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10/06/2024 | FRANCE | N°23PA04872

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 10 juin 2024, 23PA04872


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 11 février 2023 par lesquels le préfet de police de Paris, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et, d'autre part, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois, ainsi que la décision de signalement aux fins de non-a

dmission dans le système d'information Schengen.



Par un jugement n° 2303271/...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler les arrêtés du 11 février 2023 par lesquels le préfet de police de Paris, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et, d'autre part, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois, ainsi que la décision de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2303271/3-2 du 12 juillet 2023, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 novembre et 12 décembre 2023, M. A... B..., représenté par Me Diango, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler les arrêtés du 11 février 2023 par lesquels le préfet de police lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai en fixant le pays de renvoi, avec interdiction de retour sur le territoire français pendant une période de deux ans ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Diango de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'erreurs de droit au regard des 2° à 4° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public et que sa présence sur le territoire français ne porte pas atteinte aux intérêts fondamentaux de l'Etat français ;

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Sur la décision fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit :

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision de signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :

- elle est privée de base légale en raison de l'illégalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.

La requête de M. A... B... a été transmise au préfet de police de Paris, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.

Par une décision du 23 octobre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. A... B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vrignon-Villalba a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... A... B..., ressortissant tunisien né le 1er octobre 1994 et entré sur le territoire au cours du mois d'avril 1995, selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour, qui lui a été refusé par arrêté du 10 avril 2018. Par un arrêté du 5 août 2021, devenu définitif, le préfet de police de Paris lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai. Par deux arrêtés du 11 février 2023, le préfet de police, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et, d'autre part, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois. M. A... B... relève appel du jugement du 12 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à demande l'annulation de ces deux arrêtés.

2. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ; (...) ". Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu protéger de l'éloignement les étrangers qui sont en France depuis l'enfance, à raison de leur âge d'entrée et d'établissement sur le territoire. Dans ce cadre, les éventuelles périodes d'incarcération en France, si elles ne peuvent être prises en compte dans le calcul d'une durée de résidence, ne sont pas de nature à remettre en cause la continuité de la résidence habituelle en France depuis au plus l'âge de treize ans, alors même qu'elles emportent, pour une partie de la période de présence sur le territoire, une obligation de résidence pour l'intéressé, ne résultant pas d'un choix délibéré de sa part.

3. M. A... B..., né en 1994, soutient qu'il est entré en France avec ses parents en 1995, et qu'il y réside habituellement depuis lors. A l'appui de ses allégations, M. A... B... produit des attestations de scolarité, pour la période allant de 1997 à 2011, dont une attestation, produite pour la première fois en appel couvrant l'année scolaire 2008-2009, montrant qu'il a redoublé sa quatrième. Il soutient sans être contesté que, suite à sa condamnation le 26 mai 2014 à quatre ans d'emprisonnement dont deux avec sursis assortis d'une mise à l'épreuve pendant trois ans, pour des faits d'extorsion par violence, menace ou contrainte de signature, promesse, secret, fonds, valeur ou bien (récidive), escroquerie (récidive), arrestation, enlèvement, séquestration ou détention arbitraire d'otage pour faciliter un crime ou un délit, suivi de libération avant sept jours, violence commise en réunion sans incapacité (récidive), ainsi que cela est mentionné dans le refus de titre de séjour qui lui a été opposé le 18 avril 2018, il a été incarcéré du 26 mai 2014 au 26 mai 2016, ce qui explique l'absence de justificatifs produits au dossier de l'instance. Dans ces conditions, et dès lors qu'aucune pièce ne révèle qu'il aurait quitté le territoire, alors même qu'il ne produit pas de justificatifs portant sur le second semestre 2017, M. A... B... justifie résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de 13 ans.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. A... B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé de faire droit à sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 11 février 2023 par lesquels le préfet de police, d'une part, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit et, d'autre part, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée de vingt-quatre mois, ainsi qu'à sa demande d'effacement, en conséquence de cette annulation, de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

5. M. A... B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Diango de la somme de 1 000 euros. Conformément aux dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, le recouvrement en tout ou partie de cette somme vaudra renonciation à percevoir, à due concurrence, la part contributive de l'Etat.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2303271/3-2 du 12 juillet 2023 du 12 juillet 2023 du tribunal administratif de Paris et les arrêtés du 11 février 2023 du préfet de police de Paris sont annulés. Cette annulation implique nécessairement que le préfet mette en œuvre la procédure d'effacement du signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Article 2 : L'Etat versera à Me Diango une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Me Diango renoncera, si elle recouvre cette somme, à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressé au préfet de police de Paris et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Paris.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente,

- Mme Vrignon-Villalba, présidente assesseure,

- Mme Jayer, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la cour le 10 juin 2023.

La rapporteure,

C. Vrignon-VillalbaLa présidente,

A. Menasseyre

Le greffier

P. Tisserand

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°23PA04872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04872
Date de la décision : 10/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Cécile VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : DIANGO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-10;23pa04872 ?
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