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18/06/2024 | FRANCE | N°22PA04171

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 18 juin 2024, 22PA04171


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, dans le dernier état de ses écritures :



1°) d'annuler sa fiche individuelle d'évaluation 2019 (FIE) pour la période de référence allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018, qui lui a été notifiée le 4 juin 2020 en réponse à son recours administratif préalable obligatoire enregistré le 2 août 2019 ;



2°) d'enjoindre au ministre des armées de procéder à une nouve

lle évaluation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler sa fiche individuelle d'évaluation 2019 (FIE) pour la période de référence allant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018, qui lui a été notifiée le 4 juin 2020 en réponse à son recours administratif préalable obligatoire enregistré le 2 août 2019 ;

2°) d'enjoindre au ministre des armées de procéder à une nouvelle évaluation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) d'enjoindre au ministre des armées de reconstituer sa carrière ;

4°) d'enjoindre au ministre des armées d'examiner l'impact d'un processus qui prive les cadres de l'armement d'une notation annuelle objective et d'élaborer, en conséquence, un nouveau mode d'évaluation des cadres de l'armement ;

5°) de saisir, le cas échéant, le Conseil d'Etat d'une demande d'avis en application de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ;

6°) de mettre à la charge du ministre des armées une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2002052/5-1 du 12 juillet 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 septembre 2022 et 29 mai 2024, M. B..., représenté par Me Rouquet, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 12 juillet 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler la fiche individuelle d'évaluation 2019 qui lui a été notifiée le 4 juin 2020 ;

3°) d'enjoindre à la ministre des armées de procéder à une nouvelle évaluation et de procéder à sa nomination sur un poste de niveau supérieur, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre à la ministre des armées de procéder à la reconstitution de sa carrière ;

5°) d'enjoindre à la ministre des armées d'examiner l'impact d'un processus qui prive les cadres de l'armement d'une notation annuelle objective et d'élaborer, en conséquence, un nouveau mode d'évaluation des cadres de l'armement ;

6°) le cas échéant, de saisir le Conseil d'Etat en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier, d'une part, pour défaut de réponse au moyen tiré de la méconnaissance du délai de quatre mois qui incombe à la commission de recours des militaires pour se prononcer, d'autre part, pour insuffisance de motivation, enfin, pour erreurs de droit et de fait ;

- la décision en litige n'a pas été précédée de l'avis obligatoire de la commission des recours ;

- elle est tardive car prise au-delà du délai de 4 mois prévu à l'article R. 4125-10 du code de la défense ;

- la FIE 2019 est entachée d'erreur de droit car elle méconnaît les dispositions de l'article R. 4135-1 du code de la défense en ce qu'elle ne mentionne pas son potentiel de carrière ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle est entachée de détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la défense ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Grail pour M. B....

Une note en délibéré présentée pour M. B... a été enregistrée le 7 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ingénieur en chef de l'armement, était affecté depuis le 1er septembre 2012 en qualité d'autorité signataire de marchés au service centralisé des achats de la direction des opérations au sein de la direction générale de l'armement (DGA) du ministère des armées, jusqu'à son admission à la retraite le 1er mars 2021. Le 2 août 2019, il a saisi la commission des recours des militaires (CRM) d'un recours administratif préalable obligatoire dirigé contre sa fiche individuelle d'évaluation (FIE) au titre de l'année 2019. Dans les observations qu'elle a formulées sur ce recours le 28 août 2019, l'administration a proposé d'établir une nouvelle FIE 2019 corrigée. M. B... a alors accepté et s'est désisté de son recours préalable sous réserve qu'une nouvelle FIE soit établie. Le 2 février 2020, il a contesté devant le tribunal administratif de Paris le rejet implicite de son recours. Toutefois, une nouvelle FIE 2019 lui ayant été notifiée en cours d'instance le 4 juin 2020, le requérant a dirigé ses conclusions contre cette décision. M. B... relève appel du jugement du 12 juillet 2022 par lequel le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, M. B... soutient que le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de la méconnaissance du délai de quatre mois prévu par l'article R. 4125-10 du code de la défense pour que la commission des recours des militaires statue. Toutefois le premier juge, au point 5 du jugement attaqué, a expressément jugé que " la commission de recours des militaires ne devait pas être préalablement saisie à l'encontre de la nouvelle FIE notifiée le 4 juin 2020 qui était plus favorable à l'intéressé que la FIE initiale ". Dès lors la branche du moyen sur le délai de réponse de quatre mois était en tout état de cause inopérante et le tribunal n'était pas tenu d'y répondre.

3. En deuxième lieu, la motivation du tribunal pour écarter le moyen tiré du détournement de pouvoir, était, quoique synthétique, suffisante, eu égard à l'argumentation soulevée par le requérant à l'appui de ce moyen.

4. En dernier lieu, si M. B... soutient que le tribunal a commis des erreurs de droit et des erreurs de fait, ces griefs, qui relèvent d'ailleurs du contrôle du juge de cassation et non de celui du juge d'appel, sont sans incidence sur la régularité du jugement attaqué.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 4125-4 du code de la défense : " I. - L'exercice d'un recours devant la commission ne suspend pas l'exécution de l'acte contesté. Toutefois, son auteur peut le retirer tant que le ministre compétent ou, le cas échéant, les ministres conjointement compétents n'ont pas statué sur le recours. / L'auteur du recours peut y renoncer à tout moment par simple lettre adressée au secrétariat permanent de la commission. Le président de la commission en donne acte à l'intéressé. ".

6. En l'espèce, il est constant, ainsi qu'il a été dit au point 1, que M. B... s'est désisté du recours préalable obligatoire qu'il avait formé contre sa fiche d'évaluation initiale du 4 juin 2019 qui a été retirée. Aussi la décision en litige, notifiée le 4 juin 2020, qui s'est substituée à la décision initiale n'avait pas à être soumise pour avis à la commission des recours des militaires. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 4125-9 et R. 4125-10 du code de la défense doit être écarté.

7. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 4135-1 du code de la défense : " Les militaires sont notés au moins une fois par an. / La notation est traduite par des notes et des appréciations qui sont obligatoirement communiquées chaque année aux militaires. / A l'occasion de la notation, le chef fait connaître à chacun de ses subordonnés directs son appréciation sur sa manière de servir. / Les conditions d'application du présent article, ainsi que les conditions dans lesquelles il peut être dérogé au caractère annuel de la notation, sont fixées par décret en Conseil d'Etat ". L'article R. 4135-1 du même code dispose : " La notation est une évaluation par l'autorité hiérarchique des qualités morales, intellectuelles et professionnelles du militaire, de son aptitude physique, de sa manière de servir pendant une période déterminée et de son aptitude à tenir dans l'immédiat et ultérieurement des emplois de niveau plus élevé ".

8. Il est constant que M. B... s'est vu communiquer son potentiel de carrière, coté à la lettre M., la seule circonstance que cette cotation ne figurait par sur la fiche individuelle d'évaluation n'est pas de nature à entacher celle-ci d'illégalité. Par ailleurs, il ressort des mentions de cette fiche individuelle d'évaluation que la rubrique " complément d'appréciation littérale et avis sur les postes susceptibles d'être tenus à court et moyen terme souhaités ou proposés " mentionne deux postes auxquels le requérant serait apte après progression. Il s'agit des postes de directeur français de l'Institut Saint-Louis en Alsace, qui n'est pas coté mais d'un niveau équivalent ou supérieur à N et d'adjoint au chef du service des achats d'armement, coté O. Le notateur indique également qu'il serait immédiatement apte à occuper un emploi de sous-directeur affaires, coté M, mais précise qu'il doit progresser en management d'équipes, ressources humaines et communication pour pouvoir utilement postuler à des emplois supérieurs. Dès lors, la fiche individuelle d'évaluation de M. B... pour l'année 2019 comporte bien une évaluation de son aptitude à tenir des emplois plus élevés que celui qu'il occupe. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

9. En troisième lieu, la circonstance que les compétences de M. B..., toutes notées 4 qui correspond à la note maximum, soient reconnues sur un poste qu'il occupe depuis 2012, ne saurait faire obstacle à ce qu'il lui soit demandé de progresser dans d'autres domaines de compétence pour pouvoir utilement postuler à des emplois supérieurs. En outre, le fait qu'il ait occupé un poste de directeur de 2005 à 2012 ne suffit pas à démontrer qu'il aurait les compétences managériales requises pour occuper de tels emplois. Enfin, la circonstance que, par le passé, M. B... ait été jugé " apte immédiatement " à l'un des emplois pour lesquels il est désormais jugé " apte après progression " est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.

10. En dernier lieu, la seule circonstance que l'évaluation finale de M. B... ait été réévaluée plus favorablement mais tardivement n'a pas privé d'effet cette évaluation, contrairement à ce qu'il soutient, et ne caractérise pas un détournement de pouvoir.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, et sans qu'il soit besoin de saisir le Conseil d'Etat pour avis, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2024 à laquelle siégeaient :

- Mme Bonifacj, présidente de chambre,

- M. Niollet, président assesseur,

- M. Pagès, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2024.

Le rapporteur,

D. PAGES

La présidente,

J. BONIFACJ

La greffière,

E. TORDO

La République mande et ordonne au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°22PA04171


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA04171
Date de la décision : 18/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BONIFACJ
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : D4 AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-18;22pa04171 ?
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