

La clôture de l'instruction a été fixée au 26 février 2024.

Vu :

- le code de l'urbanisme,

- le code rural et de la pêche maritime,

- le code de l'environnement,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Piton, représentant la commune de Salins.

Considérant ce qui suit :

1. Le 17 août 2020, la société Valosfer a demandé la délivrance d'un permis de construire en vue de la construction d'une unité de méthanisation d'une surface de plancher de 327 mètres carrés, sur la parcelle cadastrée ZA n° 1, route départementale 29, à Salins. Par un arrêté du 12 avril 2021, le préfet de Seine-et-Marne a accordé, au nom de l'État, l'autorisation sollicitée. Par un courrier du 12 juin 2021, reçu le 16 juin suivant, la commune de Salins a formé un recours gracieux contre cet arrêté, implicitement rejeté par le préfet le 16 août 2021. La commune de Salins demande à la cour d'annuler le jugement du 10 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 12 avril 2021 ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient la commune de Salins, les premiers juges ont précisément et suffisamment répondu à l'ensemble des moyens soulevés devant eux, notamment, aux points 2 à 12 du jugement, en ce qui concerne la complétude du dossier de demande de permis de construire. Par ailleurs, le moyen tiré de qu'ils n'auraient pu estimer que la présence d'autres pièces au dossier pouvaient compenser les lacunes du plan masse relève du bien-fondé du jugement attaqué.

3. D'autre part, si la commune de Salins soutient que les premiers juges ont méconnu leurs pouvoirs d'instruction en n'enjoignant pas au préfet de Seine-et-Marne de produire l'intégralité des pièces de la demande de permis de construire, il ressort en tout état de cause des pièces du dossier de première instance que le tribunal a demandé à l'administration préfectorale, par une mesure d'instruction du 1er février 2022, le versement de l'entier dossier du permis de construire litigieux.

4. Il résulte de ce qui précède que le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, la commune de Salins se borne en appel, s'agissant du moyen tiré de ce que le dossier de demande de permis de construire n'aurait pas comporté l'autorisation du propriétaire du terrain, en application des dispositions des articles R. 423-1 et R. 431-5 du code de l'urbanisme, à renvoyer à ses écritures de première instance, sans développer aucun argument de droit ou de fait nouveau de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation des premiers juges. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Melun, d'écarter ce moyen réitéré devant la cour.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. (...) ". Aux termes de l'article R. 431-8 du même code : " Le projet architectural comprend une notice précisant : 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / a) L'aménagement du terrain, en indiquant ce qui est modifié ou supprimé ; / b) L'implantation, l'organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; / d) Les matériaux et les couleurs des constructions ; / e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver ou à créer ; / f) L'organisation et l'aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement ". Enfin, aux termes de l'article R. 431-10 dudit code : " Le projet architectural comprend également : / a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ; (...) ".

7. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

8. Il ressort des pièces du dossier que la société Valosfer a produit des plans de façade des hangars, de l'entrepôt et du bureau devant être édifiés ; si de tels plans n'ont pas été établis s'agissant des cuves, de forme circulaire, ainsi que des silos, le plan de masse et le plan de coupe joints au dossier précisaient les dimensions - hauteur, diamètre, volume - de chacune de ces installations et apportaient ainsi une information suffisante aux services instructeurs. Par ailleurs, les photographies produites, le plan de situation, la notice paysagère et une étude d'insertion paysagère détaillée permettaient de situer précisément l'emplacement du projet, notamment par rapport aux voies et d'apprécier l'insertion de celui-ci dans son environnement. Si la commune de Salins soutient que l'étude d'insertion paysagère est inexacte dès lors qu'elle ne tiendrait pas compte d'un quatrième silo susceptible d'être implanté sur la parcelle, il est constant que le dossier de demande de permis de construire ne mentionne l'édification que de trois silos, et que la surface complémentaire d'extension de 2 060 mètres carrés n'avait pas vocation, en l'état du projet soumis à l'administration, à accueillir un quatrième silo.

9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " (...) II.- Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas. / (...) / IV. - Lorsqu'un projet relève d'un examen au cas par cas, l'autorité en charge de l'examen au cas par cas est saisie par le maître d'ouvrage d'un dossier présentant le projet afin de déterminer si celui-ci doit être soumis à évaluation environnementale. (...) ". Aux termes de l'article R. 122-2 du même code, dans sa version applicable au litige : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. / (...) / II. - Les modifications ou extensions de projets déjà autorisés, qui font entrer ces derniers, dans leur totalité, dans les seuils éventuels fixés dans le tableau annexé ou qui atteignent en elles-mêmes ces seuils font l'objet d'une évaluation environnementale ou d'un examen au cas par cas. (...) ". Et aux termes de l'article R. 122-3 dudit code : " (...) / V. - Lorsque l'autorité environnementale a décidé après un examen au cas par cas qu'un projet ne nécessite pas la réalisation d'une évaluation environnementale, l'autorité compétente vérifie au stade de l'autorisation que le projet présenté correspond aux caractéristiques et mesures qui ont justifié la décision de ne pas le soumettre à évaluation environnementale. / (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article R. 423-55 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à étude d'impact, l'autorité compétente recueille l'avis de l'autorité environnementale en vertu de l'article L. 122-1 du code de l'environnement si cet avis n'a pas été émis dans le cadre d'une autre procédure portant sur le même projet. " Aux termes de l'article R. 431-16 de ce code : " Le dossier joint à la demande de permis de construire comprend en outre, selon les cas : / a) L'étude d'impact ou la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas dispensant le projet d'évaluation environnementale ou, lorsqu'il s'agit d'une installation classée pour la protection de l'environnement pour laquelle une demande d'enregistrement a été déposée en application de l'article L. 512-7 du même code, le récépissé de la demande d'enregistrement. L'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme vérifie que le projet qui lui est soumis est conforme aux mesures et caractéristiques qui ont justifié la décision de l'autorité chargée de l'examen au cas par cas de ne pas le soumettre à évaluation environnementale ; (...) ".

10. Contrairement à ce que soutient la commune requérante, aucune étude d'impact ne devait être produite en l'espèce par la société Valosfer, dès lors que le dossier comportait la décision du 6 janvier 2020 par laquelle le préfet de Seine-et-Marne avait dispensé le projet d'usine de méthanisation d'une évaluation environnementale au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement. Si la commune estime que le permis de construire litigieux porte sur un projet différent de celui présenté au titre de ladite législation, le préfet de Seine-et-Marne a établi en première instance que le plan de masse joint à la demande de permis de construire était identique à celui produit dans le cadre de la demande d'enregistrement au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, ce plan comportant une surface complémentaire sur laquelle aucune construction n'est prévue, comme il a été dit au point 8.

11. En quatrième lieu, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'administration, lorsqu'elle reçoit un dossier de demande de permis de construire, d'apposer son cachet sur les pièces produites. Par suite, la commune de Salins, qui n'apporte aucun élément susceptible de laisser présumer que le contenu du dossier produit en première instance par le préfet de Seine-et-Marne ne serait pas celui effectivement déposé par la société Valosfer, ne peut utilement se prévaloir de l'absence de cachet sur certaines pièces formant ledit dossier pour demander l'annulation de l'arrêté litigieux.

12. En cinquième lieu, la commune de Salins se borne en appel, s'agissant du moyen tiré de ce que le projet envisagé par la société Valosfer ne pouvait être implanté en zone agricole du plan local d'urbanisme, à renvoyer à ses écritures de première instance. Elle ne développe aucun argument de droit ou de fait nouveau de nature à remettre en cause l'analyse retenue par les premiers juges, fondée sur les dispositions des articles A.1 et A.2 du règlement du plan local d'urbanisme ainsi que des dispositions des articles L. 311-1, L. 311-2 et D. 311-18 du code rural et de la pêche maritime. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Melun, d'écarter ce moyen réitéré devant la cour.

13. En sixième lieu, aux termes de l'article A. 6 du règlement du plan local d'urbanisme : " Toute construction nouvelle doit être implantée en observant une marge de reculement d'au moins 10 mètres de profondeur par rapport à l'alignement actuel ou futur des voies. / Il n'est pas fixé de règle pour la reconstruction des bâtiments existants, conformément à leur implantation initiale. / Cependant les constructions ou installations sont interdites dans une bande de soixante-quinze mètres de part et d'autre de l'axe de la RD 210. / Cette interdiction ne s'applique pas : / (...) aux bâtiments d'exploitation agricole et aux réseaux d'intérêt public. ". Et aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme : " En dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de cent mètres de part et d'autre de l'axe des autoroutes, des routes express et des déviations au sens du code de la voirie routière et de soixante-quinze mètres de part et d'autre de l'axe des autres routes classées à grande circulation. / Cette interdiction s'applique également dans une bande de soixante-quinze mètres de part et d'autre des routes visées à l'article L. 141-19. ".

14. Il ressort des pièces du dossier, notamment du plan de masse, qu'aucune construction n'est prévue à moins de 88,58 mètres de l'axe de la route départementale RD 210. Par ailleurs, si le même plan situe le " poste ERDF " lié au projet, qui doit ainsi être regardé comme un bâtiment d'exploitation agricole, à moins de 10 mètres de profondeur par rapport à l'alignement de la route départementale RD 29, il entre dans le champ de la dérogation mentionnée au dernier alinéa des dispositions précitées de l'article A. 6 du règlement du plan local d'urbanisme.

15. En septième lieu, aux termes de l'article A. 4 du règlement du plan local d'urbanisme : " (...) 2 - Assainissement / Les eaux usées doivent, à défaut de branchement possible à un réseau collectif d'assainissement, être dirigées par des canalisations souterraines sur des dispositions autonomes de traitement et d'évacuation conformes aux exigences des textes réglementaires. / L'évacuation des eaux ménagères et des effluents non traités dans les fossés, cours d'eau et égouts pluviaux est interdite. / Les aménagements réalisés sur un terrain ne doivent pas faire obstacle au libre écoulement des eaux pluviales (article 640 et 641 du code civil) ".

16. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Salins a joint au dossier de demande de permis de construire une étude sur la ressource en eau dans le cadre du projet litigieux. Cette étude prévoit que les eaux pluviales souillées seront recyclées dans le processus de méthanisation et que les eaux pluviales issues des voiries non souillées et de la toiture des bâtiments seront collectées par le bassin de gestion des eaux pluviales propres. Par ailleurs, tous les ruissellements et déversements accidentels seront collectés par une zone de rétention, dimensionnée de telle sorte qu'elle puisse contenir le volume de la plus grande cuve prévue. Enfin, les pollutions contenues dans le bassin de gestion des eaux pluviales sales et de la zone de rétention seront pompées par une société spécialisée. La société Valosfer a en outre produit une attestation de conformité de l'assainissement non collectif, s'agissant des eaux usées, et l'arrêté attaqué prévoit que les préconisations émises par le conseil départemental de Seine-et-Marne, dans son avis favorable du 11 janvier 2021, relatives au rejet de trop-plein, devront être respectées par le pétitionnaire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article A. 4 du règlement du plan local d'urbanisme doit donc être écarté.

17. En huitième lieu, aux termes de l'article A. 11 du règlement du plan local d'urbanisme : " L'aspect esthétique des constructions nouvelles ainsi que des adjonctions ou modifications de constructions existantes sera étudié de manière à assurer leur parfaite intégration dans le paysage naturel ou urbain. / (...) / Les citernes à gaz liquéfié ou mazout, ainsi que les installations similaires seront implantées de telle manière qu'elles ne soient pas visibles depuis la voie publique ". Aux termes de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ".

18. Il résulte de l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu'il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d'urbanisme de la commune.

19. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'étude d'insertion paysagère, que le projet d'unité de méthanisation sera implanté au sein d'un vaste plateau agricole, ouvert sur l'horizon et marqué par quelques légers vallons. Ce paysage ne présente pas de particularité remarquable, et le projet, dont les dimensions seront modestes et autour duquel seront plantées des haies, n'est pas susceptible d'y porter atteinte, alors en outre que le pétitionnaire devra respecter les prescriptions émises par le paysagiste conseil, notamment l'implantation d'arbres par strates étagées plutôt que par des merlons herbacés, afin de diminuer l'impact visuel des installations. Par ailleurs, si le projet prévoit la construction de trois cuves, pouvant être assimilées à des citernes à gaz liquéfié ou mazout au sens des dispositions précitées de l'article A. 11 du règlement du plan local d'urbanisme, il ressort des pièces du dossier que ces installations seront masquées, à terme, par des haies et une végétation composée d'arbres et d'arbustes implantés en strates étagées, et ne pourront ainsi être vues depuis la voie publique. Par suite, la commune de Salins n'est pas fondée à soutenir que le préfet de Seine-et-Marne aurait dû refuser la demande de la société Valosfer en application des dispositions citées au point 17 du présent arrêt.

20. En neuvième lieu, aux termes de l'article R. 111-4 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature, par sa localisation et ses caractéristiques, à compromettre la conservation ou la mise en valeur d'un site ou de vestiges archéologiques ". La commune requérante ne peut utilement se prévaloir de ces dispositions dès lors que le terrain d'assiette du projet ne constitue pas un site archéologique et ne comporte pas de vestiges archéologiques.

21. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

22. La commune de Salins soutient que l'unité de méthanisation projetée par la société Valosfer risque de porter atteinte à la sécurité publique, en raison du choix d'un site d'implantation à proximité d'un carrefour routier entre deux voies départementales, et du fait notamment des manœuvres que devront effectuer les camions entrant et sortant du site, en particulier par temps de pluie. Elle produit à l'appui de ses allégations une étude d'accidentologie non contradictoire rédigée le 23 août 2023 par un expert automobile. Toutefois, il ressort tant des pièces du dossier que de cette étude que le carrefour à proximité duquel doit être édifié le projet est très dégagé, en terrain plat, et que les voies y sont rectilignes. Aucun accident n'y a été recensé entre 2010 et 2019, comme l'a relevé la direction des routes du conseil départemental de Seine-et-Marne dans son avis favorable du 11 janvier 2021, lequel souligne notamment que la vitesse y est limitée à 70 km/h. Ainsi, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le trafic généré par le projet de la société Valosfer sera de l'ordre de sept à dix camions et engins agricoles, ainsi que de trois à six véhicules légers par jour, que la notice descriptive du projet précise que le portail d'accès de l'usine sera implanté en retrait afin de permettre une entrée aisée des camions sans empiéter sur la route, et que le pétitionnaire devra respecter les prescriptions de sécurité émises par l'avis précité, le préfet de Seine-et-Marne n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation en délivrant l'autorisation sollicitée.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Salins n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Seine-et-Marne du 12 avril 2021 ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme à la commune de Salins au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la commune de Salins est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Salins, à la société Valosfer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de Seine-et-Marne.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2024.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02230
Date de la décision : 26/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : PITON

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-26;23pa02230 ?
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