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17/06/2024 | FRANCE | N°21PA05521

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 17 juin 2024, 21PA05521


Vu la procédure suivante :



Par une requête et des mémoires enregistrés le 25 octobre 2021, le 20 février 2023, le 18 avril 2023, le 9 mai 2023, le 2 novembre 2023, le 17 novembre 2023 et le 8 décembre 2023, la société civile immobilière Longévité, représentée par Me Courrech, demande à la Cour :



1°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2021 par laquelle le maire de Clichy-sous-Bois a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l'extension d'un domaine commercial sur le domaine de la commune de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-De

nis) ;



2°) d'annuler l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 25 octobre 2021, le 20 février 2023, le 18 avril 2023, le 9 mai 2023, le 2 novembre 2023, le 17 novembre 2023 et le 8 décembre 2023, la société civile immobilière Longévité, représentée par Me Courrech, demande à la Cour :

1°) d'annuler l'arrêté du 21 septembre 2021 par laquelle le maire de Clichy-sous-Bois a refusé de lui délivrer un permis de construire pour l'extension d'un domaine commercial sur le domaine de la commune de Clichy-sous-Bois (Seine-Saint-Denis) ;

2°) d'annuler l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial rendu le 17 septembre 2020 sur ce projet ;

3°) d'annuler le rejet de la demande de saisine directe de la Commission nationale d'aménagement commercial en date du 22 juillet 2021 ;

4°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de statuer sur sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir.

Elle soutient que le refus de permis de construire est illégal en ce qu'il se fonde sur un avis et une décision de la commission nationale d'aménagement commercial qui sont irréguliers :

S'agissant de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 17 septembre 2020 :

- le projet est intégré dans les zones urbaines de la commune ;

- la vacance commerciale dans les communes limitrophes est peu importante et une telle vacance n'est en tout état de cause pas de nature à fonder un refus de permis de construire ;

- le projet s'articule parfaitement avec la préservation du commerce des centres-villes ;

- il présente un intérêt architectural ;

- l'imperméabilisation s'est réduite et une légère augmentation ne constitue en tout état de cause pas un motif de refus de permis de construire ;

- le projet présente des mesures suffisantes en matière d'isolation au sens de la RT 12 ;

- il a reçu des avis favorables de la commission départementale d'aménagement commercial, de la direction départementale des territoires et de la mer, du ministre de l'urbanisme, du ministre du commerce et du commissaire du gouvernement.

S'agissant de la décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 22 juillet 2021 :

- cette décision est entachée d'une erreur de droit pour avoir considéré qu'elle a présenté une demande de permis de construire modificatif alors qu'elle a en réalité produit des pièces complémentaires dans le cadre de la procédure de revoyure de l'article L. 752-21 du code de commerce, et qu'elle pouvait ainsi saisir directement la Commission.

S'agissant du refus de permis de construire du 21 septembre 2021 :

- elle est recevable à contester cette décision qui n'est pas confirmative d'un précédent refus implicite.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 décembre 2021, la commune de Clichy sous-Bois, représentée par Me Chesney, demande à la Cour de faire droit à la demande de permis de construire de la société civile immobilière Longévité.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées contre l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial sont irrecevables ;

- le maire était placé dans une situation de compétence liée par l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial, et le projet représente un réaménagement qualitatif du centre commercial.

Par un mémoire en défense et des mémoires enregistrés le 13 janvier 2023, le 14 avril 2023 et le 17 novembre 2023, la société Cora, représentée par Me Meillard, conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, à son rejet au fond, et à ce que soit mis à la charge de la société civile immobilière Longévité le versement d'une somme de 5 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées contre l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial sont irrecevables faute de recours contre le refus de permis de construire tacite consécutif à cet avis ;

- les conclusions dirigées contre la décision de rejet de la saisine directe de la Commission nationale d'aménagement commercial sont tardives ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense et des mémoires en réplique enregistrés le 25 janvier 2023, le 3 avril 2023, le 25 août 2023 et le 17 novembre 2023, la société Auchan Supermarché, représentée par Me Lefouler (SELARL Letang Avocats) conclut, à titre principal, à l'irrecevabilité de la requête et, à titre subsidiaire, à son rejet au fond, et à ce que soit mis à la charge de la société civile immobilière Longévité le versement d'une somme de 5 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées contre la décision du maire de Clichy-sous-Bois du 21 septembre 2021 sont irrecevables dès lors que cette décision est confirmative d'un précédent refus implicite devenu définitif ;

- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par des pièces et un mémoire en défense enregistrés les 28 mars et 28 septembre 2023, la Commission nationale d'aménagement commercial conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, au réexamen de la demande de la société civile immobilière Longévité.

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées contre la décision du maire de Clichy-sous-Bois du 21 septembre 2021 sont irrecevables dès lors que cette décision est confirmative d'un précédent refus implicite devenu définitif ;

- les conclusions dirigées contre l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial sont irrecevables en l'absence de recours contre le refus de permis de construire ;

- les moyens soulevés à l'encontre de cet avis ne sont pas fondés.

Le 9 novembre 2023, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour est susceptible de fonder sa décision sur le moyen d'ordre public, relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 22 juillet 2021, dès lors que, celui-ci n'a pas le caractère d'une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

La société civile immobilière Longévité a présenté des observations en réponse à cette communication le 10 novembre 2023.

Elle soutient que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 22 juillet 2021 lui fait grief, et que ses conclusions à fin d'annulation sont donc recevables.

L'affaire ayant été appelée une première fois à l'audience publique du 16 novembre 2023, les notes en délibéré présentées par les parties postérieurement à cette audience ont été enregistrées comme des mémoires qui ont été communiqués.

Par une ordonnance du 20 novembre 2023, l'instruction a été rouverte.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Carteret substituant Me Courrech pour la SCI Longévité,

- les observations de Me Meillard pour la société Cora,

- et les observations de Me Lefouler pour la société Auchan Supermarché.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière Longévité a sollicité un permis de construire pour la démolition d'un garage et d'un espace culturel, l'extension et la restructuration du centre commercial E. Leclerc sur un terrain situé 12 allée de la Fosse-Maussoin à Clichy-sous-Bois, la création d'un parking aérien avec toiture photovoltaïque et la création d'un point permanent de retrait des marchandises par automobile comprenant huit pistes de ravitaillement. Le 6 février 2020, la commission départementale d'aménagement commercial a rendu un avis favorable au projet. Sur le recours des sociétés Cora et Auchan Supermarché, la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis défavorable au projet le 17 septembre 2020, lequel s'est substitué à l'avis de la commission départementale. La société civile immobilière Longévité a ensuite saisi directement la Commission nationale qui a été rejeté sa demande le 22 juillet 2021 et, par un arrêté du 21 septembre 2021, le maire de Clichy-sous-Bois a rejeté la demande de permis de construire. Par la présente requête, la société civile immobilière Longévité demande l'annulation de cet arrêté ainsi que celle de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 17 septembre 2020 et de sa décision du 22 juillet 2021.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 17 septembre 2020 et du 22 juillet 2021 :

2. Les avis rendus par la Commission nationale d'aménagement commercial dans le cadre de la procédure de délivrance des permis de construire ont le caractère d'actes préparatoires et ne constituent pas, par eux-mêmes, des décisions susceptibles de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, même lorsque la Commission est saisie dans le cadre de la procédure prévue à l'article L. 752-21 du code de commerce. Les conclusions de la société requérante dirigées contre les avis défavorables de la commission nationale d'aménagement commercial du 17 septembre 2020 et du 22 juillet 2021 sont, dès lors, irrecevables et doivent donc être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Clichy-sous-Bois du 21 septembre 2021 :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la société Cora :

3. La société Auchan soutient que la requête est irrecevable dès lors que la décision de refus du 21 septembre 2021 ne constitue qu'une décision confirmative d'une décision implicite de rejet de la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale.

4. Aux termes de l'article R. 421-2 du code de la justice administrative : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. Toutefois, lorsqu'une décision explicite de rejet intervient avant l'expiration de cette période, elle fait à nouveau courir le délai de recours. ". Il en résulte qu'une décision expresse de rejet intervenant après l'expiration du délai de recours contentieux doit être regardée comme une décision confirmative ne faisant pas naitre un nouveau délai. Aux termes de l'article R. 423-19 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet ".

5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire a déposé sa demande de permis de construire le 13 décembre 2019 et que, le délai d'instruction de dix mois, prolongé en raison de la période d'état d'urgence sanitaire, a expiré le 23 décembre 2020 selon la société Cora et le 25 décembre 2020 selon la société Auchan et la Commission nationale d'aménagement commercial. Toutefois, la société civile immobilière Longévité a, après le premier avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial et dans le cadre de la procédure dite " de revoyure " prévue par l'article L. 725-21 du code de commerce, modifié son projet et produit des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction de sa demande de permis de construire les 18 décembre 2020 et 26 avril 2021.

6. Alors que le dépôt d'une demande de permis de construire modifiée fait en principe courir un nouveau délai d'instruction, les éléments présents au dossier ne permettent pas d'identifier précisément celles des pièces produites le 18 décembre 2020, et donc de les regarder comme procédant à une modification substantielle de la demande.

7. Toutefois, en supposant même qu'une décision implicite de refus de permis de construire soit effectivement intervenue, la société pétitionnaire demeurait libre de déposer une nouvelle demande, laquelle, faisant suite à un précédent refus, peut faire l'objet d'une procédure d'instruction simplifiée.

8. Or, en produisant, le 26 avril 2021, des éléments nouveaux afin de s'inscrire, après l'avis négatif de la Commission nationale d'aménagement commercial dans le cadre de la procédure prévue par l'article L. 725-21 du code de commerce, la société pétitionnaire doit être regardée comme ayant procédé au dépôt d'une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, à la suite de laquelle la commune l'a d'ailleurs informée qu'un nouveau délai d'instruction était en cours et s'est ainsi estimée valablement saisie de cette demande et en a d'ailleurs informé la Commission nationale d'aménagement commercial.

9. Dès lors, et eu égard aux modifications intervenues dans la composition du dossier de demande, et alors même que ces modifications ne portaient que sur des éléments afférents à la demande d'autorisation d'exploitation commerciale, la décision de refus de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en litige ne peut, en tout état de cause, être regardée comme purement confirmative d'une décision implicite intervenue le 25 décembre 2020.

En ce qui concerne la légalité de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial en date du 17 septembre 2020 :

10. Dès lors que l'arrêté litigieux s'est également fondé sur l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial du 17 septembre 2020, et alors qu'il appartient à la Cour, en vertu de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder, en l'état du dossier, l'annulation de la décision litigieuse, il y a lieu d'examiner les moyens articulés à l'encontre de cet avis.

11. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en l'espèce, la commission nationale d'aménagement commercial : " prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / (...) ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / (...) / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / (...) / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / (...) / III. - La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. Réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l'État dans le département, cette analyse évalue les effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires./ (...). ".

12. En premier lieu, la Commission nationale d'aménagement commercial a relevé, s'agissant des effets du projet sur l'aménagement du territoire, que le projet est localisé à plus d'un kilomètre du centre-ville, soit un trajet en automobile d'une durée de sept minutes, qu'il existe une importante vacance commerciale dans les communes limitrophes de la commune d'implantation et, enfin, que le projet ne propose pas d'articulation avec l'opération d'intérêt national ORCOD-IN en cours de réalisation dans la commune de Clichy-sous-Bois, laquelle vise notamment à construire un cœur de ville. Ces considérations se rapportent aux critères de l'animation de la vie urbaine et de la préservation ou de la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation et des communes limitrophes. La Commission précise en outre, dans ses écritures devant la Cour, que le projet doit concentrer une offre complète et de grandes possibilités de stationnements, avec un risque pour les commerces de centre-ville.

13. D'une part, il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'avis du ministre en charge de l'urbanisme, que le projet est situé à proximité de zones d'habitat et pourrait répondre aux besoins de la population liés à la fermeture du centre commercial du Chêne Pointu, situé à 1 km. L'implantation du projet répond ainsi à un besoin de la population locale, par son implantation dans une zone d'habitat affecté d'un déficit d'offre commerciale. Cette implantation, à distance du centre-ville, ne pourra cependant pas entraîner d'effet positif sur l'animation de la vie urbaine.

14. D'autre part, s'agissant de la vacance commerciale, le taux de vacance s'élève à seulement 3 %, et est donc faible dans la commune, mais il est supérieur à 10 % dans l'ensemble les communes limitrophes, sur le territoire desquelles s'étend la zone de chalandise du projet. Alors même que, contrairement à ce que soutient la société Auchan, la vacance commerciale doit être appréciée au regard des seuls locaux commerciaux et non de l'ensemble des locaux d'activité, ces taux de vacance importants marquent une fragilisation existante du commerce de centre-ville dans ces communes limitrophes. Dans ces conditions, en considérant que le projet porterait préjudice aux centres-villes des communes de la zone de chalandise en cause, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas inexactement appliqué les critères fixés par les dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce en ce qui concerne les conséquences du projet sur ce point.

15. Enfin, s'agissant de l'opération d'intérêt national en cause, elle consiste à rénover le quartier du bas Clichy et notamment le centre commercial du Chêne Pointu, qui doit être détruit, alors qu'est prévue l'implantation de commerces en rez-de-chaussée. La société requérante produit une note d'analyse réalisée par Grand Paris Aménagement, en charge de l'aménagement de la zone d'aménagement concerté du Bas-Clichy et de l'OIN dont il ressort que les deux projets sont complémentaires. Alors que le projet de la société requérante est tourné vers le commerce de destination, l'extension projetée concernant principalement des moyennes surfaces spécialisées dans le sport, le jardinage et les jouets, ainsi que la création de huit pistes de Drive, le projet de Grand Paris Aménagement concerne du commerce de proximité. Il en résulte que c'est à tort que la Commission nationale d'aménagement commercial a estimé que le projet ne proposait pas d'articulation avec l'opération d'intérêt national ORCOD-IN.

16. En deuxième lieu, s'agissant du critère tenant aux effets du projet en matière de développement durable, la Commission nationale d'aménagement commerciale a estimé que le projet présente une insertion architecturale et paysagère insuffisante en raison de son volume massif et de son aspect en forme de " boîte ", caractéristique d'une architecture d'ensemble commercial de périphérie.

17. La société requérante soutient, à juste titre, que son projet constitue effectivement un ensemble commercial de périphérie et que, s'agissant d'un projet d'extension, il ne peut différer excessivement de la construction déjà existante à l'amélioration de laquelle il contribue.

18. En outre, en dépit d'une augmentation, au demeurant faible, de la superficie des espaces verts, il ressort des pièces du dossier que le projet aura pour effet de réduire la surface de sol imperméabilisé, dès lors, notamment, que la création d'une toiture végétalisée à la place d'un espace vert constitue une imperméabilisation supplémentaire des sols.

19. Enfin, la Commission nationale d'aménagement commercial a relevé que le projet présente des mesures insuffisantes en matière d'isolation du bâtiment. Toutefois, et alors que la société requérante argue du respect de la norme " RT 2012 " par les constructions nouvelles, d'un coefficient de besoin bioclimatique favorable, de la couverture des espaces de stationnement par une toiture photovoltaïque, de la création de toitures végétalisées sur les nouveaux bâtiments projetés, de la récupération d'une large partie des eaux de pluie et de l'emploi d'un matériau renouvelable pour les façades, les critiques formulées par la Commission nationale d'aménagement commercial relativement à l'isolation du bâtiment n'apparaissent pas fondées, d'autant le critère de la qualité environnementale du projet au regard des sous-critères de la performance énergétique, du recours aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux éco-responsables et à la gestion des eaux pluviales apparaît pleinement respecté par le projet. La Commission nationale a donc entaché son avis, sur ce point, d'une erreur d'appréciation.

20. Il résulte de ce qui précède que les motifs retenus par la Commission nationale d'aménagement commercial tenant, d'une part, au risque pour le tissu commercial du centre-ville, en particulier des communes limitrophes et, d'autre part, à l'augmentation de la surface imperméabilisée sont légalement fondés, et qu'ainsi la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas inexactement appliqué les critères fixés par les dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code de commerce en ce qui concerne les conséquences du projet sur ces deux points.

En ce qui concerne la légalité de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial en date du 22 juillet 2021 :

21. L'article L.752-21 du code de commerce dispose que : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale. / Lorsque la nouvelle demande ne constitue pas une modification substantielle au sens de l'article L. 752-15 du présent code, elle peut être déposée directement auprès de la Commission nationale d'aménagement commercial. ". Son article R. 752-43-4 dispose que : " Lorsque la réalisation du projet nécessite un permis de construire, la nouvelle demande est déposée conformément aux dispositions des articles R. 423-2 et suivants du code de l'urbanisme. Le maire transmet cette demande au secrétariat de la Commission nationale d'aménagement commercial dans les conditions prévues au second alinéa de l'article R. 423-13-2 du même code. ". Enfin, aux termes de son article R. 423-13-3 : " (...) / Lorsque la demande de permis de construire porte sur un projet relevant du deuxième alinéa de l'article L. 752-21 du code de commerce, le maire transmet au secrétariat de la Commission nationale d'aménagement commercial deux exemplaires du nouveau dossier de demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, dont un sur support dématérialisé, dans un délai de sept jours francs suivant le dépôt. ".

22. Il résulte de ces dispositions que, dans le cadre de la procédure dite " de revoyure " qu'elles prévoient, le pétitionnaire, s'il s'y croit fondé, n'est tenu que de présenter une nouvelle demande d'autorisation d'exploitation commerciale et de justifier que sa demande comporte des modifications en lien avec la motivation de l'avis antérieur de la commission nationale d'aménagement commercial, et non de présenter une nouvelle et complète demande portant sur l'intégralité du permis de construire.

23. En l'espèce, la Commission nationale d'aménagement commercial a estimé que sa saisine était irrégulière, faute pour la société pétitionnaire d'avoir déposé une nouvelle demande de permis de construire. Toutefois, et ainsi qu'il déjà été dit aux points 5 à 9, la commune était valablement saisie d'une demande de permis de construire en cours d'instruction, et il ressort du dossier " de revoyure " présenté par la société pétitionnaire que les ajustements et précisions y apportés étaient en lien avec les motifs ayant fondé l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial rendu le 17 septembre 2020. Par suite, en déclarant irrecevable cette saisine directe, la Commission nationale a entaché son avis d'illégalité.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté litigieux du maire de Clichy-sous-Bois :

24. Dès lors que, comme il a été dit aux points 21 à 23, la Commission nationale d'aménagement commercial a illégalement refusé de rendre un avis sur la nouvelle demande de permis de construire comportant des ajustements et précisions en lien avec les motifs ayant fondé son avis défavorable du 17 septembre 2020, l'arrêté litigieux est ainsi illégal comme ayant été pris en méconnaissance des dispositions législatives et réglementaires citées au point 21. Il y a donc lieu d'en prononcer l'annulation.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

25. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

26. En vertu de ces dispositions, le juge administratif peut, s'il annule la décision prise par l'autorité administrative sur une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale et en fonction des motifs qui fondent cette annulation, prononcer une injonction tant à l'égard de l'autorité administrative compétente pour se prononcer sur la demande de permis qu'à l'égard de la Commission nationale d'aménagement commercial, la circonstance que cette dernière soit chargée par l'article R. 752-36 du code de commerce d'instruire les recours dont elle est saisie ne faisant pas obstacle à ce que le juge administratif lui enjoigne, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de prendre une mesure dans un sens déterminé si les motifs de la décision juridictionnelle l'impliquent nécessairement.

27. L'annulation de la décision rejetant une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale sur le fondement d'un avis défavorable rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial n'implique, en principe, qu'un réexamen du projet par cette commission. Il n'en va autrement que lorsque les motifs de l'annulation impliquent nécessairement la délivrance d'un avis favorable.

28. Eu égard aux motifs exposés aux points 11 à 20 et 21 à 23 du présent arrêt, il y a lieu, d'une part, d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de réexaminer la demande présentée par la société civile immobilière Longévité dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt et, d'autre part, d'enjoindre au maire de Clichy-sous-Bois de statuer de nouveau sur la demande de permis de construire présentée par la même société, dans un délai de trois mois suivant le nouvel avis émis par la Commission nationale d'aménagement commercial.

Sur les frais de l'instance :

29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société civile immobilière Longévité, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, les sommes que demandent sur ce fondement les sociétés Cora et Auchan Supermarché.

DÉCIDE :

Article 1er : La décision de la Commission nationale d'aménagement commercial du 22 juillet 2021 et la décision du maire de Clichy-sous-Bois du 21 septembre 2021 sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint :

1° à la Commission nationale d'aménagement commercial, de réexaminer la demande de la Société civile immobilière Longévité dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt ;

2° au maire de Clichy-sous-Bois, de statuer de nouveau sur la demande de permis de construire présentée par la même société, dans un délai de trois mois suivant le nouvel avis de la Commission nationale d'aménagement commercial rendu en application du 1°.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière Longévité, à la commune de Clichy-sous-Bois, à la société Cora, à la société Auchan Supermarché et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,

- Mme Jasmin-Sverdlin, première conseillère,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juin 2024.

L'assesseure la plus ancienne,

I. JASMIN-SVERDLINLe président - rapporteur,

S. DIÉMERT

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21PA05521 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21PA05521
Date de la décision : 17/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. DIEMERT
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : SCP COURRECH ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-17;21pa05521 ?
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