Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Auto pièces réemploi Coubron (APRC) a demandé au tribunal administratif de Montreuil :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de la commune de Coubron sur sa demande du 8 novembre 2019 tendant à l'abrogation de l'arrêté municipal du 7 janvier 1960 interdisant la circulation des véhicules dont le poids total en charge est supérieur à 10 tonnes sur les voies du lotissement des Couronnes ;
2°) d'enjoindre au maire de Coubron d'abroger cet arrêté.
Par un jugement n° 2001685 du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 23 mai 2022, la société APRC, représentée par Me Bousquet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montreuil du 22 mars 2022 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Coubron sur sa demande du 8 novembre 2019 tendant à l'abrogation de l'arrêté municipal du 7 janvier 1960 mentionné ci-dessus.
Elle soutient que :
- l'interdiction des véhicules de plus de 10 tonnes n'est pas justifiée par la fragilité de la chaussée, par la tranquillité publique et par la sécurité publique, et n'est donc pas nécessaire ;
- elle n'est pas proportionnée puisqu'il n'existe pas d'itinéraire alternatif, et puisque d'autres moyens permettraient de protéger la voie publique et d'assurer la tranquillité du voisinage ;
- elle porte une atteinte excessive et injustifiée à la liberté de circulation et la liberté du commerce et de l'industrie ainsi qu'au droit de propriété.
Par deux mémoires en défense, enregistrés le 24 octobre 2022 et le 15 décembre 2023, la commune de Coubron, représentée par Me Gagey, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société APRC sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par deux mémoires en réplique, enregistrés le 8 novembre et le 15 décembre 2023, la société APRC conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens. Elle demande en outre à la Cour de mettre à la charge de la commune de Coubron une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient en outre que l'arrêté du 7 janvier 1960 est appliqué de façon discriminatoire.
Par une ordonnance du 19 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Bousquet, pour la société APRC,
- et les observations de Me Gagey, pour la commune de Coubron.
Des notes en délibéré ont été présentées par la société APRC les 5 et 9 juin 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 janvier 1960, le maire de la commune de Coubron a interdit la circulation des véhicules de toute nature dont le poids total en charge excède 10 tonnes, sur les voies du lotissement des Couronnes, soit avenue du Contrat, avenue du Rendez-vous, avenue Beauséjour, avenue Georges Dubois, rue du Cottage, rue de la Faisanderie, rue des Alouettes et rue Jean Baptiste Clément. La société Auto pièces réemploi Coubron (APRC), qui exploite un établissement de dépollution de véhicules hors d'usage situé à l'ouest de ce lotissement sur le territoire de la commune de Clichy-sous-Bois, a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Coubron sur sa demande du 8 novembre 2019, reçue le 20 novembre 2019, tendant à l'abrogation de cet arrêté. Par un jugement du 22 mars 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Elle fait appel de ce jugement.
2. D'une part, aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et l'ensemble des voies publiques ou privées ouvertes à la circulation publique à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation (...) ". L'article R. 141-3 du code de la voirie routière prévoit que : " Le maire peut interdire d'une manière temporaire ou permanente l'usage de tout ou partie du réseau des voies communales aux catégories de véhicules dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces voies, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des ouvrages d'art ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte réglementaire illégal ou dépourvu d'objet, que cette situation existe depuis son édiction ou qu'elle résulte de circonstances de droit ou de fait postérieures, sauf à ce que l'illégalité ait cessé (...) ".
4. En premier lieu, ainsi que le tribunal administratif l'a relevé, il ressort des conclusions de l'étude géotechnique réalisée en septembre 2020 au sein du lotissement des Couronnes à l'occasion de travaux de réhabilitation du réseau d'assainissement, que des anomalies de compaction des sols tenant à la présence de terrains superficiels lâches à très lâches au sein des horizons des remblais et colluvions ont été mises en évidence, et sont susceptibles d'entraîner différents désordres tels que des tassements et des effondrements des voies. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier qu'un tel effondrement s'est produit rue Jean Baptiste Clément le 5 novembre 2019 et a été suivi, après cette étude, d'un affaissement dans cette rue au mois d'octobre 2022. Ses constatations ont conduit le prestataire auteur de cette même étude à déconseiller la circulation des véhicules d'un poids total en charge supérieur à 10 tonnes dans la zone.
5. De même, ainsi que le tribunal administratif l'a aussi relevé, il ressort des pièces du dossier, notamment des photographies produites par les deux parties à l'instance ainsi que du procès-verbal de constatation d'infraction du 13 août 2020, d'une part, que la largeur des voies comprises dans le lotissement des Couronnes ne permet pas le croisement des véhicules d'un poids total en charge supérieur à 10 tonnes avec d'autres véhicules dans des conditions de sécurité satisfaisantes, et, d'autre part, que le profil de ces voies oblige ces véhicules à rouler par endroits sur les trottoirs, en occasionnant parfois d'importants dégâts. Le 21 août 2023, un camion conduit par le dirigeant de la société APRC a ainsi a percuté un lampadaire public sur le trottoir de la rue du Cottage, en le renversant complètement et en coupant un câble de ligne téléphonique.
6. La société APRC ne conteste pas sérieusement les conclusions de l'étude géotechnique mentionnée ci-dessus, en faisant valoir que le prestataire auteur de cette étude se borne à déconseiller la circulation des véhicules d'un poids total en charge supérieur à 10 tonnes dans la zone, sans proposer qu'elle soit interdite, et en soutenant que le poids maximal autorisé aurait dû être déterminé en tenant compte du nombre des essieux et des roues des véhicules. Elle ne démontre en tout état de cause pas que le reste de la ville de Coubron comporterait le même type de chaussées, alors que la circulation des véhicules de plus de 10 tonnes n'est interdite que dans le quartier traversé par le tracé qui dessert son établissement. Elle ne démontre pas davantage que des dérogations auraient été accordées à d'autres entreprises, ou que la largeur des voies ne justifierait pas une interdiction. Enfin, elle ne saurait utilement faire valoir qu'aucun motif tenant à la tranquillité publique ne justifie l'interdiction litigieuse, et qu'aucun accident n'aurait été déploré, cette interdiction ayant précisément pour objet de prévenir les accidents. Les moyens qu'elle tire d'erreurs de fait affectant les motifs de l'arrêté du 7 janvier 1960 et de l'absence de nécessité de l'interdiction en litige, doivent être écartés.
7. En deuxième lieu, s'il est constant que les voies situées dans le lotissement des Couronnes sont les seules qui permettent l'accès à l'établissement de la société APRC, les attestations qu'elle verse aux débats ne permettent pas d'établir que son activité ne pourrait être exercée qu'au moyen de véhicules dont le poids total en charge excède 10 tonnes, et que les entreprises de broyage avec lesquelles elle travaille, ne pourraient utiliser des camions de moindre importance. En outre, la société APRC n'assortit d'aucune précision son argumentation tendant à démontrer que d'autres mesures permettraient de protéger la voie publique et d'assurer la tranquillité du voisinage. Ainsi, elle n'est pas fondée à soutenir que l'interdiction litigieuse serait disproportionnée et porterait une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie, à la liberté d'aller et de venir et au droit de propriété.
8. En dernier lieu, la société APRC ne peut utilement faire valoir que les prescriptions de l'arrêté litigieux seraient appliquées de manière discriminatoire, ou qu'elles seraient méconnues par certains propriétaires de véhicules de plus de 10 tonnes, ces circonstances étant, à les supposer avérées, sans incidence sur sa légalité.
9. Il résulte de ce qui précède que la société APRC n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du 7 janvier 1960 et la décision par laquelle le maire de Coubron a implicitement rejeté sa demande d'abrogation, seraient entachés d'illégalité, et que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Coubron qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société APRC demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la société APRC une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Coubron et non compris dans les dépens, sur le fondement de ces dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société APRC est rejetée.
Article 2 : La société APRC versera à la commune de Coubron une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Auto pièces réemploi Coubron et à la commune de Coubron.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Bonifacj, présidente de chambre,
M. Niollet, président-assesseur,
M. Pagès, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 juin 2024.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°22PA02382