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10/06/2024 | FRANCE | N°24PA00892

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 10 juin 2024, 24PA00892


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2023 par lequel le préfet de police de Paris a décidé de son transfert aux autorités croates, d'enjoindre au préfet de police de lui remettre un dossier de demande d'asile dans le délai de vingt-quatre heures à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de

lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable pendant la durée d'examen d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2023 par lequel le préfet de police de Paris a décidé de son transfert aux autorités croates, d'enjoindre au préfet de police de lui remettre un dossier de demande d'asile dans le délai de vingt-quatre heures à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour valable pendant la durée d'examen de sa demande d'asile et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et enfin de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2325591/8 du 19 janvier 2024, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a, à l'article 1er de son jugement, admis M. A..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle, à l'article 2, annulé l'arrêté du 23 octobre 2023 par lequel le préfet de police de police de Paris a décidé du transfert de M. A... aux autorités croates, à l'article 3, enjoint au préfet de police de Paris d'enregistrer la demande d'asile de M. A... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement et, à l'article 4, mis à la charge de l'Etat le versement à Me Bechieau d'une somme de 1 000 euros au titre des frais liés à l'instance.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 22 février 2024, le préfet de police de Paris doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler les articles 2, 3 et 4 du jugement du 19 janvier 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Paris.

Il soutient que :

- c'est à tort que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a fait droit au moyen tiré de ce que sa décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif de Paris ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 avril 202, M. A... demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) de rejeter la requête du préfet de police ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le moyen soulevé par le préfet de police n'est pas fondé ;

- en tout état de cause, l'arrêté attaqué est entaché d'insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen complet et sérieux ;

- il méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- il méconnaît les articles 24 et 25 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 ;

- la directive n° 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 1er janvier 1999 à Baghlan (Afghanistan), entré en France le 2 août 2023 selon ses déclarations, a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile et a été reçu en entretien le 9 août 2023. Après avoir été informé par le ministère de l'intérieur de ce que le relevé de ses empreintes avait révélé qu'il avait déposé une demande d'asile en Croatie le 26 juillet 2023, le préfet de police de Paris a saisi les autorités croates d'une demande de reprise en charge de M. A... sur le fondement du b) du paragraphe premier de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le 4 septembre 2023. Les autorités croates ayant accepté de reprendre en charge l'intéressé, le 18 septembre 2023, le préfet de police de Paris a décidé son transfert par un arrêté du 23 octobre 2023, qui a été annulé par un jugement du 19 janvier 2024 de la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris. Le préfet de police de Paris relève régulièrement appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Pour annuler l'arrêté du préfet de police de Paris du 23 octobre 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a jugé que celui-ci était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre, par le préfet, des dispositions de l'article 17 précité du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, eu égard à la présence en France du frère de M. A..., réfugié et titulaire d'une carte de résident, qui lui apporte un soutien affectif et qui l'assiste dans ses démarches administratives.

3. D'une part, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Le considérant 17 du même règlement dispose que : " Il importe que tout État membre puisse déroger aux critères de responsabilité, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion, afin de permettre le rapprochement de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent et examiner une demande de protection internationale introduite sur son territoire ou sur le territoire d'un autre État membre, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères obligatoires fixés dans le présent règlement. ". Si la présence en France du frère réfugié d'un demandeur de protection est, par elle-même, sans influence sur la détermination, par application des critères prévus au chapitre III du règlement, de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, cette présence est, selon le cas, susceptible de constituer une circonstance justifiant qu'il soit, pour un motif humanitaire ou de compassion, dérogé aux critères de responsabilité fixés par le règlement et impose à l'autorité ainsi saisie d'envisager à tout le moins l'opportunité d'une telle dérogation.

4. D'autre part, l'administration doit procéder à un examen particulier de chacun des cas sur lesquels elle est appelée à se prononcer. La motivation de ses décisions comportant dans ses visas et ses motifs, même de manière succincte, toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles l'auteur d'une décision se fonde permet de vérifier qu'il a procédé à un examen de la situation particulière qui lui est soumise au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables.

5. Il ressort des pièces du dossier que, lors de l'entretien qui s'est tenu dans les locaux de la préfecture de police le 9 août 2023, M. B... A... a indiqué avoir un frère en situation régulière en France. Il est constant que ce dernier a obtenu le statut de réfugié. Toutefois, alors que cette circonstance particulière était au nombre de celles sur lesquelles devait porter son examen, la décision du préfet de police de Paris de saisir les autorités croates d'une demande de reprise en charge de l'intéressé et de ne pas faire usage de son pouvoir discrétionnaire ne fait aucune mention de la présence en France du frère de M. A..., ce qui ne permet pas d'établir qu'elle a été prise après un examen approfondi et complet de la situation particulière de celui-ci.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet de police de Paris n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 23 octobre 2023 portant transfert de M. A... aux autorités croates et lui a enjoint d'enregistrer la demande d'asile de M. A... et de lui délivrer une attestation de demande d'asile dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Il y a lieu d'admettre provisoirement M. A... à l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Béchieau, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat et sous réserve de l'admission définitive de son client à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Béchieau de la somme de 1 000 euros. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. A... par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros sera versée à M. A....

D É C I D E :

Article 1er : M. A... est admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : La requête du préfet de police est rejetée.

Article 3 : Sous réserve de l'admission définitive de M. A... à l'aide juridictionnelle et sous réserve que Me Béchieau renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, ce dernier versera à Me Béchieau, avocat de M. A..., une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à M. A... par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros sera versée à M.A....

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police de Paris et à Me Bechieau.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente-assesseure,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 juin 2024.

La rapporteure

C. Vrignon-VillalbaLa présidente

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 24PA00892
Date de la décision : 10/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : BECHIEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-10;24pa00892 ?
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