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21/06/2024 | FRANCE | N°23PA00829

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 4ème chambre, 21 juin 2024, 23PA00829


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2219452/8 du 30 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 19 juillet 2022 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2219452/8 du 30 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 février 2023, Mme A... B..., représentée par Me Singh, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation administrative, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, et sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros hors taxe au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- les premiers juges ont dénaturé les pièces du dossier en ce que les pièces qu'elle avaient produites en première instance démontraient qu'un défaut de prise en charge de sa pathologie entrainerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle établit son insertion particulièrement forte dans la société française ;

- le jugement est entaché d'un défaut d'examen de sa situation ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre sur lequel elle se fonde ;

- elle a été prise par une autorité incompétente ;

- elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juin 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 24 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au

14 mai 2024.

Mme C... A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris en date du

6 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

Le rapport de Mme Bruston a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante tunisienne née le 8 juin 2002, est entrée en France le

10 juillet 2019 selon ses déclarations. Le 26 août 2021, elle a demandé un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité d'étranger malade, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-9 du même code, en qualité d'étudiante sur le fondement des dispositions de l'article L. 422-1 de ce code, ou son admission exceptionnelle sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-3 dudit code. Par un arrêté du 19 juillet 2022, le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... B... relève appel du jugement du 30 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges, qui ne sont pas tenus de répondre à tous les arguments avancés par la requérante, ont répondu, avec une motivation suffisante et qui n'est pas stéréotypée, à l'ensemble des moyens soulevés devant eux. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une insuffisance de motivation doit être écarté.

4. En deuxième lieu, hormis dans le cas où les juges de première instance ont méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à eux et ont ainsi entaché leur jugement d'irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, Mme A... B... ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'un défaut d'examen de sa situation.

5. En dernier lieu, le moyen tiré de la dénaturation des pièces du dossier, qui relève du contrôle de cassation, est inopérant devant le juge d'appel et, en tout état de cause, n'a pas trait à la régularité du jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

6. En premier lieu, Mme A... B... reprend son moyen de première instance tiré de l'insuffisance de motivation. Elle ne développe toutefois au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

8. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

9. Il ressort des termes de son avis du 8 avril 2022, sur lequel s'est notamment fondé le préfet de police, que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a considéré que l'état de santé de Mme A... B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.

10. Il n'est pas contesté que Mme A... B... souffre d'une myopathie congénitale qui nécessite un suivi en kinésithérapie rééducative à raison de deux séances par semaine, le port de semelles orthopédiques, un suivi de l'évolution de sa maladie deux fois par an ainsi qu'un suivi psychologique. Toutefois, les certificats médicaux qu'elle produit, eu égard aux termes généraux dans lesquels ils sont rédigés, ne sont pas de nature à remettre en cause l'appréciation du collège de médecins de l'OFII. Si Mme A... B... se prévaut notamment du certificat médical en date du 28 septembre 2022, établi par le praticien hospitalier de la Pitié-Salpêtrière qui la suit, et produit en première instance, celui-ci, ainsi d'ailleurs que l'ont relevé les premiers juges, mentionne uniquement " qu'une absence de suivi médical approprié et de kinésithérapie peut conduire à une fixation du handicap ", sans plus de précision ni sur la nature et les modalités de cette fixation, ni sur sa temporalité, de sorte qu'il ne saurait établir qu'un défaut de prise en charge aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dès lors Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de police a fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Mme A... B... se prévaut de sa durée de séjour en France depuis 2019, de ce qu'elle a été confiée à l'aide sociale à l'enfance, et de ce qu'elle est parfaitement intégrée dans la société française, bénéficiant d'un contrat jeune majeur. Toutefois, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, l'intéressée ne séjournait en France que depuis trois ans à la date de la décision en litige. De plus, elle est célibataire et sans charge de famille en France et ne justifie pas de l'ancienneté de l'intensité et de la stabilité des relations sociales, notamment professionnelles, dont elle se prévaut. Enfin, si la note clinique de la Croix-Rouge en date du 12 septembre 2022 mentionne de lourdes difficultés familiales, il ressort également du rapport éducatif du dispositif d'insertion socio-professionnelle du 17 août 2022 qu'elle communique de temps en temps avec sa mère par téléphone. Dans ces conditions, et alors que ses relations avec le reste de la famille résidant dans son pays d'origine ne fait l'objet d'aucun développement, l'intéressée ne saurait en l'espèce être regardée comme isolée dans son pays d'origine. Par suite, malgré les efforts consentis par Mme A... B... pour assurer son intégration en France, notamment par son apprentissage de la langue française et l'obtention d'un contrat jeune majeur, le préfet de police, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, n'a pas porté à son droit au respect à une vie privée et familiale une atteinte disproportionnée, et n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme été des libertés fondamentales.

13. En dernier lieu, eu égard à ce qui précède, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant un titre de séjour à Mme A... B..., le préfet de police aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

14. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas entachée des illégalités alléguées, le moyen, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et tiré du défaut de base légale de cette décision doit, en conséquence, être écarté.

15. En deuxième lieu, Mme A... B... reprend son moyen de première instance tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige. Elle ne développe toutefois au soutien de ce moyen aucun argument de droit ou de fait pertinent de nature à remettre en cause l'analyse et la motivation retenues par le tribunal administratif. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 12 et 13 du présent arrêt, les moyens tirés de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme été des libertés fondamentales d'une part, et de l'erreur manifeste d'appréciation d'autre part, doivent être écartés

17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête Mme A... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 juin 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Bruston, présidente-rapporteure,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.

La présidente-rapporteure,

S. BRUSTON

L'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

La greffière,

A. GASPARYAN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00829 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00829
Date de la décision : 21/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRUSTON
Rapporteur ?: Mme Servane BRUSTON
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : SINGH

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-21;23pa00829 ?
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