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13/06/2024 | FRANCE | N°23PA02657

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 13 juin 2024, 23PA02657


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er avril 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui octroyer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.



Par un jugement n° 2215082 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Procédu

re devant la Cour :



Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 16 juin 2023 et 27 mars...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 1er avril 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui octroyer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office.

Par un jugement n° 2215082 du 16 mai 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 16 juin 2023 et 27 mars 2024, Mme B... A..., représentée par Me Deneuve, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 16 mai 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er avril 2022 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour pour raisons de santé, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, si la décision est annulée pour un motif de fond ;

4°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, si la décision est annulée pour un motif de forme ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision de refus de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle a été prise au seul vu de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision d'obligation de quitter le territoire :

- elle est fondée sur une décision de refus de titre de séjour illégale ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est fondée sur une décision de refus de titre de séjour et sur une décision d'obligation de quitter le territoire illégales ;

- elle méconnait les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mars 2024, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une décision du 16 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 1er avril 2022, le préfet de police a refusé d'octroyer un titre de séjour à Mme A..., ressortissante de la République de Guinée, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 16 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire :

2. La décision relève que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entrainer des conséquences d'une gravité exceptionnelle mais qu'elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel elle peut voyager sans risque et qu'elle ne remplit pas les conditions prévues par l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est donc suffisamment motivée quand bien même elle ne ferait pas mention des installations disponibles dans son pays d'origine pour soigner la pathologie dont elle est atteinte. Dès lors que la décision de refus de séjour est suffisamment motivée ainsi qu'il vient d'être dit, la décision d'obligation de quitter le territoire n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte en application des dispositions de l'article L. 613-1 du même code, précision étant faite qu'elle vise en tout état de cause l'article L. 611-1 3° de ce dernier.

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) ".

4. Pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme A..., le préfet s'est fondé sur le motif rappelé au point 2 du présent arrêt. La requérante ne le conteste toutefois pas pertinemment en ne produisant que des bulletins de situation hospitalière attestant d'un suivi médical régulier, des certificats médicaux se bornant à relever qu'elle souffre d'un glaucome chronique à angle ouvert et à décrire la nature des traitements, des ordonnances, des résultats d'analyses, une attestation d'un médecin d'une clinique de Guinée attestant sans plus de précision du défaut d'existence de moyens d'exploration fonctionnelle complémentaire et un article de presse général, alors que le préfet de police établit, sans être contesté, qu'il existe des cabinets de consultation ophtalmologique en Guinée. Il ne ressort enfin pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait pris sa décision en se fondant sur l'avis d'un collège de médecins ne disposant pas des connaissances nécessaires pour apprécier la situation de Mme A....

5. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police aurait entaché sa décision d'un défaut d'examen ou qu'il se serait considéré lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

6. En troisième lieu, aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Quand bien même Mme A... soutient qu'elle serait isolée dans son pays d'origine, elle ne réside que depuis l'année 2016 en France où elle n'est entrée qu'à l'âge de 52 ans et elle n'atteste pas d'une intégration sociale et professionnelle particulière.

7. En dernier lieu, il ne résulte pas de ce qui précède que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, la décision de refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit, en conséquence, être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux mentionnés au point 4, la décision n'a pas méconnu ces dispositions.

10. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

11. En premier lieu, la décision de refus de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant entachées d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit, en conséquence, être écarté.

12. En second lieu, aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable à la date de la décision attaquée et que la requérante a entendu invoquer en se prévalant de l'article L. 513-2 alors abrogé : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ". L'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la pathologie dont souffre

Mme A... ne peut pas être effectivement prise en charge dans son pays d'origine, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction et celles fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police, et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2024.

Le rapporteur,

J-F. GOBEILLLe président,

J. LAPOUZADELa greffière,

C. POVSE La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA02657


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02657
Date de la décision : 13/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : DENEUVE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-13;23pa02657 ?
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