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13/06/2024 | FRANCE | N°23PA02307

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 13 juin 2024, 23PA02307


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2021 par lequel le maire de la commune de Bobigny a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif pour la création d'un projet de construction de trois logements supplémentaires sur un terrain sis 50 rue Léo Lagrange, sur le territoire de sa commune, ensemble la décision rejetant implicitement son recours gracieux, et d'enjoindre à la commune de Bobigny de lui délivre

r l'autorisation sollicitée dans un délai de cinq jours à compter de la notification ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2021 par lequel le maire de la commune de Bobigny a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif pour la création d'un projet de construction de trois logements supplémentaires sur un terrain sis 50 rue Léo Lagrange, sur le territoire de sa commune, ensemble la décision rejetant implicitement son recours gracieux, et d'enjoindre à la commune de Bobigny de lui délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai de cinq jours à compter de la notification du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 2200413 du 30 mars 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 24 mai 2023, M. A... B..., représenté par Me Anslaw, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200413 du 30 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil ;

2°) d'annuler l'arrêté du 9 septembre 2021 par lequel le maire de la commune de Bobigny a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif pour la création d'un projet de construction de trois logements supplémentaires sur un terrain sis 50 rue Léo Lagrange, sur le territoire de sa commune, ensemble la décision rejetant implicitement son recours gracieux ;

3°) d'enjoindre à la commune de Bobigny de lui délivrer l'autorisation sollicitée dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Bobigny le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, comme méconnaissant le droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, dès lors que les éléments nouveaux contenus dans la note en délibéré par lui déposée après l'audience tenue devant le tribunal administratif auraient dû conduire à la réouverture de l'instruction afin qu'ils soient soumis au contradictoire ;

- il est également irrégulier, comme insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- l'arrêté litigieux est illégal dès lors qu'il s'est à tort fondé sur le non-respect des dispositions du titre I.c du livre Ier du plan local d'urbanisme intercommunal relatives au nombre de places de stationnement par logement, alors que les dispositions de l'article L.151-36-1 du code de l'urbanisme rendent ces dispositions inapplicables en l'espèce ;

- cet arrêté est également illégal, pour le même motif, en tant qu'il se fonde sur le non-respect des dispositions du titre I.e du livre Ier du plan local d'urbanisme intercommunal relatives à la configuration des aires de stationnement ;

- cet arrêté est en outre illégal en tant qu'il se fonde sur le non-respect des dispositions du titre I.h du livre Ier du plan local d'urbanisme intercommunal relatives aux locaux pour la gestion des déchets, qui ne sont pas applicables aux constructions comportant plusieurs logements, et alors que la délivrance du permis de construire modificatif sollicité pouvait être assortie d'une prescription spéciale relative à la création d'un local réservé à la gestion des déchets ;

- la substitution de motif demandée par la commune de Bobigny et fondée sur l'impossibilité de déposer une demande de permis de construire modificatif au regard des modifications envisagées ne pouvait pas être accueillie par les premiers juges dès lors qu'elle le prive de la garantie prévue à l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme ;

- le prononcé d'une injonction s'impose en l'espèce en application de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 décembre 2023, la commune de Bobigny représentée par Me Keita conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis la somme de 3 000 euros à la charge du requérant en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de permis de construire modificatif présentée par le requérant était irrecevable dès lors les modifications dont le pétitionnaire demandait l'autorisation auraient porté le nombre de logements compris dans la construction de deux à cinq, changeant ainsi la nature du projet, d'une maison à usage d'habitation individuelle à celui d'un bâtiment collectif, ce qui nécessitait le dépôt d'un nouveau permis de construire ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- la demande du requérant doit être regardée comme une tentative de fraude.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Diémert,

- les conclusions de M. Doré, rapporteur public,

- les observations de Me Keita pour la commune de Bobigny,

- et les observations de M. B....

Une note en délibéré a été présentée le 21 mai 2024 pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., propriétaire d'un terrain situé sis 50, rue Léo Lagrange à Bobigny (Seine-Saint-Denis), pour l'aménagement duquel il a obtenu le 9 mars 2020 un permis de démolition et de construction d'un pavillon comprenant deux logements pour une surface de plancher de 140 m2 a déposé, le 17 juin 2021, une demande de modification de ce permis tendant à l'aménagement de trois logements supplémentaires sans création de surface de plancher.

2. Par un arrêté en date du 9 septembre 2021, le maire de la commune a refusé de lui délivrer l'autorisation sollicitée en se fondant sur les motifs tirés, d'une part, de la méconnaissance des règles relatives aux obligations de stationnement prévues par le plan local d'urbanisme et, d'autre part, de l'absence de local réservé à la gestion des déchets.

3. M. B... ayant sollicité du tribunal administratif de Montreuil l'annulation de cet arrêté ainsi que de la décision implicite, née le 22 décembre 2021, rejetant son recours gracieux dirigé contre ledit arrêté, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande par un jugement du 30 mars 2023 dont l'intéressé relève appel devant la Cour.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. En premier lieu, le requérant soutient que le jugement attaqué est irrégulier, comme méconnaissant le droit au procès équitable garanti par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, dès lors que les éléments nouveaux contenus dans la note en délibéré par lui déposée après l'audience tenue devant le tribunal administratif auraient dû conduire à la réouverture de l'instruction afin qu'ils soient soumis au contradictoire.

5. Lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé, soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office.

6. En l'espèce, et contrairement à ce soutient le requérant, la note en délibéré dont il a saisi les premiers juges se bornait à les informer de ce que les logements existants dans le bâtiment objet de la demande de permis de construire modificatif étaient déjà occupés, tandis que le jugement attaqué se fonde sur la création de trois nouveaux logements pour écarter l'application en l'espèce des dispositions de l'article L. 151-36-1 du code de l'urbanisme ; cette circonstance ne constituait donc pas une circonstance de fait dont le requérant n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pouvait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts. Le moyen doit donc être écarté.

7. En second lieu, le requérant soutient que le jugement attaqué est également irrégulier, comme insuffisamment motivé, en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative, relativement à la réponse apportée par les premiers juges à la demande de substitution de motifs présentée par la commune.

8. Il ressort toutefois du point 12 du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment motivé en fait comme en droit leur décision d'accueillir la substitution de motifs demandée. Le moyen manque donc en fait et doit être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

9. M. B... soutient que la substitution de motif demandée par la commune de Bobigny et fondée sur l'impossibilité de déposer une demande de permis de construire modificatif au regard des modifications envisagées ne pouvait pas être accueillie par les premiers juges dès lors qu'elle le prive de la garantie prévue à l'article R. 423-38 du code de l'urbanisme.

10. En premier lieu, d'une part, l'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, ne peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée, que si les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. D'autre part, l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondée sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.

11. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que la demande litigieuse portait sur la création de trois logements supplémentaires, au sein d'une maison individuelle comportant déjà deux logements, dont le permis de construire initial, délivré le 9 mars 2020, avait autorisé la construction. Il s'ensuit que les modifications envisagées avaient pour effet de transformer une construction individuelle en un bâtiment collectif et apportaient ainsi au projet un bouleversement qui en changeait la nature même. Par conséquent, les modifications prévues par la demande ne pouvaient faire l'objet d'un permis de construire modificatif, et les premiers juges ont pu à bon droit accueillir cette demande de substitution de motifs et considérer que le maire de Bobigny aurait pu prendre la même décision s'il ne s'était fondé que sur ce seul motif. Ce faisant, les premiers juges n'ont privé le requérant d'aucune garantie, dès lors que les dispositions combinées des articles R. 431-4 et R. 423-38 du code de l'urbanisme n'ont ni pour effet ni pour objet de faire obstacle à la règle rappelée au point 7.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 septembre 2021 par lequel le maire de la commune de Bobigny a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif pour la création d'un projet de construction de trois logements supplémentaires sur un terrain sis 50 rue Léo Lagrange, sur le territoire de sa commune, ensemble la décision rejetant implicitement son recours gracieux. Ses conclusions d'appel qui tendent à l'annulation dudit jugement et de ces décisions doivent donc être rejetées.

Sur les frais du litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. B..., qui est la partie perdante, en puisse invoquer le bénéfice. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à sa charge le versement à la commune de Bobigny d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.

Article 2 : M. A... B... versera à la commune de Bobigny une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Bobigny.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2024.

Le rapporteur,

S. DIÉMERTLe président,

J. LAPOUZADE La greffière,

C. POVSE

La République mande et ordonne au préfet de Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23PA002307


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02307
Date de la décision : 13/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Stéphane DIEMERT
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : KEITA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-13;23pa02307 ?
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