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10/06/2024 | FRANCE | N°23PA02762

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 10 juin 2024, 23PA02762


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 22 juin 2023 et le 15 janvier 2024, la SAS Sud A..., représentée par Me Vieux-Rochas, demande à la cour :



1°) d'annuler la décision du 29 mars 2023 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a rejeté sa candidature en vue d'exploiter un service de radio de catégorie E par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Sud A... dans les zones de Lorient et Vannes ;



2°) d'annuler la décision n° 2023-387 du 29 mars 2023 par laquelle l'ARCOM a autorisé la SARL A......

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 22 juin 2023 et le 15 janvier 2024, la SAS Sud A..., représentée par Me Vieux-Rochas, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 29 mars 2023 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a rejeté sa candidature en vue d'exploiter un service de radio de catégorie E par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Sud A... dans les zones de Lorient et Vannes ;

2°) d'annuler la décision n° 2023-387 du 29 mars 2023 par laquelle l'ARCOM a autorisé la SARL A... Nova à exploiter un service de radio de catégorie D par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé A... Nova dans les zones de Lorient et Vannes ;

3°) d'enjoindre à l'ARCOM de procéder au réexamen de sa candidature dans le délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'ARCOM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision rejetant sa candidature, dont la signature ne permet pas d'identifier l'auteur, est entachée d'incompétence et d'un vice de forme et méconnaît, dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- par voie de conséquence, elle ne permet pas de certifier que les mentions du procès-verbal de la réunion du 29 mars 2023 du collège plénier de l'ARCOM sont conformes aux débats ;

- la formation dans laquelle l'ARCOM s'est prononcée sur les demandes d'exploiter un service de radio est irrégulièrement composée ;

- en consacrant un nombre élevé de radios de catégorie D, les décisions en litige ne permettent pas une répartition équilibrée des fréquences entre chaque catégorie de services radio alors qu'une telle répartition participe au respect du pluralisme des courants d'expression socio-culturels et contribue à la satisfaction des différents intérêts du public des zones de Lorient et Vannes ;

- l'ARCOM a commis une erreur d'appréciation en autorisant l'exploitation du service A... Nova dès lors que sa programmation est en partie déjà représentée par celle de NRJ et que son audience connaît une baisse continue alors que celle de Sud A... est en augmentation ; la programmation originale de Sud A... dédiée au rugby, son choix éditorial et ses émissions variées susceptibles d'intéresser un large public auraient permis de mieux satisfaire l'intérêt du public et de garantir l'impératif prioritaire de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels dans les zones de Lorient et Vannes ; sa programmation est également originale au regard de celle de RMC qui est principalement dédiée au football et à la Formule 1 ; les programmations des radios Europe 1, RTL et Sud A... comportent de grandes similitudes et il n'est pas établi que les services Europe 1 et RTL seraient plus adaptés aux zones de Lorient et de Vannes que celui de Sud A... ; les programmations des radios autorisées à l'issue de l'appel à candidatures présentent de fortes similitudes avec celles des radios déjà autorisées en catégorie C ou D ; le contenu des programmes doit être apprécié de manière concrète lors de leur diffusion et non pas au vu des seuls dossiers de candidature ;

- l'ARCOM n'a pas respecté les impératifs prioritaires de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels et de la diversification des opérateurs dès lors qu'à l'exception de la fréquence attribuée à A... Nova, les autres fréquences ont été attribuées aux exploitants déjà autorisés à diffuser leurs programmes ; aucune disposition législative n'impose à l'ARCOM d'accorder la priorité aux radios bénéficiant déjà d'une autorisation ; la pratique systématique de l'ARCOM de privilégier les radios disposant déjà d'une autorisation fausse le jeu de la concurrence ;

- l'ARCOM a méconnu l'impératif prioritaire de diversification des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante dès lors que trois groupes se partagent de manière dominante et abusive le marché radiophonique.

Par des mémoires en défense enregistrés le 22 septembre 2023 et le 12 février 2024, l'ARCOM conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 5 octobre 2023 et le 1er février 2024, la société A... Nova, représentée par la SCP Piwnica et Molinié, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la société Sud A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- les observations de Me Aubert, représentant la société Sud A...,

- et les observations de Me Biron, représentant la société A... Nova.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n° 2021-1195 du 24 novembre 2021, publiée au Journal officiel de la République française du 2 décembre 2021, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, devenu l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) le 1er janvier 2022, a lancé un appel à candidatures pour l'exploitation de services radiophoniques par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel (CTA) de Rennes. La société Sud A... a présenté sa candidature pour la diffusion d'un service de radio de catégorie E dénommé Sud A... dans les zones de Lorient et de Vannes. Par une décision du 29 mars 2023, notifiée par un courrier du 17 mai 2023, l'ARCOM a rejeté sa candidature. Par une décision n° 2023-387 du même jour, elle a autorisé la SARL A... Nova à exploiter un service de radio de catégorie D dénommé A... Nova. La société Sud A... demande à la cour d'annuler ces deux décisions.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 32 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction applicable à la décision attaquée : " (...) Les refus d'autorisation sont motivés et sont notifiés aux candidats dans un délai d'un mois après la publication prévue à l'alinéa précédent. Lorsqu'ils s'appliquent à un service de radio diffusé par voie hertzienne terrestre, ils peuvent être motivés par référence à un rapport de synthèse explicitant les choix du conseil au regard des critères mentionnés aux articles 1er et 29 ". Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et 1'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ".

3. Lorsqu'une décision est prise par une autorité à caractère collégial, il est satisfait aux exigences découlant de ces prescriptions dès lors que la décision comporte la signature du président de cette autorité, accompagnée des mentions, en caractères lisibles, prévues par l'article L. 212-1. Il ressort des pièces du dossier que le refus d'accorder à la société requérante une autorisation d'exploiter le service Sud A... dans les zones de Lorient et de Vannes a été décidé par le collège de l'ARCOM dans sa séance plénière du 29 mars 2023 et que l'exemplaire du procès-verbal de cette séance notifié à la société requérante comporte seulement une signature illisible assortie de la mention " secrétariat du collège ". Toutefois, ce procès-verbal a été notifié à la société Sud A... par un courrier du 17 mai 2023 signé par Roch-Olivier Maistre, président de l'ARCOM, dont le prénom, le nom et la qualité étaient indiqués. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait irrégulière faute de signature identifiable doit être écarté.

4. Par ailleurs, si la société requérante allègue que les mentions du procès-verbal de la séance du collège plénier de l'ARCOM du 29 mars 2023 ne seraient pas conformes aux échanges de ce collège plénier, elle ne produit aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations.

5. En deuxième lieu, la société Sud A... n'assortit pas le moyen tiré de l'irrégularité de la composition du collège plénier de l'ARCOM qui a pris les décisions en litige de précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé.

6. En troisième lieu, l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit que l'usage des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), devenu l'ARCOM, dans les conditions prévues par cet article et qu'il publie une liste de fréquences disponibles ainsi qu'un appel à candidatures pour les zones géographiques et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées. Aux termes de ce même article, dans sa rédaction issue de la loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique : " L'autorité accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Elle tient également compte : / 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; / 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; / 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; / 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; / 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; / (...) / L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socio-culturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion. / L'autorité veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. / Elle s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale. (...) ".

7. Par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le conseil supérieur de l'audiovisuel, faisant usage de la compétence qui lui a été conférée par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, a déterminé cinq catégories de services en vue de l'appel à candidature pour l'exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre. Ces cinq catégories, rappelées par l'appel à candidatures du 17 février 2021, sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l'article 80 de la loi (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E).

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'extrait du procès-verbal du collège plénier du 29 mars 2023, que l'appel à candidatures du 2 décembre 2021 portait sur dix fréquences dans la zone de Lorient et sur douze fréquences dans la zone de Vannes, ce nombre relativement important de fréquences disponibles s'expliquant par l'arrivée à échéance de plusieurs autorisations d'exploitation de services radio, soit respectivement neuf et onze autorisations. A l'issue de l'appel à candidatures, après l'examen des vingt- neuf candidatures présentées pour la zone de Lorient, l'ARCOM a retenu les candidatures des services RCF Sud Bretagne-Lorient en catégorie A, Europe 2 Bretagne en catégorie C, M A..., NRJ, A... Nova, RTL 2 et Skyrock en catégorie D et Europe 1, RMC et RTL en catégorie E. Après l'examen des trente-cinq candidatures présentées pour la zone de Vannes, l'ARCOM a retenu les candidatures des services A... Bro Gwened et RCF Sud Bretagne-Vannes en catégorie A, Alouette en catégorie B, Europe 2 Bretagne en catégorie C, NRJ, A... Nova, RTL 2, RFM et Skyrock en catégorie D et Europe 1, RMC et RTL en catégorie E. Elle a rejeté la candidature du service Sud A... dans les zones de Lorient et de Vannes pour les mêmes motifs, c'est-à-dire que sa programmation généraliste qui contribue au traitement différencié et pluraliste de l'actualité politique et générale et qui accorde en outre une place importante au rugby, sera déjà au moins en partie représentée par les programmations d'Europe 1, RMC et RTL, candidats retenus à l'issue de l'appel à candidatures, que sa programmation complèterait ainsi d'une manière moins satisfaisante l'offre radiophonique de ces zones et répondrait dans une moindre mesure à l'intérêt du public que les services radio retenus dans les catégories A, D et E. En outre, dans cette dernière catégorie, les trois services retenus, c'est-à-dire Europe 1, RMC et RTL, sont diffusés dans les zones de Lorient et de Vannes depuis de nombreuses années et disposaient d'une audience significative et que leur disparition serait de nature à méconnaître une partie importante du public de ces zones.

S'agissant de l'intérêt du public et de l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels :

9. En premier lieu, à l'issue de l'appel à candidatures, la zone de Lorient compte trois radios en catégorie A, trois en catégorie B, une en catégorie C, douze en catégorie D et trois en catégorie E. La zone de Vannes comprend deux radios en catégorie A, trois en catégorie B, une en catégorie C, neuf en catégorie D et trois en catégorie E. S'il existe des similitudes, dans la zone de Lorient, entre les programmes musicaux des radios M A..., NRJ, RTL 2 et Skyrock, d'une part, et ceux des radios Chérie FM et RFM, services déjà autorisés dans la zone, d'autre part, relevées par le baromètre Yacast dans son étude portant sur la période de janvier à mars 2023 et comprises entre 26,2 % et 33,6 % et, dans la zone de Vannes, entre les programmes musicaux des radios NRJ, RTL 2, RFM, d'une part, et ceux des radios Chérie FM, M A..., services déjà autorisés dans la zone, d'autre part, relevées par le baromètre Yacast sur la même période et comprises entre 28,5 % et 43,8 %, il n'en résulte pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, que le nombre de radios autorisées en catégorie D soit de nature à porter atteinte au pluralisme des courants d'expression socio-culturels. En outre, eu égard au nombre de services radio dans chacune des différentes catégories, l'ARCOM n'a pas méconnu l'exigence de juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part.

10. En second lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du dossier de candidature de Sud A..., que ce service propose une programmation généraliste essentiellement parlée et centrée sur l'information générale, sociale, politique et sportive. Ses programmes quotidiens comportent ainsi au moins huit heures d'informations et d'émissions à contenu éditorial auxquelles s'ajoutent des émissions de divertissement et des émissions interactives avec les auditeurs. En outre, sa programmation accorde une place particulière au rugby en couvrant tant les compétitions prestigieuses que les championnats moins exposés médiatiquement par une équipe de journalistes et de consultants spécialisés.

11. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier que le service Europe 1 propose une programmation généraliste parlée à hauteur de 80 % et centrée sur l'information générale et sportive présentée sous forme de journaux, flashs ou émissions. Elle est complétée par des émissions de divertissements et des émissions culturelles et musicales. Par ailleurs, le service RTL propose également un service généraliste multi-thématique parlé à hauteur d'environ 84,5 %, destiné " au plus grand nombre d'auditeurs " et offrant un ensemble varié de genres de programmes, notamment d'information politique, internationale, économique, sociétale et sportive, à hauteur de dix heures par jour en moyenne, des émissions ou des magazines de culture, loisirs, conseils et services ainsi que des émissions de divertissement. Le service RMC diffuse également une programmation généraliste qui est exclusivement parlée. Elle est axée sur l'information politique et sociétale, offrant à ses auditeurs onze heures trente d'information chaque jour avec de nombreux journaux, flashs, émissions d'actualité et de société, mais également sur le sport auquel sont consacrées huit heures en direct chaque jour et vingt- huit heures le week-end. Ces services, comme celui de Sud A..., proposent ainsi des programmes généralistes, accordant une large place à l'information ainsi qu'au divertissement s'agissant d'Europe 1 et RTL, et au sport en ce qui concerne RMC, dont le programme " orienté sport " couvre non seulement le football et la Formule 1, comme le relève la société requérante, mais également le rugby. Ces quatre services radio sont destinés en grande partie à un même public d'auditeurs et, dans ces conditions, le critère du public visé mis en avant par le service Sud A..., qui s'adresse majoritairement aux auditeurs âgés de 25 à 64 ans, ne peut être regardé comme déterminant. La société requérante soutient que le programme Sud A... est original dans la mesure où il fait une large place aux territoires qu'il couvre. Toutefois, cet élément ne permet pas d'apprécier les différentes offres en catégorie E, catégorie qui correspond aux services généralistes à vocation nationale et qui ne proposent donc pas de programme d'intérêt local. En outre, la circonstance que le service Sud A... est déjà diffusé en DAB +, notamment en Bretagne et en particulier dans les zones en cause, où il bénéficierait d'une audience importante et en progression est sans incidence sur l'appréciation des candidatures présentées dès lors que le système de diffusion numérique est différent de celui utilisant la modulation de fréquence. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'avant l'appel à candidatures, les services radio Europe 1, RTL et RMC disposaient d'autorisations dans les zones de Lorient et de Vannes et bénéficiaient d'audiences importantes. La disparition de ces services aurait méconnu l'intérêt du public de ces zones et dans ces conditions, l'ARCOM n'a pas de manière systématique comme le soutient la société requérante, privilégié les candidatures des services déjà diffusés mais a procédé à l'examen des offres au regard de l'intérêt du public. Enfin, la société requérante ne peut utilement soutenir que l'ARCOM doit porter son appréciation sur le contenu des programmes lors de leur diffusion et non au vu des seuls dossiers de candidatures alors que l'appel à candidatures a justement pour objet d'attribuer des fréquences à des services radio dont les programmes ne sont pas autorisés dans la zone en cause. Au vu de l'ensemble de ces éléments, l'ARCOM n'a pas commis d'erreur de droit, ni d'erreur d'appréciation des offres pour l'intérêt du public des zones de Lorient et de Vannes en retenant les candidatures des services Europe 1, RTL et RMC et en rejetant celle de Sud A....

12. Ensuite, la société requérante soutient que la programmation originale de Sud A... aurait permis de mieux satisfaire l'intérêt du public et de garantir l'impératif prioritaire de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels dans les zones de Lorient et de Vannes que celle de A... Nova qui est en partie déjà représentée par celle de NRJ. Il ressort des pièces du dossier que si les radios Nova et NRJ diffusent majoritairement les mêmes genres musicaux consistant en de la dance-électro, groove-rap, pop-rock et qu'elles accordent toutes deux une large place aux nouveautés, la programmation de A... Nova se distingue de celle de NRJ par l'importance donnée à la découverte musicale passée ou actuelle qui correspond, selon son dossier de candidature, à plus de 1 200 titres par semaine avec près de 2/3 de productions indépendantes. Selon les résultats du baromètre Yacast pour les mois de janvier à mars 2023, le " taux d'exclusivité " des titres musicaux diffusés sur A... Nova est de plus de 60 % contre seulement 5% pour NRJ. En outre, il ressort des résultats du baromètre Yacast que pour les mois de septembre et octobre 2022 d'une part, et pour les mois de janvier à mars 2023 d'autre part, la proportion de titres en commun diffusés par A... Nova et NRJ est seulement de 0,4 %. Par ailleurs, les programmations parlées de ces deux services radios sont également très différentes. A... Nova propose des informations d'une durée totale d'une heure et demie à trois heures par jour, dont le contenu est intégralement produit par son équipe de journalistes, alors que NRJ propose surtout des émissions de libre-antenne et de divertissement, son temps d'antenne consacré à l'information étant seulement de 21minutes et demie. Dans ces conditions, et même si le public visé par ces services radio relève de la même tranche d'âge (jeune adultes et adultes), l'ARCOM n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que A... Nova, par sa programmation originale, et NRJ, en répondant aux attentes d'un public plus large, étaient toutes les deux susceptibles de répondre à l'intérêt du public des zones de Lorient et de Vannes et de compléter utilement les offres de services radio.

13. Enfin, la société requérante ne peut utilement soutenir que le temps d'antenne dédié à l'information du service Sud A..., en catégorie E, est nettement supérieur à celui proposé par NRJ et A... Nova, en catégorie D, dès lors que les radios en catégorie E regroupent justement les radios à vocation nationale et à programmation généraliste alors que les radios en catégorie D correspondent aux radios thématiques à vocation nationale, généralement musicales, et que cet élément d'appréciation n'a pas été retenu par l'ARCOM pour écarter sa candidature. En outre, à supposer même que l'audience nationale de A... Nova serait en baisse alors que celle de Sud A... serait en hausse, cette circonstance est sans incidence sur l'appréciation portée par l'ARCOM sur l'intérêt du public des zones de Lorient et de Vannes.

S'agissant de l'impératif prioritaire de diversification des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante :

14. La société requérante soutient que l'ARCOM a méconnu l'impératif prioritaire de diversification des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante, eu égard au fait que les groupes Lagardère Active Broadcast, M6 et NRJ bénéficient de plus de fréquences que les autres opérateurs. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ces groupes détiennent respectivement seulement 16,7 %, 11, 1 % et 16,7 % du total des autorisations délivrées aux opérateurs privés dans la zone de Vannes et seulement 13,6 % chacun dans la zone de Lorient. En outre, les autorisations détenues par les services radio n'appartenant à aucun groupe représentent 22,2 % du total des autorisations détenues par les opérateurs privés dans la zone de Vannes et 22,7 % dans la zone de Lorient. Dans ces conditions, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'ARCOM n'aurait pas respecté l'impératif prioritaire de diversification des opérateurs. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu du plus grand intérêt que le projet de Europe 1, qui appartient au groupe Lagardère Active Broadcast, et celui de RTL, qui appartient au groupe de M6, présentaient pour le public, que l'ARCOM ait fait une inexacte application des critères d'octroi des autorisations prévus à l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sud A... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions du 29 mars 2023 par lesquelles l'ARCOM a rejeté sa candidature en vue d'exploiter le service de radio Sud A... et autorisé le service A... Nova dans les zones de Lorient et de Vannes.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

16. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Sud A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ARCOM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Sud A... demande au titre des frais liés à l'instance. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Sud A... le versement à la société A... Nova la somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Sud A... est rejetée.

Article 2 : La société Sud A... versera à la société A... Nova la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sud A..., à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et à la société A... Nova.

Délibéré après l'audience du 29 avril 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vrignon-Villalba, présidente de la formation de jugement, en application de l'article R. 222-6 du code de justice administrative,

- Mme Collet, première conseillère,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2024.

La rapporteure,

V. Larsonnier La présidente,

C. Vrignon-Villalba

Le greffier

P. Tisserand

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA02762 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA02762
Date de la décision : 10/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VRIGNON-VILLALBA
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : VIEUX-ROCHAS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-10;23pa02762 ?
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