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11/06/2024 | FRANCE | N°24PA00299

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 3ème chambre, 11 juin 2024, 24PA00299


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile de construction vente (SCCV) Horizon Valor a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel la maire de Paris a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la construction d'un bâtiment à R+7 sur trois niveaux de sous-sol à destination d'habitation et d'artisanat au 152 rue Blomet, à Paris.



Par un jugement n° 22101674/4-1 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a, d'une

part, annulé l'arrêté du 15 mars 2022 et, d'autre part, enjoint à la maire de Paris de délivrer l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile de construction vente (SCCV) Horizon Valor a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 15 mars 2022 par lequel la maire de Paris a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la construction d'un bâtiment à R+7 sur trois niveaux de sous-sol à destination d'habitation et d'artisanat au 152 rue Blomet, à Paris.

Par un jugement n° 22101674/4-1 du 30 novembre 2023, le tribunal administratif de Paris a, d'une part, annulé l'arrêté du 15 mars 2022 et, d'autre part, enjoint à la maire de Paris de délivrer le permis de construire litigieux dans un délai de deux mois.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2024, sous le n° 24PA00299, la Ville de Paris, représentée par la SCP Foussard-Froger, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 22101674/4-1 du 30 novembre 2023 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société SCCV Horizon Valor devant le tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement méconnaît les dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative dès lors que ne comporte pas la signature du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier ;

- le jugement ne pouvait, sans être entaché d'erreur d'appréciation, juger que le projet de construction ne contrevenait pas aux dispositions de l'article UG 7.1 du règlement du plan local d'urbanisme, alors que ce projet, d'une part, sera à l'origine d'une obstruction significative de la lumière et d'une atteinte aux conditions d'éclairage de l'immeuble du 171 rue de la Convention et, d'autre part, portera gravement atteinte à l'aspect du paysage urbain en supprimant un espace vert.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2024, la SCCV Horizon Valor, représentée par Me Estellon demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) de fixer à la somme de 500 euros par jour de retard le montant de l'astreinte à prononcer à l'encontre de la Ville de Paris à compter de l'expiration du délai de deux mois courant à compter de la notification du jugement du tribunal, à défaut d'exécution de celui-ci ;

3°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la Ville de Paris ne sont pas fondés.

II. Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2024, sous le n° 24PA00311, la Ville de Paris demande à la Cour :

1°) d'ordonner qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n°22101674 du tribunal administratif de Paris.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés dans la requête d'appel sont sérieux et de nature à justifier l'annulation du jugement et le rejet de la demande de première instance, conformément aux dispositions de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, dès lors que le projet en litige, d'une part, sera à l'origine d'une obstruction significative de la lumière et d'une atteinte aux conditions d'éclairage de l'immeuble du 171 rue de la Convention et, d'autre part, portera gravement atteinte à l'aspect du paysage urbain en supprimant un espace vert ;

- l'exécution du jugement risquerait d'entrainer des conséquences difficilement réparables.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2024, la SCCV Horizon Valor, représentée par Me Estellon demande à la Cour :

1°) de rejeter cette requête à fins de sursis à exécution ;

2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la Ville de Paris ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Degardin, rapporteure publique,

- les observations de Me Morrane, représentant la Ville de Paris,

- et les observations de Me Estellon, représentant de la SCCV Horizon Valor.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 15 mars 2022, la maire de Paris a opposé un refus à la demande de permis de construire déposée par la SCCV Horizon Valor en vue de la réalisation d'un bâtiment à R+7 sur trois niveaux de sous-sol à destination d'habitation et d'artisanat au 152 rue Blomet, à Paris (75015). La SCCV Horizon Valor a alors saisi le tribunal administratif de Paris d'un recours tendant à l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 30 novembre 2023, le tribunal a fait droit à sa demande et a enjoint à la maire de Paris de délivrer le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois. Par deux requêtes enregistrées respectivement sous les n° 24PA00299 et 24PA00311, la Ville de Paris relève dès lors appel de ce jugement et sollicite qu'il soit sursis à son exécution.

2. Les requêtes enregistrées sous les n° 24PA00299 et 24PA00311 présentent à juger une même question et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu d'y statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

4. Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; dès lors, l'absence de ces signatures sur l'ampliation adressée à la Ville de Paris par le tribunal administratif est sans incidence sur la régularité du jugement.

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article UG.7.1 du règlement du plan local d'urbanisme de la Ville de Paris : " Nonobstant les dispositions du présent article UG.7 et de l'article UG.10.3, l'implantation d'une construction en limite séparative peut être refusée si elle a pour effet de porter gravement atteinte aux conditions d'éclairement d'un immeuble voisin ou à l'aspect du paysage urbain, et notamment à l'insertion de la construction dans le bâti environnant. ".

S'agissant de l'atteinte grave à l'aspect du paysage urbain :

6. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à l'aspect du paysage urbain au sens de l'article UG.7.1 du règlement du plan local d'urbanisme de Paris, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du paysage urbain au sein duquel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur ce paysage.

7. La Ville de Paris soutient que le projet serait de nature à modifier profondément le paysage urbain, en faisant disparaître un espace vert constituant une respiration libre de construction dans un quartier particulièrement dense. Toutefois il ressort des pièces du dossier que la parcelle devant servir de terrain d'assiette au projet se situe à proximité immédiate, à l'ouest, d'un jardin bien entretenu grâce auquel la réalisation de la construction projetée ne priverait pas le paysage avoisinant de toute verdure. De plus ce terrain a le caractère d'une friche bordée d'une haie basse non entretenue et d'une grille, et ne présente pas d'intérêt paysager particulier, pas plus d'ailleurs que les constructions avoisinantes. Enfin, compte tenu de la densité déjà importante de constructions alentours la construction en litige n'entrainerait pas une modification substantielle du paysage urbain. Par suite, la construction projetée ne porterait pas, au sens et pour l'application de l'article UG.7.1 du règlement du plan local d'urbanisme, une atteinte grave à l'aspect du paysage urbain. Dès lors, le tribunal a, à juste titre, jugé que ce motif de l'arrêté attaqué était entaché d'erreur d'appréciation.

S'agissant de l'atteinte grave aux conditions d'éclairement d'un immeuble voisin :

8. Au sens des dispositions précitées de l'article UG.7.1 du plan local d'urbanisme, l'atteinte grave aux conditions d'éclairement suppose une obstruction significative de la lumière, qui ne saurait se réduire à une simple perte d'ensoleillement. De plus lorsqu'un habitant d'un immeuble voisin du terrain d'assiette du projet en litige entend invoquer l'existence d'une telle obstruction de lumière en raison de la perte totale d'éclairement d'une pièce de son logement, la gravité de l'atteinte doit s'apprécier en prenant en compte les caractéristiques propres de cette pièce, notamment sa destination, ainsi que son rôle dans le niveau d'éclairement d'ensemble du ou des appartements concernés. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, d'une part l'obstruction alléguée ne résulte pas de la perte totale d'éclairement d'une pièce d'un ou plusieurs logements mais de la perte significative d'éclairement, dans tous les appartements de l'immeuble du 171 rue de la Convention, de l'ensemble des pièces de ces appartements ouvrant sur la façade nord et donnant sur la cour. D'autre part cette obstruction significative de lumière n'est pas invoquée par un habitant d'un appartement de cet immeuble mais par la Ville, auteur de la décision attaquée, à qui il n'appartient pas de décrire la destination de chacune des pièces donnant sur cette façade nord dans l'ensemble des appartements de l'immeuble en cause qui est un immeuble privé ne lui appartenant pas, pas plus qu'à établir le rôle de ces pièces pour l'éclairement desdits appartements, mais seulement de mettre le juge à même d'apprécier l'existence d'une éventuelle obstruction significative de lumière sur cet immeuble.

9. Or il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans et photographies produits, que la construction projetée, de niveau R+7, alors même qu'elle serait séparée de la façade nord de l'immeuble du 171 rue de la Convention par une cour et conserverait ainsi un prospect d'environ 6 mètres par rapport à cette façade, aurait pour effet d'obstruer très significativement la lumière dont bénéficie celle-ci, déjà limitée par son exposition au nord et par son implantation très en retrait par rapport à l'aile en retour d'équerre de l'immeuble donnant sur la rue Blomet d'un côté et par rapport à l'immeuble voisin de l'autre. La construction envisagée créerait donc un effet d'enfermement de la façade nord de l'immeuble du 171 rue de la Convention, sur laquelle les photographies produites font apparaitre la présence de petites ouvertures mais aussi de larges baies dont la fonction d'éclairement serait gravement compromise. Enfin, s'il est fait état de ce que la façade nord de l'immeuble projeté ne comporterait qu'un niveau sur une échancrure d'une largeur de deux mètres, il n'en ressort pas qu'une telle échancrure permettrait d'éviter cette obstruction à l'éclairement de l'immeuble du 171 rue de la Convention, alors d'une part que cette façade nord du projet ne donnera pas sur ledit immeuble, et, d'autre part, qu'aucune étude d'ensoleillement ne figure au dossier de demande de permis de construire ni n'a été produite en cours d'instance. Il s'ensuit que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la Ville de Paris a pu sans erreur d'appréciation se fonder sur l'existence d'une atteinte grave aux conditions d'éclairement, au sens de l'article UG.7.1 précité du règlement du plan local d'urbanisme, de l'immeuble situé au 171 rue de la Convention, pour ce qui concerne sa façade nord, pour refuser le permis de construire sollicité, et qu'elle aurait pu légalement prendre la même décision si elle ne s'était fondée que sur ce seul motif.

10. Il résulte de ce qui précède que la Ville de Paris est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du

15 mars 2022. Elle est par suite fondée à demander l'annulation dudit jugement et le rejet de la demande de première instance de la SCCV Horizon Valor.

Sur les conclusions à fins de fixation d'une astreinte présentées par la SCCV Horizon Valor :

11. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris, y compris ses conclusions à fins d'injonction à la Ville de Paris, et de rejeter la demande de la SCCV Horizon Valor ; par suite les conclusions de cette société tendant à ce que la Cour assortisse l'injonction prononcée par les premiers juges d'une astreinte de 500 euros par jour de retard ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :

12. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n° 22101674/4-1 du tribunal administratif de Paris du 30 novembre 2023, les conclusions de la requête n° 24PA00311 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L761-1 du code de justice administrative présentées dans les deux instances :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, les sommes que demande la SCCV Horizon Valor au titre des frais liés à ces instances et exposés par elle.

14. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCCV Horizon Valor le paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais liés à l'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fins de sursis à exécution de la requête n° 24PA00311 de la Ville de Paris.

Article 2 : Le jugement n° 22101674 du tribunal administratif de Paris du 30 novembre 2023 est annulé.

Article 3 : La demande de la SCCV Horizon Valor présentée devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.

Article 4 : La SCCV Horizon Valor versera à la Ville de Paris une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la Ville de Paris et à SCCV Horizon Valor.

Copie en sera adressée au préfet de la région Île-de-France, préfet de Paris.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,

- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

La rapporteure,

M-I. B...Le président,

I. LUBENLa greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

Nos 24PA00299, 24PA00311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00299
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Marie-Isabelle LABETOULLE
Rapporteur public ?: Mme DÉGARDIN
Avocat(s) : ESTELLON

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;24pa00299 ?
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