La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/06/2024 | FRANCE | N°23PA02388

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 21 juin 2024, 23PA02388


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Air France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 juillet 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.



Par un jugement n° 2220133/3-3 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédure devant la Cour :




Par une requête enregistrée le 30 mai 2023, la société Air France, représentée par Me Pradon, demande à...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Air France a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 25 juillet 2022 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a infligé une amende de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 2220133/3-3 du 28 mars 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 30 mai 2023, la société Air France, représentée par Me Pradon, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cette décision ou de la décharger du paiement de l'amende ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'est pas établi que le brigadier-chef de police, qui n'a rédigé et signé le procès-verbal de constatations du

21 février 2022 que le surlendemain du jour du débarquement du passager, ait personnellement constaté le caractère manifeste de la contrefaçon, ce qui prive le procès-verbal de sa force probante ;

- le procès-verbal précité ne renseigne en outre pas sur la nature des anomalies relevées par les services de police ;

- les anomalies relevées ne sont pas manifestes dès lors qu'il a fallu recourir à un matériel spécialisé d'agrandissement pour les constater.

Par un mémoire enregistré le 11 mars 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des transports ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Mantz,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- les observations de Me Verté, représentant la société Air France.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 25 juillet 2022, le ministre de l'intérieur a infligé à la société

Air France une amende de 10 000 euros, sur le fondement de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour avoir, le 19 février 2022, débarqué sur le territoire français un ressortissant dominicain dont le titre de séjour espagnol présenté était manifestement contrefait. La société Air France relève appel du jugement du 28 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. Aux termes de l'article L. 6421-2 du code des transports : " Le transporteur ne peut embarquer les passagers pour un transport international qu'après justification qu'ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d'arrivée et aux escales prévues ". Aux termes de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Est passible d'une amende administrative de 10 000 euros l'entreprise de transport aérien, maritime ou routier qui débarque sur le territoire français, en provenance d'un État qui n'est pas partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, de la République d'Islande, de la Principauté du Liechtenstein, du Royaume de Norvège ou de la Confédération suisse démuni du document de voyage et, le cas échéant, du visa requis par la loi ou l'accord international qui lui est applicable en raison de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 821-8 du même code : " L'amende prévue à l'article L. 821-6 (...) n'est pas infligée : (...) / 2° Lorsque l'entreprise de transport établit que les documents requis lui ont été présentés au moment de l'embarquement et qu'ils ne comportaient pas d'élément d'irrégularité manifeste. / Elle ne peut être infligée pour des faits remontant à plus d'un an ".

3. Ces dispositions font obligation aux transporteurs aériens de s'assurer, au moment des formalités d'embarquement, que les voyageurs ressortissants d'Etats non membres de l'Union européenne sont en possession de documents de voyage leur appartenant, le cas échéant revêtus des visas exigés par les textes, non falsifiés et valides. Si ces dispositions n'ont pas pour objet et ne sauraient avoir pour effet de conférer au transporteur un pouvoir de police en lieu et place de la puissance publique, elles lui imposent de vérifier que l'étranger est muni des documents de voyage et des visas éventuellement requis et que ceux-ci ne comportent pas d'éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents de l'entreprise de transport. En l'absence d'une telle vérification, à laquelle le transporteur est d'ailleurs tenu de procéder en vertu de l'article L. 6421-2 du code des transports, le transporteur encourt l'amende administrative prévue par les dispositions précitées.

4. Il appartient au juge administratif, saisi d'un recours de pleine juridiction contre la décision infligeant une amende à une entreprise de transport aérien sur le fondement des dispositions législatives précitées, de statuer sur le bien-fondé de la décision attaquée et de réduire, le cas échéant, le montant de l'amende infligée, en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce.

5. En premier lieu, si seuls font foi jusqu'à preuve contraire les procès-verbaux régulièrement établis, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, et rapportant des faits que leur auteur a personnellement constatés, la seule circonstance que le procès-verbal de constatation de l'infraction du 21 février 2022 a été rédigé le surlendemain des faits constatés n'est, en tout état de cause, pas de nature à révéler qu'il n'aurait pas été rédigé par la personne ayant constaté le manquement pour lequel la société Air France a été sanctionnée. Par ailleurs, il ne résulte d'aucune disposition que ce procès-verbal, qui précise le motif du refus d'entrée, à savoir le caractère manifestement contrefait du titre de séjour présenté, devait préciser la nature de cette contrefaçon. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité du procès-verbal de constatation du manquement doit être écarté.

6. En second lieu, la décision du 25 juillet 2022 infligeant l'amende litigieuse à la société Air France mentionne que figure au dossier " une planche comparative annotée en couleurs et établie par l'officier de police judiciaire qui décrit précisément les anomalies suivantes sur le titre de séjour espagnol : la sécurité en encre pailletée doit réagir suivant l'inclinaison du document authentique, or le document contrefait ne réagit pas, manque de détail et de netteté du fond d'impression, mauvaise irisation des couleurs, le " E " d'Espagne est presque illisible ; qu'un agent d'embarquement, rompu au contrôle des documents de voyage pouvait, dans le cas présent, détecter les signes visibles à l'œil nu d'une contrefaçon ".

7. Il résulte de l'instruction que les éléments d'irrégularité mentionnés au point 6 tenant au manque de détail et de netteté du fond d'impression, à la mauvaise irisation des couleurs et au manque de lisibilité de la lettre " E ", tels qu'ils apparaissent sur la planche comparative en couleur établie par l'officier de police judiciaire, ainsi que sur la copie de l'original du passeport, toutes deux produites en première instance, constituent des éléments d'irrégularité manifeste, décelables par un examen normalement attentif des agents procédant à l'embarquement des passagers. Par suite, et alors même que l'anomalie tenant à l'absence de réaction de la sécurité en encre pailletée suivant l'inclinaison du document authentique, révélable uniquement par une absence de changement de couleur sur le document original, n'est pas établie, dès lors que cet original n'a pas été produit dans le cadre de l'instance d'appel, le ministre de l'intérieur aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur les premiers éléments d'irrégularité précités. Par suite, le ministre de l'intérieur a pu légalement faire application des dispositions de l'article L. 821-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et infliger à la société Air France une amende sur ce fondement.

8. Enfin, en raison du caractère aisément décelable des irrégularités retenues au

point 7, il n'y a pas lieu de procéder à la réduction du montant de l'amende.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Air France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Air France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Air France et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bruston, présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.

Le rapporteur,

P. MANTZ La présidente,

S. BRUSTON

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02388 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02388
Date de la décision : 21/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: M. Pascal MANTZ
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : CLYDE & CO LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-21;23pa02388 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award