La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2024 | FRANCE | N°23PA00354

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 18 juin 2024, 23PA00354


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société ALJ a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 février 2020 par lequel la maire de Paris a refusé de lui délivrer un permis de construire pour le changement de destination de locaux d'artisanat en hébergement hôtelier en rez-de-chaussée sur cour, avec modification des menuiseries extérieures, dans un immeuble situé 79, rue de Réaumur, dans le 2e arrondissement de Paris, et d'enjoindre à la maire de Paris de lui accorder le permis de

construire sollicité dans le délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de ret...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société ALJ a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 24 février 2020 par lequel la maire de Paris a refusé de lui délivrer un permis de construire pour le changement de destination de locaux d'artisanat en hébergement hôtelier en rez-de-chaussée sur cour, avec modification des menuiseries extérieures, dans un immeuble situé 79, rue de Réaumur, dans le 2e arrondissement de Paris, et d'enjoindre à la maire de Paris de lui accorder le permis de construire sollicité dans le délai d'un mois, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 2006667/4-2 du 12 septembre 2022, le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 24 février 2020 et a enjoint à la maire de Paris de délivrer à la société ALJ le permis de construire sollicité dans le délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

I) Par une ordonnance n° 468887 du 19 janvier 2023, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la cour administrative d'appel de Paris le jugement de la requête présentée par la ville de Paris.

Par une requête et trois mémoires enregistrés les 14 novembre 2022, 1er décembre 2022, 28 mars 2023 et 6 novembre 2023, sous le n° 23PA00354, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard - Froger, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 12 septembre 2022 ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par la société ALJ ;

3°) de mettre à la charge de la société ALJ la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que sa minute n'est pas signée ;

- ce jugement n'est pas suffisamment motivé ;

- le projet présenté par la société ALJ méconnaît les dispositions de l'article UG.7.1 du règlement du plan local d'urbanisme, dès lors notamment que le " coin jour " et le " coin nuit " situés en rez-de-chaussée constituent deux pièces principales devant disposer, chacune, d'une baie respectant la règle de prospect de six mètres ;

- le projet méconnaît les dispositions de l'article UG.10.4.1 du règlement du plan local d'urbanisme dès lors que l'immeuble situé en vis-à-vis du " coin jour " du local ne respecte pas le gabarit-enveloppe ;

- ce projet méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme en ce que la création de trois chambres hôtelières pouvant accueillir jusqu'à douze personnes est susceptible d'induire des nuisances pour le voisinage ;

- c'est à tort que le tribunal lui a enjoint de délivrer le permis de construire sollicité par la société ALJ, dès lors que les dispositions de la délibération 2021 DLH 460 des 15, 16 et 17 décembre 2021, prise en application de l'article L. 324-1-1 du code du tourisme, soumet à une autorisation préalable toute transformation en meublé touristique.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 21 septembre 2023 et 11 décembre 2023, la société ALJ, représentée par Me Pouilhe, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la ville de Paris en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la ville de Paris ne sont pas fondés.

II) Par une ordonnance n° 469329 du 19 janvier 2023, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la cour administrative d'appel de Paris le jugement de la requête présentée par la ville de Paris.

Par une requête et deux mémoires enregistrés les 1er décembre 2022, 28 mars 2023 et 6 novembre 2023, sous le n° 23PA00355, la ville de Paris, représentée par la SCP Foussard - Froger, demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 12 septembre 2022 jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa requête d'appel.

Elle soutient que les moyens qu'elle invoque à l'appui de sa requête d'appel contre ce jugement sont de nature à justifier son annulation ainsi que l'infirmation de la solution retenue par les premiers juges.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 21 septembre 2023 et 11 décembre 2023, la société ALJ, représentée par Me Pouilhe, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la ville de Paris en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la ville de Paris ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

La clôture de l'instruction a été fixée au 12 janvier 2024.

Vu :

- le code de l'urbanisme,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,

- les observations de Me Mokrane, représentant la ville de Paris,

- et les observations de Me Pouilhe, représentant la société ALJ.

Considérant ce qui suit :

1. La société ALJ est propriétaire d'un local en rez-de-chaussée d'un immeuble en copropriété situé 79, rue Réaumur, à Paris (2e arrondissement). Le 24 juin 2019, elle a déposé une demande de permis de construire " pour le changement de destination de locaux d'artisanat en hébergement hôtelier au rez-de-chaussée sur cour avec modification des menuiseries extérieures ", en application des dispositions de l'article R. 421-14 du code de l'urbanisme. Par une décision du 24 février 2020, sa demande a été refusée. La ville de Paris relève appel du jugement du 12 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a annulé cette décision et a enjoint à la maire de Paris de délivrer à la société ALJ le permis de construire sollicité dans le délai de deux mois.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées concernent le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu par suite de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". S'il n'est pas exclu que des nuisances, notamment sonores, générées par des hébergements touristiques implantés dans des copropriétés, puissent être de nature à porter atteinte à la salubrité publique au sens des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, c'est à la condition que le projet, notamment par sa nature, son importance ou ses conditions d'utilisation, compromette de façon grave et continue la qualité de vie des résidents de la copropriété.

4. Pour refuser de délivrer le permis de construire sollicité par la société ALJ, la maire de Paris a notamment estimé que l'augmentation des flux et des nuisances sonores dans la cour de l'immeuble d'habitation, générés par la présence des trois meublés touristiques projetés par la société pétitionnaire, sont de nature à porter atteinte à la salubrité publique. Il ressort des pièces du dossier que le projet prévoit, dans un local auparavant occupé par une activité artisanale de confection, la création de trois logements touristiques distincts d'une capacité totale d'accueil de douze personnes, simultanément. Ces trois logements, destinés à l'hébergement d'hôtes munis de bagages et accueillis pour de courts séjours, disposent en outre, chacun, d'une entrée donnant sur la cour intérieure pavée de l'immeuble. Dans ces conditions, le projet, par sa nature, son importance, et eu égard à la configuration des lieux, présente un risque de nuisances, notamment sonores, excédant les désagréments habituels de voisinage inhérents à l'occupation de logements collectifs, et est ainsi de nature à porter atteinte à la salubrité au sens des dispositions précitées de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. La maire de Paris pouvait par suite, en application de ces dispositions règlementaires, refuser pour ce seul motif de délivrer le permis de construire sollicité.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête et de la société ALJ, la ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 24 février 2020 portant refus de permis de construire, et que la demande de la société ALJ tendant à l'annulation de cette décision doit être rejetée.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

6. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête n° 23PA00354 de la ville de Paris tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 12 septembre 2022, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 23PA00355 par laquelle l'appelante sollicite que soit ordonné le sursis à exécution dudit jugement.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société ALJ le versement de la somme de 1 500 euros à la ville de Paris en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mis à la charge de la ville de Paris, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la société ALJ et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2006667/4-2 du 12 septembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande de la société ALJ devant le tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions d'appel, sont rejetées.

Article 3 : La société ALJ versera la somme de 1 500 euros à la ville de Paris en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 23PA00355 de la ville de Paris.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Paris et à la société ALJ.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au préfet de la région d'Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00354, 23PA00355


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00354
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle MORNET
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : SCP FOUSSARD-FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;23pa00354 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award