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10/06/2024 | FRANCE | N°23PA00643

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 10 juin 2024, 23PA00643


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Nouvelle Vague a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la régie autonome des transports parisiens (RATP) et le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) à lui verser la somme de 295 368,84 euros augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des incidents nés des travaux de prolongement de la ligne 14 du métropolitain parisien.



Par un j

ugement n° 1924677/5-4 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Nouvelle Vague a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner la régie autonome des transports parisiens (RATP) et le syndicat des transports d'Île-de-France (STIF) à lui verser la somme de 295 368,84 euros augmentée des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des incidents nés des travaux de prolongement de la ligne 14 du métropolitain parisien.

Par un jugement n° 1924677/5-4 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 16 février 2023, 3 janvier, 4 et 27 mars 2024, l'association Nouvelle Vague, représentée par Me Sultan, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1924677/5-4 du 16 décembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;

2°) de condamner la RATP et le STIF à lui verser la somme de 324 438,37 euros à titre de dommages-intérêts, assortie des intérêts au taux légal et de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge de la RATP et du STIF la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté sa demande comme irrecevable, faute de qualité pour agir de son représentant ; sa demande de première instance est en tout état de cause régularisée en cause d'appel ;

- le jugement est également irrégulier, faute pour les premiers juges de l'avoir invitée à régulariser sa requête, conformément à l'article R. 612-1 du code de justice administrative, la fin de non-recevoir opposée en défense ne lui étant pas opposable ;

- elle justifie d'un intérêt à agir dès lors qu'elle bénéfice d'une autorisation d'occupation du bassin affecté par les incidents nés des travaux litigieux ;

- la responsabilité sans faute à son égard de la RATP et du STIF est engagée, en sa qualité de tiers aux travaux ; à défaut, elle l'est sur le fondement de la responsabilité pour faute ;

- ses préjudices patrimoniaux doivent être indemnisés comme suit :

* au titre de pertes financières : 116 801,98 euros,

* au titre de pertes de gains pour les années 2017/2018 et 2018/2019 : respectivement, 98 468 et 98 468,39 euros,

* au titre des frais de procédure devant le conseil des prud'hommes et la cour d'appel de Paris : 11 100 euros ;

- son préjudice extrapatrimonial, correspondant à des troubles, s'élève par ailleurs à la somme de 50 000 euros.

Par des mémoires en défense enregistrés les 31 juillet 2023, 19 février et 21 mars 2024, la régie autonome des transports parisiens (RATP), représentée par Me Grange, conclut au rejet de la requête et, à défaut, à la condamnation de la SASU Eiffage génie civil et de la SAS Razel Bec à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre et à ce que soit mise à la charge de l'association Nouvelle Vague la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 12 octobre 2023, la SAS Razel Bec et la SASU Eiffage génie civil concluent au rejet de la requête.

Par ordonnance du 25 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée 12 avril 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi du 1er juillet 1901 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Jayer,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Grange représentant la RATP.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Nouvelle Vague, dont l'objet est la promotion et l'organisation d'activités dans les domaines de l'éducation, des loisirs et de la santé, dispense des cours de natation au sein du centre sportif Léon-Biancotto, situé 6 avenue de la Porte-de-Clichy dans le 17ème arrondissement de Paris. A la suite de travaux de prolongement de la ligne 14 du métropolitain parisien, différents incidents ont affecté l'intégrité du centre et ont conduit à sa fermeture ainsi qu'à l'interdiction de son usage. Par un courrier du 17 juillet 2017, l'association a adressé à la régie autonome des transports parisiens (RATP) et au syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), devenu depuis lors Ile-de-France mobilités, une demande préalable tendant à l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de désordres consécutifs à ces travaux. Une décision implicite de refus est née du silence gardé par la RATP et le STIF. L'association Nouvelle Vague relève appel du jugement du 16 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis, comme irrecevable.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 : " Toute association régulièrement déclarée peut, sans aucune autorisation spéciale, ester en justice (...) ". Ces dispositions ne dispensent toutefois pas la personne qui entend former une action devant le juge administratif au nom d'une association de se faire habiliter par les organes propres compétents de celle-ci.

3. En l'absence dans les statuts d'une association, de stipulation réservant expressément à un autre organe la capacité de décider de former une action devant le juge administratif, celle-ci est régulièrement engagée par l'organe tenant des mêmes statuts le pouvoir de la représenter en justice. En l'absence, dans les statuts, de toute stipulation confiant à l'un de ses organes dirigeants le pouvoir d'agir en justice en son nom, seule une délibération de son assemblée générale peut autoriser, notamment, son président à agir en justice. Il revient ainsi à la juridiction saisie de vérifier que le représentant de la personne morale justifie de sa qualité pour agir en son nom. Une telle vérification est réalisée lorsque cette qualité est contestée sérieusement par une partie adverse ou lorsqu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. Contrairement à ce que soutient l'association requérante, la vérification par le juge, en présence d'une contestation sérieuse, de l'habilitation, par les organes propres compétents de l'association, de la personne qui entend la représenter en justice ne procède pas d'un formalisme excessif contrevenant aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Enfin, il résulte des articles R. 612-1, R. 611-1 et R. 611-3 du code de justice administrative qu'il appartient au juge administratif d'inviter l'auteur d'une requête entachée d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte en cours d'instance à la régulariser. La communication au requérant par lettre simple d'un mémoire en défense soulevant une fin de non-recevoir ne saurait, en principe, dispenser le juge administratif de respecter l'obligation ainsi prévue, à moins qu'il ne soit établi par ailleurs que le mémoire en défense a bien été reçu par l'intéressé.

5. Au cas d'espèce, il résulte de l'instruction que, devant le tribunal, la Sas Razel bec et la Sasu Eiffage génie civil ont opposé à la demande de l'association Nouvelle Vague une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir de son président par leur mémoire en défense du 15 novembre 2021. Ce mémoire a été régulièrement communiqué à l'association, mis à sa disposition dans l'application Télérecours le 15 novembre 2021, de sorte que l'association, qui a d'ailleurs répliqué à la fin de non-recevoir opposée, est réputée, en application de l'article R. 611-8-6 du code de justice administrative, l'avoir reçu dans les deux jours ouvrés suivants. En réponse, elle s'est toutefois bornée à produire ses statuts. Il résulte de l'examen de ces derniers tels qu'établis à la date du 5 juillet 2022, que le pouvoir de décider de former une action au nom de l'association et de la représenter en justice n'est réservé à aucun organe nommément désigné. Dès lors, c'est à bon droit que le tribunal a estimé que son président ou sa présidente n'avait pas qualité pour présenter, en son nom, la demande de première instance, faute d'y avoir été régulièrement autorisé par une délibération de l'assemblée générale.

6. Si l'association requérante se prévaut de la consultation préalable à l'introduction de l'instance de son bureau, en tout état de cause, elle ne l'établit pas. Par ailleurs, si elle produit désormais des pièces établissant, selon elle, la qualité pour agir de sa présidente, à savoir un règlement intérieur non daté ainsi que deux procès-verbaux de délibération de son assemblée générale du 28 décembre 2023, dont l'une porte création d'un article 17 des statuts désignant définitivement son président comme titulaire du pouvoir de la représenter en justice, de telles délibérations, adoptées postérieurement au jugement attaqué et produites pour la première fois en appel, ne sauraient, rétrospectivement, régulariser la procédure initiée devant le tribunal administratif.

7. Enfin, dès lors que, ainsi qu'il a été indiqué au point 4, il est établi que le mémoire en défense opposant aux prétentions de l'association le défaut de qualité pour agir de son président a été régulièrement communiqué et reçu par cette dernière, l'association Nouvelle Vague n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière faute pour le tribunal de l'avoir invitée à régulariser sa saisine sur ce point.

8. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la requête d'appel, que l'association Nouvelle Vague n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande comme irrecevable.

Sur les frais d'instance :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la RATP et du STIF, qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par l'association Nouvelle Vague et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière la somme que demande la RATP sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'association Nouvelle Vague est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la régie autonome des transports parisiens présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Nouvelle Vague, à la régie autonome des transports parisiens, à Ile-de-France mobilités, à la SASU Eiffage génie civil et à la SAS Razel Bec.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Vrignon-Villaba, présidente-assesseure,

- Mme Jayer, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2024.

La rapporteure,

M-A... La présidente,

A. Menasseyre

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA00643


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00643
Date de la décision : 10/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MENASSEYRE
Rapporteur ?: Mme Marie-Dominique JAYER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : MOSER ABREU RIBEIRO

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-10;23pa00643 ?
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