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11/06/2024 | FRANCE | N°23PA01489

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 6ème chambre, 11 juin 2024, 23PA01489


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société La Piscine a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 juillet 2021 par laquelle le préfet de police a refusé la translation de la licence de débit de boissons de 4ème catégorie, précédemment exploitée au 128-162, avenue de France à Paris (75013), au 33, rue Boinod à Paris (75018).



Par un jugement n° 2118723 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.



Proc

dure devant la Cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 avril 2023 et 3 janvier 2024, la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société La Piscine a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler la décision du 5 juillet 2021 par laquelle le préfet de police a refusé la translation de la licence de débit de boissons de 4ème catégorie, précédemment exploitée au 128-162, avenue de France à Paris (75013), au 33, rue Boinod à Paris (75018).

Par un jugement n° 2118723 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 avril 2023 et 3 janvier 2024, la société La Piscine, représentée par Me Bouboutou, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un récépissé de déclaration de translation de licence IV au profit de l'établissement qu'elle gère dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard, ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans le délai d'un mois à compter de cette notification, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le mémoire en défense enregistré le 1er décembre 2023, qui ne comporte aucune signature, ni indication de son auteur dont il n'est pas justifié qu'il bénéficiait d'une délégation de compétence ou de signature, est irrecevable ;

- la décision attaquée est illégale car fondée sur les dispositions de l'arrêté préfectoral du 29 avril 1972, qui sont entachées d'illégalité dès lors que cet arrêté, en prescrivant qu'aucun débit de boissons à consommer sur place des 3ème et 4ème catégories ne pourra être établi à moins de 75 mètres de débits des mêmes catégories déjà existants, porte une atteinte disproportionnée au principe constitutionnel de la liberté d'entreprendre, au principe de la liberté du commerce et de l'industrie et au droit de propriété, eu égard à son caractère général et non justifié au regard de l'objectif poursuivi ;

- elle méconnaît les droits acquis attachés au fonds de commerce sis 33, rue Boinod à Paris, en méconnaissance des dispositions des articles L. 3335-1 et R. 3335-15 du code de la santé publique.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société la Piscine ne sont pas fondés.

Par un courrier du 3 mai 2024, une mesure d'instruction a été diligentée par la Cour.

Par un mémoire, enregistré le 7 mai 2023, le préfet de police a répondu à cette mesure.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté no 72-16276 du 29 avril 1972 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pagès, rapporteur,

- les conclusions de Mme Naudin, rapporteur publique,

- et les observations de Me Leplat, substituant Me Bouboutou, avocat de la société La Piscine.

Une note en délibéré, présentée pour la société La Piscine, a été enregistrée le 3 juin 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La société La Piscine a sollicité la translation d'une licence de débit de boissons de 4ème catégorie, précédemment exploitée au 128-162, avenue de France à Paris (75013), pour l'exploiter au 33, rue Boinod à Paris (75018). Par une décision du 5 juillet 2021, le préfet de police a refusé ce transfert au motif que le lieu d'exploitation envisagé de cette licence se situait à 20 mètres d'un établissement titulaire d'une licence de 4ème catégorie. La société La Piscine fait appel du jugement du 7 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

Sur la recevabilité du mémoire en défense du préfet de police :

2. La société La Piscine soutient que le mémoire en défense du préfet de police, enregistré le 1er décembre 2023, doit être écarté des débats dès lors qu'il n'est pas signé, qu'il n'indique pas le nom de son auteur et qu'il n'est pas justifié d'une délégation de compétence ou de signature. Toutefois, il ressort des éléments fournis par le préfet de police, à la suite d'une mesure d'instruction diligentée par la Cour, que ce mémoire a été signé par M. B... D..., adjoint au chef du service des affaires juridiques du contentieux, qui bénéficiait d'une délégation de signature à cet effet, consentie par un arrêté n° 2023-00584 du 22 mai 2023 du préfet de police, publié le 26 mai 2023 au recueil des actes administratif spécial. Dès lors, la fin de non-recevoir opposée par la société requérante ne saurait être accueillie.

Sur la légalité de la décision attaquée :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté n° 72-16275 du 29 avril 1972 du préfet de police, pris sur le fondement des dispositions de l'article R. 2-12 du code des débits de boissons alors applicable et devenues l'article R. 3335-15 du code de la santé publique : " Dans la ville de Paris aucun débit de boissons à consommer sur place des deuxième, troisième et quatrième catégories ne pourra être établi à moins de 75 mètres de débits des mêmes catégories existants ".

4. En excipant de l'illégalité de l'arrêté du 29 avril 1972, la société " La Piscine ", qui ne conteste pas le motif de la décision contestée, rappelé au point 1, soutient que cet arrêté, en prescrivant qu'aucun débit de boissons à consommer sur place de la 4ème catégorie ne pourra être établi à moins de 75 mètres de débits de même catégorie déjà existants, porte une atteinte disproportionnée au principe de la liberté d'entreprendre, au principe de la liberté du commerce et de l'industrie et au droit de propriété, eu égard à son caractère général, sans distinction en fonction des quartiers, et à l'ampleur d'une telle distance, qui n'est pas justifiée au regard de l'objectif poursuivi, et alors qu'il n'est pas établi que la limitation du nombre des débits de boissons dans un périmètre donné participerait de la lutte contre l'alcoolisme. Toutefois, il ne saurait être sérieusement contesté qu'en instituant cette distance de 75 mètres entre des débits de boissons de la même catégorie dans le but de limiter leur concentration au sein d'une même zone, du fait du constat de la concentration excessive de débits de boissons dans certains quartiers de la ville de Paris, la multiplicité de cette offre constituant une incitation à la consommation d'alcool, cette réglementation, qui poursuit, ce faisant, l'objectif de lutte contre l'alcoolisme et de protection de la santé publique, serait inadaptée à un tel objectif. D'autre part, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'en instituant cette distance minimale de 75 mètres entre les débits de boissons à consommer sur place de 4ème catégorie sur le territoire de la ville de Paris, la réglementation en cause, qui ne prévoit aucune interdiction générale, ni absolue, qui réserve les droits acquis et ne fait notamment pas obstacle, pour les restaurants, à l'exploitation d'une licence permettant de vendre de l'alcool en accompagnement des repas, ne revêtirait pas, eu égard en particulier à la densité de population de la capitale, un caractère nécessaire et proportionné au regard de l'objectif de santé publique poursuivi. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du préfet de police du 29 avril 1972 porterait une atteinte disproportionnée au principe de la liberté d'entreprendre, au principe de la liberté du commerce et de l'industrie ou au droit de propriété.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 3335-1 du code de la santé publique : " Le représentant de l'Etat dans le département arrête, sans préjudice des droits acquis, après information des maires des communes concernées, les distances en-deçà desquelles les débits de boissons à consommer sur place ne peuvent être établis autour des établissements suivants, dont l'énumération est limitative : / 1° Etablissements de santé, centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie et centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues ; / 2° Etablissements d'enseignement, de formation, d'hébergement collectif ou de loisirs de la jeunesse ; 3° Stades, piscines, terrains de sport publics ou privés (...). " Aux termes de l'article R. 3335-15 du même code, alors applicable : " Le préfet peut déterminer par arrêté, dans certaines communes et sans préjudice des droits acquis, les distances en deçà desquelles des débits de boissons à consommer sur place des 3e et 4e catégories ne peuvent être établis à proximité de débits des mêmes catégories déjà existants. "

6. Il ressort des pièces du dossier que M. C... A..., agissant en qualité de représentant d'une société en cours de constitution, a fait l'acquisition au mois de décembre 2020 d'un fonds de commerce, sis 33, rue Boinod à Paris (75018), d'une société, en liquidation judiciaire, à l'exception de la licence de 4ème catégorie qui y était attachée, cette licence, exclue de cet achat, ayant été cédée à une autre société. De plus, la société de M. A..., la société La Piscine, a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés au mois de décembre 2020 avec pour activité principale la " restauration traditionnelle ". Par ailleurs, la société La Piscine, qui a signé le 5 mai 2021 un contrat de location pour la jouissance d'une licence de débit de boissons à consommer sur place de 4ème catégorie auprès de la société Lynn Consulting, licence attachée au 128-162, avenue de France à Paris (75013) et anciennement exploitée par la société Corso Bibliothèque, a demandé la translation de cette licence pour l'exploiter au 33, rue Boinod à Paris (75018). Dans ces conditions, alors même que le précédent exploitant du fonds de commerce sis 33, rue Boinod à Paris (75018) bénéficiait d'une telle licence et pouvait alors, le cas échéant, se prévaloir des droits acquis attachés à l'exploitation de ce débit de boissons, un tel droit acquis ne saurait être invoqué au profit de la société " La Piscine ", qui a racheté ce fonds de commerce à l'exclusion de la licence de 4ème catégorie qui y était attachée et qui a demandé la translation d'un débit de boissons au même emplacement, ce transfert devant être regardé comme l'ouverture d'un nouveau débit de boissons. Par suite et en tout état de cause, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 5 doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société La Piscine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des frais liés à l'instance ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société La Piscine est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Piscine et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. d'Haëm, président de la formation de jugement,

- M. Pagès, premier conseiller,

- Mme d'Argenlieu, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 juin 2024.

Le rapporteur,

D. PAGESLe président,

R. d'HAËMLa greffière,

Z. SAADAOUI

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA01489


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA01489
Date de la décision : 11/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. D’HAEM
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: Mme NAUDIN
Avocat(s) : BOUBOUTOU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-11;23pa01489 ?
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