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13/06/2024 | FRANCE | N°22PA02045

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 1ère chambre, 13 juin 2024, 22PA02045


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



D'une part, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 10 février 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2202281 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Melun a annulé l

a décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office en tant qu'elle ne per...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

D'une part, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 10 février 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2202281 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office en tant qu'elle ne permet pas son éloignement vers la République italienne et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

D'autre part, M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 25 avril 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office.

Par un jugement n° 2204179 du 5 mai 2022, le tribunal administratif de Melun a annulé la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office en tant qu'elle ne permet pas son éloignement vers la République italienne.

Procédure devant la Cour :

I- Par une requête enregistrée le 4 mai 2022 sous le n° 22PA02045, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2202281 du 31 mars 2022.

Il soutient que :

- dès lors qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que M. B... ne comprenait pas le français et qu'il avait besoin d'un interprète, la notification de la décision était régulière et le tribunal a à tort considéré que la requête de première instance était recevable alors qu'elle était tardive ;

- le jugement est entaché d'une contradiction de motifs et d'une erreur de droit ;

- compte tenu de la nature du centre de coopération policière et douanière, qui est une structure hybride née d'un accord international conclu entre la France et l'Italie, sa réponse doit être analysée comme une réponse émise par les autorités italiennes.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit d'observations en défense.

II- Par une requête enregistrée le 25 mai 2022 sous le n° 22PA02417, le préfet du Val-d'Oise demande à la Cour d'annuler le jugement n° 2204179 du 5 mai 2022.

Il soutient que :

- les autorités italiennes ont expressément refusé la réadmission de M. B... en Italie ;

- l'article 6C de l'accord du 3 octobre 1997 fait obstacle à une réadmission en Italie pour les personnes séjournant depuis plus de 6 mois sur le territoire de la partie contractante requérante, ce qui est le cas en l'espèce ;

- le tribunal ne pouvait envisager comme possible une réadmission en Italie dès lors que la demande de réadmission du 18 février 2022 n'avait pas été envoyée dans le délai de trois mois mentionné à l'article 5.3 de l'accord du 3 octobre 1997 ;

- le tribunal ne pouvait fonder sa décision sur les stipulations de l'article 5.2 de cet accord dès lors qu'il n'admet la réadmission que sur présentation d'un visa ou d'une autorisation de séjour en cours de validité, ce à quoi ne sauraient être assimilés une demande de renouvellement d'un titre de séjour et l'obtention d'un rendez-vous d'examen d'une telle demande ;

- contrairement à ce que relève le jugement, l'article 7 du même accord ne prévoit pas que la remise est prioritaire sur l'éloignement à destination du pays d'origine, mais stipule que, pour l'application de son article 5, les parties s'efforcent en priorité de reconduire les intéressés vers leur pays d'origine.

La requête a été communiquée à M. B... qui n'a pas produit d'observations en défense.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- l'accord du 3 octobre 1997 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, publié par le décret n° 2000-652 du 4 juillet 2000 ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997 et publié par le décret n° 2000-923 du 18 septembre 2000 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Gobeill,

- et les conclusions de M. Doré, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant pakistanais, né le 17 novembre 1996, a fait l'objet le 10 février 2022 d'un arrêté du préfet du Val-d'Oise portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un jugement n° 2202281 du 31 mars 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé la décision fixant le pays de destination et rejeté les conclusions de M. B... dirigées contre les autres décisions prises le même jour. Par un arrêté du 25 avril 2022, le préfet du Val-d'Oise a pris un arrêté fixant le pays de destination. Par un jugement n° 2204179 du 5 mai 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Melun a annulé cet arrêté. Le préfet du Val-d'Oise relève appel de ces deux jugements par des requêtes respectivement enregistrées le 4 mai 2022 sous le n° 22PA02045 et le 25 mai 2022 sous le n° 22PA02417.

Sur la jonction :

2. Les requêtes n° 22PA02045 et n° 22PA02417 ont le même objet et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur le droit applicable :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 721-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d'éloignement, le pays à destination duquel l'étranger peut être renvoyé en cas d'exécution d'office d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une décision de mise en œuvre d'une décision prise par un autre État, d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une décision d'expulsion, d'une peine d'interdiction du territoire français ou d'une interdiction administrative du territoire français. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du même code : " L'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : / 1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; / 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; / 3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. (...) ".

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 621-1 du même code : " Par dérogation au refus d'entrée à la frontière prévu à l'article L. 332-1, à la décision portant obligation de quitter le territoire français prévue à l'article L. 611-1 et à la mise en œuvre des décisions prises par un autre État prévue à l'article L. 615-1, l'étranger peut être remis, en application des conventions internationales ou du droit de l'Union européenne, aux autorités compétentes d'un autre État, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas prévus aux articles L. 621-2 à L. 621-7. / L'étranger est informé de cette remise par décision écrite et motivée prise par une autorité administrative définie par décret en Conseil d'État. Il est mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. ". Aux termes de l'article L. 621-4 du même code : " Peut faire l'objet d'une décision de remise aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne l'étranger, détenteur d'un titre de résident de longue durée - UE en cours de validité accordé par cet Etat, en séjour irrégulier sur le territoire français. Les conditions d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. ". Il ressort des dispositions des articles L. 611-1, L. 621-1 et L. 621-4 à L. 621-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre État ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre. Il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 621-1 ou des articles L. 621-4 à L. 621-6, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'État membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 621-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 611-1. Ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagée l'autre. Toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une "carte bleue européenne" délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat.

5. En dernier lieu, d'une part, l'accord du 3 octobre 1997 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la réadmission des personnes en situation irrégulière, publié par le décret n° 2000-652 du 4 juillet 2000, stipule à son article 5 que " 1. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante pour autant qu'il est établi que ce ressortissant est entré sur le territoire de cette Partie après avoir séjourné ou transité par le territoire de la Partie contractante requise. / 2. Chaque Partie contractante réadmet sur son territoire, à la demande de l'autre Partie contractante et sans formalités, le ressortissant d'un Etat tiers qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions d'entrée ou de séjour applicables sur le territoire de la Partie contractante requérante lorsque ce ressortissant dispose d'un visa ou d'une autorisation de séjour de quelque nature que ce soit, délivré par la Partie contractante requise et en cours de validité. / 3. La demande de réadmission doit être transmise dans un délai de trois mois à compter de la constatation par la Partie contractante requérante de la présence irrégulière sur son territoire du ressortissant d'un Etat tiers. ", à son article 6 que " L'obligation de réadmission prévue à l'article 5 n'existe pas à l'égard : (...) c) Des ressortissants des Etats tiers qui séjournent depuis plus de six mois sur le territoire de la Partie contractante requérante, cette période étant appréciée à la date de la transmission de la demande de réadmission ; (...) " et à son article 7 que " Pour l'application de l'article 5, les Parties contractantes s'efforceront en priorité de reconduire les personnes concernées vers leur pays d'origine. ". L'annexe à cet accord stipule " 5. Aéroports et points de remise terrestres qui pourront être utilisés pour la réadmission et l'entrée en transit des étrangers (art. 23) / (...) 5.2. Sur le territoire italien : (...) / 5.2.2. Voie routière : (...) / - autoroute de Vintimille (Menton-Pont Saint-Louis). / 5.2.3. Voie ferroviaire : / - structure binationale de Vintimille-gare. / 6. Autorités centrales ou locales habilitées à traiter les demandes de réadmission ou de transit (art. 23) / 6.1. Autorités habilitées à traiter les demandes de réadmission. (...) / 6.1.2. Pour la République italienne : / 6.1.2.1. D'une manière générale : / Les services locaux de la Direction centrale de la police des frontières du ministère de l'intérieur compétents pour les structures binationales de Modane-gare et de Vintimille-gare. / 6.1.2.2. D'une manière particulière : / Notamment en raison de leur proximité géographique avec le lieu d'interpellation de la personne à réadmettre et selon des modalités qui seront définies directement entre les autorités des Parties contractantes compétentes en matière de contrôle transfrontière, les services locaux de la police d'Etat compétents pour les points de remise situés sur le territoire italien énumérés aux points 5.2.2 et 5.2.3 de la présente annexe. ". D'autre part, l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière, signé à Chambéry le 3 octobre 1997 et publié par le décret n° 2000-923 du 18 septembre 2000, stipule à son article 1er que : " Au sens de la présente convention, on entend par : / a) " Centre de coopération policière et douanière ", un centre institué à proximité de la frontière commune sur le territoire de l'une des deux Parties, au sein duquel doivent se concrétiser les formes de coopération, notamment dans le domaine de l'échange d'informations, entre les membres des services nationaux compétents des deux Parties qui y sont détachés ; (...) ", à son article 4 que " 1. Des centres de coopération policière et douanière, ci-après dénommés centres de coopération, sont installés à proximité de la frontière commune. ", à son article 5 que " 1. Les centres de coopération sont implantés : / a) A Vintimille, sur le territoire de la République italienne ; (...) ", à son article 6 que " Aux fins de la prévention des menaces à l'ordre et à la sécurité publics, ainsi qu'en vue d'une lutte plus efficace contre la criminalité, notamment dans le domaine de l'immigration irrégulière et des trafics illicites, les centres de coopération fournissent aux services compétents chargés de missions de police et de douane, dans le respect des dispositions nationales en vigueur, toute information utile, ainsi que, sur demande de ces derniers, l'assistance nécessaire. ", à son article 8 que : " Au sein des centres de coopération, les agents engagés dans les domaines visés à l'article 6 contribuent : / a) A la préparation et à la remise des personnes en situation irrégulière, dans le respect des accords en vigueur ; / b) A l'assistance du personnel engagé dans les opérations d'observation et de poursuite transfrontalières, régies par les articles 40 et 41 de la convention d'application et par ses textes de mise en oeuvre ; / c) A la coordination des mesures conjointes de surveillance dans les zones frontalières respectives. ", à son article 9 que : " 1. Les agents en fonction dans les centres de coopération travaillent en équipe et s'échangent les informations qu'ils recueillent. Ils peuvent répondre aux demandes d'information des services compétents des deux Parties. (...) ", à son article 11 que " Chaque Partie indiquera, par un échange de lettres, les unités territoriales compétentes en matière de police et de douane pouvant, en vertu des dispositions suivantes, collaborer directement avec les unités territoriales correspondantes de l'autre Partie. " et à son article 12 que " Afin de mettre en oeuvre dans les zones frontalières la coopération policière et douanière, les unités territoriales visées à l'article 11, dans le respect des compétences spécifiques et des dispositions nationales, communautaires et internationales, ont pour mission de : / - coordonner leurs actions communes dans la zone frontalière, notamment pour lutter contre la délinquance frontalière et prévenir les menaces à l'ordre et à la sécurité publics ; / - recueillir et échanger des informations en matière policière et douanière. ".

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur la requête n° 22PA02045 dirigée contre le jugement du 31 mars 2022 :

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :

6. Le préfet du Val-d'Oise soutient que la requête de M. B... dirigée contre l'arrêté du 10 février 2022, introduite le 14 mars 2022, était irrecevable du fait de sa tardiveté.

7. Pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par le préfet du Val-d'Oise, le premier juge a relevé que l'arrêté attaqué avait été notifié sans l'aide d'un interprète alors que l'intéressé avait besoin de l'aide d'un interprète en langue ourdou.

8. Alors que le préfet du Val-d'Oise se borne à faire valoir que les agents de l'administration pénitentiaire ont attesté que M. B... maitrisait le français et qu'il avait pu faire valoir ses observations à l'agent de greffe du centre pénitentiaire alors qu'aucun de ces agents ne parle la langue ourdou, il ressort des pièces du dossier que M. B... a été assisté d'un interprète lors de l'audience au tribunal administratif ainsi que lors des audiences devant le juge des libertés et de la détention. Il en résulte que c'est à bon droit que le premier juge a jugé que M. B... s'est vu notifier l'arrêté attaqué sans l'aide d'un interprète et qu'il devait donc être considéré comme n'ayant pas valablement reçu notification des voies et délais de recours.

Sur le bien-fondé de la décision :

9. Pour décider que M. B... serait éloigné à destination du pays dont il a la nationalité ou tout pays dans lequel il est légalement admissible à l'exception de l'Italie, le préfet du Val-d'Oise s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé possède un titre de séjour italien expiré depuis le 5 février 2022 dont il ne démontre pas avoir demandé le renouvellement.

10. Pour annuler cette décision, le jugement contesté a relevé que M. B... avait demandé à être éloigné en Italie, qu'il justifiait d'une demande de renouvellement de son titre de séjour dans cet Etat et d'un rendez-vous le 18 mai 2022 et que les autorités françaises, qui ne faisaient état que d'un refus émis par le centre de coopération policière et douanière, n'établissaient pas avoir ainsi saisi les autorités italiennes d'une demande de réadmission vers ce pays.

11. Outre que M. B... établit, contrairement à ce qui est mentionné dans la décision, avoir sollicité le renouvellement de son titre de séjour italien et avoir au demeurant obtenu un rendez-vous auprès des autorités italiennes pour le 18 mai 2022, le préfet n'établit pas la réalité du motif opposé dans ses écritures tiré de ce que les autorités italiennes auraient décidé de refuser sa réadmission, le seul document produit étant un courrier électronique du 19 mars 2022, postérieur à la décision, faisant état de l'existence d'un refus d'admission opposé du centre de coopération policière et douanière du 9 février 2022, refus d'admission qui n'a pas été produit par le préfet du Val-d'Oise.

12. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Val-d'Oise n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 10 février 2022 en tant qu'il ne permet pas son éloignement à destination de la République italienne.

Sur la requête n° 22PA02417 dirigée contre le jugement du 5 mai 2022 :

Sur le motif d'annulation retenu par le premier juge :

13. Pour décider que M. B... serait éloigné à destination du Pakistan ou de tout pays dans lequel il est également admissible, le préfet du Val-d'Oise a relevé d'une part s'agissant du Pakistan, que les autorités de cet Etat ont délivré un laisser-passer consulaire et d'autre part s'agissant de l'Italie, que l'intéressé n'avait pas demandé le renouvellement de son titre de séjour italien expiré le 5 février 2022 et que les autorités italiennes, saisies le 18 février 2022 d'une demande de réadmission, y ont opposé un refus.

14. Pour annuler cette décision en tant qu'elle ne permet pas son éloignement à destination de la République italienne, le jugement contesté relève notamment que le centre de coopération policière et douanière n'a conventionnellement pas compétence pour décider d'une réadmission d'un ressortissant d'un pays tiers au lieu et place des autorités nationales et que les autorités françaises n'établissent pas avoir saisi les autorités italiennes, l'intéressé disposant d'un rendez-vous le 18 mai 2022 en Italie relativement à sa demande de renouvellement de son titre de séjour dans ce pays.

15. Quand bien même M. B... disposait d'un rendez-vous en vue de l'examen de sa demande de renouvellement de son titre de séjour, il ressort des pièces du dossier, et notamment du formulaire de demande de réadmission en Italie, établi sous le timbre de la direction départementale de la police aux frontières des Alpes-Maritimes, du Settore polizia frontiera et du centre de coopération policière et douanière, qu'à la demande de réadmission formulée par la France, a été opposé un refus fondé sur les stipulations de l'article 5-3 de l'accord franco-italien du 3 octobre 1997. Aucune pièce du dossier n'établissant qu'une telle mention n'émanerait pas des autorités italiennes compétentes, le préfet du Val-d'Oise est fondé à soutenir, dans ces conditions, que c'est à tort que le premier juge a annulé la décision contestée pour le motif rappelé au point 14.

16. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif de Melun.

Sur les autres moyens soulevés par M. B... :

17. En premier lieu, l'arrêté a été signé par Mme C..., adjointe au chef du bureau du contentieux des étrangers de la préfecture du Val-d'Oise, qui bénéficiait d'une délégation de signature à cet effet consentie par l'arrêté n° 2021-97 du 21 octobre 2021 pour signer la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte manque en fait et doit ainsi être écarté.

18. En deuxième lieu, la décision comporte les motifs de droit et de faits sur lesquels elle se fonde et est ainsi suffisamment motivée. Il ne ressort pas de ses mentions que la situation de M. B... n'aurait pas fait l'objet d'un examen sérieux et particulier.

19. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a pu, le 8 février 2022, faire valoir ses observations, notamment informer le préfet qu'il est venu en France pour voir son père et qu'il souhaite retourner en Italie où il a un titre de séjour et où il travaille. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut donc qu'être écarté.

20. La circonstance que la décision du 10 février 2022 fixant le pays de la reconduite de M. B... ait été annulée par un jugement du 5 mai 2022 n'est pas, en quatrième lieu, de nature à entacher la décision du 25 avril 2022 d'une méconnaissance de l'autorité de la chose jugée.

21. En cinquième lieu, pour soutenir que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle, M. B... produit la carte mobilité inclusion de son père ainsi qu'un certificat médical qui se borne à relever qu'il nécessite un suivi médical accru et régulier, des conditions d'hygiène strictes et un accompagnement, ainsi que la carte de séjour temporaire de sa compagne dont aucune pièce n'établit qu'ils partageraient une communauté de vie, étant précisé que s'il a, lors du recueil préalable de ses observations, déclaré que sa compagne réside en Italie et qu'il veut être éloigné à destination de ce pays, les autorités italiennes ont refusé sa réadmission et les autorités pakistanaises l'ont reconnu comme un de leurs ressortissants et ont délivré un sauf-conduit. Ces seuls éléments ne sont pas de nature à entacher la décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

22. En sixième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté faute pour M. B... de faire état de risques en cas de retour dans son pays d'origine ou dans tout pays vers lequel il peut être éloigné.

23. Les moyens tirés de l'erreur de droit et du défaut de base légale ne sont, en dernier lieu, pas assortis de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.

24. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 25 avril 2022 par lequel le préfet du Val-d'Oise a fixé le pays de reconduite de la décision d'éloignement dont il fait l'objet.

D E C I D E :

Article 1er : La requête n° 22PA02045 du préfet du Val-d'Oise est rejetée.

Article 2 : Le jugement n° 2204179 du 5 mai 2022 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Melun tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 avril 2022 en tant qu'il fixe le pays de destination de la mesure d'éloignement est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. A... B....

Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.

Délibéré après l'audience du 16 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président-assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 juin 2024.

Le rapporteur,

J-F. GOBEILLLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°s 22PA02045, 22PA02417


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02045
Date de la décision : 13/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-13;22pa02045 ?
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