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10/06/2024 | FRANCE | N°23PA00564

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 8ème chambre, 10 juin 2024, 23PA00564


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 9 février 2023 et le 15 janvier 2024, la SAS Sud A..., représentée par Me Vieux-Rochas, demande à la cour :



1°) d'annuler la décision du 16 novembre 2022 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a rejeté sa candidature en vue d'exploiter un service de radio de catégorie E par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Sud A... dans la zone de Troyes ;



) de mettre à la charge de l'ARCOM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de ju...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 9 février 2023 et le 15 janvier 2024, la SAS Sud A..., représentée par Me Vieux-Rochas, demande à la cour :

1°) d'annuler la décision du 16 novembre 2022 par laquelle l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) a rejeté sa candidature en vue d'exploiter un service de radio de catégorie E par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence dénommé Sud A... dans la zone de Troyes ;

2°) de mettre à la charge de l'ARCOM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision rejetant sa candidature, dont la signature ne permet pas d'identifier l'auteur, est entachée d'incompétence et d'un vice de forme et méconnaît, dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- par voie de conséquence, elle ne permet pas de certifier que les mentions du procès-verbal de la réunion du 16 novembre 2022 du collège plénier de l'ARCOM sont conformes aux débats ;

- l'ARCOM a commis une erreur d'appréciation en rejetant sa candidature alors que sa programmation originale dédiée au rugby, son choix éditorial et ses émissions variées sont susceptibles d'intéresser un large public, que son public cible, âgé de 25 à 64 ans, correspond à la tranche d'âge la plus nombreuse dans la zone de Troyes et que la population située dans la tranche d'âge de 15 à 30 ans est suffisamment pourvue en services radio avec A... Campus Troyes, Chérie FM Troyes, NRJ Troyes, Fun A... et Virgin A... ;

- les programmations du service radio Troyes Aube A... en catégorie A et du service A... Star en catégorie B présentent des similarités et la programmation musicale de Troyes Aube A... est semblable à celle que proposent les radios de catégorie D ; le contenu des programmes doit être apprécié au regard de la diffusion des programmes et non pas au vu des seuls dossiers de candidature et des conventions ;

- les radios M A..., RTL 2 et Skyrock présentent une importante similitude avec des radios déjà autorisées ;

- son offre aurait permis de mieux satisfaire l'intérêt du public et de garantir l'impératif prioritaire de sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels dans la zone de Troyes, notamment dans un contexte de rareté de la ressource radioélectrique ;

- en consacrant un nombre élevé de radios de catégorie D et en n'autorisant aucune radio en catégorie E, la décision en litige ne permet pas une répartition équilibrée des fréquences entre chaque catégorie de services radio alors qu'une telle répartition participe au respect du pluralisme des courants d'expression socio-culturels et contribue à la satisfaction des différents intérêts du public de la zone de Troyes ;

- l'ARCOM a méconnu le juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part ;

- l'ARCOM a méconnu l'impératif prioritaire de diversification des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante dès lors que trois groupes se partagent de manière dominante et abusive le marché radiophonique.

Par des mémoires en défense enregistrés le 5 mai 2023 et le 24 avril 2024, l'ARCOM conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un courrier du 14 mai 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office l'irrecevabilité, pour tardiveté, du moyen tiré de ce que l'octroi des autorisations au service Rire et Chansons, appartenant au groupe NRJ, et au service RTL 2 appartenant au groupe M6, méconnaîtrait l'impératif prioritaire de diversification des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante, qui a été soulevé dans la requête enregistrée le 9 février 2023, c'est-à-dire plus de deux mois après la publication au Journal officiel de la République française du 29 novembre 2022 des décisions de l'ARCOM du 16 novembre 2022 autorisant ces services.

Par un mémoire enregistré le 16 mai 2024, l'ARCOM soutient que cette irrecevabilité est fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Larsonnier,

- les conclusions de Mme Bernard, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vieux-Rochas, représentant la société Sud A....

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n° 2021-102 du 17 février 2021, publiée au Journal officiel de la République française du 2 mars 2021, modifiée par une décision n° 2021-876 du 28 juillet 2021, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, devenu l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) le 1er janvier 2022, a lancé un appel à candidatures pour l'exploitation de services de radio par voie hertzienne terrestre en modulation de fréquence à temps complet dans le ressort du comité territorial de l'audiovisuel de Nancy. La société Sud A... a présenté sa candidature pour la diffusion d'un service de radio de catégorie E dénommé Sud A... dans la zone de Troyes. Par une décision du 16 novembre 2022, notifiée par un courrier du 16 décembre 2022, l'ARCOM a rejeté sa candidature. La société Sud A... demande à la cour d'annuler cette décision.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité externe :

2. Aux termes de l'article 32 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction applicable à la décision attaquée : " (...) Les refus d'autorisation sont motivés et sont notifiés aux candidats dans un délai d'un mois après la publication prévue à l'alinéa précédent. Lorsqu'ils s'appliquent à un service de radio diffusé par voie hertzienne terrestre, ils peuvent être motivés par référence à un rapport de synthèse explicitant les choix du conseil au regard des critères mentionnés aux articles 1er et 29 ". Aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et 1'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ".

3. Lorsqu'une décision est prise par une autorité à caractère collégial, il est satisfait aux exigences découlant de ces prescriptions dès lors que la décision comporte la signature du président de cette autorité, accompagnée des mentions, en caractères lisibles, prévues par l'article L. 212-1. Il ressort des pièces du dossier que le refus d'accorder à la société requérante une autorisation d'exploiter le service Sud A... dans la zone de Troyes a été décidé par le collège de l'ARCOM dans sa séance plénière du 16 novembre 2022 et que l'exemplaire du procès-verbal de cette séance notifié à la société requérante comporte seulement une signature illisible assortie de la mention " secrétariat du collège ". Toutefois, ce procès-verbal a été notifié à la société Sud A... par un courrier du 16 décembre 2022 signé par Roch-Olivier Maistre, président de l'ARCOM, dont le prénom, le nom et la qualité étaient indiqués. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait irrégulière faute de signature identifiable doit être écarté.

4. Par ailleurs, si la société requérante allègue que les mentions du procès-verbal de la séance du collège plénier de l'ARCOM du 16 novembre 2022 ne seraient pas conformes aux échanges de ce collège plénier, elle ne produit aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations.

En ce qui concerne la légalité interne :

5. L'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoit que l'usage des fréquences pour la diffusion de services de radio par voie hertzienne terrestre est autorisé par le Conseil supérieur de l'audiovisuel, devenu l'ARCOM, dans les conditions prévues par cet article et qu'il publie une liste de fréquences disponibles ainsi qu'un appel à candidatures pour les zones géographiques et les catégories de services qu'il a préalablement déterminées. Aux termes de ce même article, dans sa rédaction issue de la loi du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux œuvres culturelles à l'ère numérique : " L'autorité accorde les autorisations en appréciant l'intérêt de chaque projet pour le public, au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels, la diversification des opérateurs, et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence. / Elle tient également compte : / 1° De l'expérience acquise par le candidat dans les activités de communication ; / 2° Du financement et des perspectives d'exploitation du service notamment en fonction des possibilités de partage des ressources publicitaires entre les entreprises de presse écrite et les services de communication audiovisuelle ; / 3° Des participations, directes ou indirectes, détenues par le candidat dans le capital d'une ou plusieurs régies publicitaires ou dans le capital d'une ou plusieurs entreprises éditrices de publications de presse ; / 4° Pour les services dont les programmes comportent des émissions d'information politique et générale, des dispositions envisagées en vue de garantir le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion, l'honnêteté de l'information et son indépendance à l'égard des intérêts économiques des actionnaires, en particulier lorsque ceux-ci sont titulaires de marchés publics ou de délégations de service public ; / 5° De la contribution à la production de programmes réalisés localement ; / (...) / L'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique veille, sur l'ensemble du territoire, à ce qu'une part suffisante des ressources en fréquences soit attribuée aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, entendue comme le fait de favoriser les échanges entre les groupes sociaux et culturels, l'expression des différents courants socio-culturels, le soutien au développement local, la protection de l'environnement ou la lutte contre l'exclusion. / L'autorité veille également au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part. / Elle s'assure que le public bénéficie de services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale. (...) ".

6. Par deux communiqués n° 34 du 29 août 1989 et n° 281 du 10 novembre 1994, le conseil supérieur de l'audiovisuel, faisant usage de la compétence qui lui a été conférée par l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, a déterminé cinq catégories de services en vue de l'appel à candidature pour l'exploitation de services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne terrestre. Ces cinq catégories, rappelées par l'appel à candidatures du 17 février 2021, sont ainsi définies : services associatifs éligibles au fonds de soutien, mentionnés à l'article 80 de la loi (catégorie A), services locaux ou régionaux indépendants ne diffusant pas de programme national identifié (catégorie B), services locaux ou régionaux diffusant le programme d'un réseau thématique à vocation nationale (catégorie C), services thématiques à vocation nationale (catégorie D), et services généralistes à vocation nationale (catégorie E).

7. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'extrait du procès-verbal du collège plénier du 16 novembre 2022, que dans la zone de Troyes étaient autorisés, avant l'appel à candidatures du 17 février 2021, les services A... Campus Troyes et Thème A... en catégorie A, les radios Champagne FM et Latitude en catégorie B, les services Chérie FM Troyes et NRJ Troyes en catégorie C, les services Beur FM, Fun A..., Jazz A..., Latina, Nostalgie, A... Classique, RFM et Virgin A... en catégorie D, les services Europe 1, RMC et RTL en catégorie E ainsi que les radios du service public France Bleu Bourgogne, France Bleu Champagne-Ardenne, France Culture, France Info, France Inter et France Musique. Six fréquences étaient disponibles dans cette zone et trente-trois candidatures ont été considérées comme recevables. A l'issue de l'appel à candidatures, l'ARCOM a retenu les candidatures des services Troyes Aube A... en catégorie A, A... Star en catégorie B et M A..., Rire et Chansons, RTL 2 et Skyrock en catégorie D. Elle a rejeté la candidature du service Sud A... aux motifs que le public de la zone bénéficie déjà avec Europe 1, RMC, RTL, France Inter et France Info, et dans une moindre mesure avec France Culture, France Bleu Bourgogne et France Bleu Champagne-Ardenne, de huit services dont les programmes contribuent à l'information politique et générale, que Sud A... s'avère ainsi susceptible de contribuer dans une moindre mesure à la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels et de répondre dans une moindre mesure à l'intérêt du public de la zone que les services radio retenus et qu'au surplus, les services Rire et Chansons, RTL 2 et Skyrock, candidats retenus en catégorie D, bénéficient d'une expérience dans la zone depuis 2003 ainsi que d'une audience significative, atteignant respectivement 2,4 %, 4,5 % et 8,2 % d'audience cumulée pour la période comprise entre septembre 2020 et juin 2021, et que la disparition de ces services serait, par suite, de nature à mécontenter l'auditoire de la zone de Troyes.

S'agissant de l'intérêt du public et de l'impératif prioritaire de la sauvegarde du pluralisme des courants d'expression socio-culturels :

8. En premier lieu, à l'issue de l'appel à candidatures, la zone de Troyes compte trois radios en catégorie A, trois en catégorie B, deux en catégorie C, douze en catégorie D et trois en catégorie E. S'il existe des similitudes entre les programmes musicaux des radios M A..., RTL 2 et Skyrock, d'une part, et ceux des radios Chérie FM, RFM et NRJ, services déjà autorisés dans la zone, d'autre part, relevées par le baromètre Yacast dans son étude portant sur la période de janvier à mars 2023 et comprises entre 23,8 % et 33,6 %, il n'en résulte pas, contrairement à ce que soutient la société requérante, que le nombre de radios autorisées en catégorie D soit de nature à porter atteinte au pluralisme des courants d'expression socio-culturels. En outre, eu égard au nombre de services radio dans chacune des différentes catégories, l'ARCOM n'a pas méconnu l'exigence de juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part.

9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que ce service propose une programmation généraliste essentiellement parlée et centrée sur l'information générale, sociale, politique et sportive. Ses programmes quotidiens comportent ainsi au moins six heures d'informations et d'émissions à contenu éditorial auxquelles s'ajoutent des émissions de divertissement et des émissions interactives avec les auditeurs d'une durée quotidienne d'au moins cinq heures en semaine. En outre, sa programmation accorde une place particulière au rugby, en couvrant tant les compétitions prestigieuses que les championnats moins exposés médiatiquement, par une équipe de journalistes et de consultants spécialisés.

10. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier qu'avant l'appel à candidatures dans la zone de Troyes étaient autorisés en catégorie E, ainsi qu'il a déjà été dit, les services radio Europe 1, RTL et RMC. Il ressort des conventions de ces services radio conclues avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel en 2020 que ces services proposent une programmation généraliste parlée à hauteur d'environ 80 % du temps d'antenne pour Europe 1 et RTL et de 100 % pour RMC, centrée sur l'information politique et générale. Ces services proposent ainsi des programmes généralistes, accordant une large place à l'information ainsi qu'au divertissement s'agissant d'Europe 1 et RTL, et au sport en ce qui concerne RMC, dont le programme " orienté sport " couvre non seulement le football et la formule 1, comme le relève la société requérante, mais également le rugby. Par ailleurs, sont également diffusées dans la zone des radios du service public dont la programmation propose également de l'information politique et générale, c'est-à-dire France Inter et France Info, et, dans une moindre mesure, France Culture, France Bleu Bourgogne et France Bleu Champagne.

11. Ensuite, alors que l'article 29 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit que l'ARCOM veille à l'attribution d'une part suffisante des ressources en fréquences aux services édités par une association et accomplissant une mission de communication sociale de proximité, ainsi qu'au juste équilibre entre les réseaux nationaux de radiodiffusion, d'une part, et les services locaux, régionaux et thématiques indépendants, d'autre part, la zone de Troyes ne comptait, avant l'appel à candidatures, que deux radios en catégorie A et deux radios en catégorie B. Il ressort des pièces du dossier, notamment des dossiers de candidatures du service Troyes Aube A... et du service A... Star, que si ces services proposent tous les deux un programme d'intérêt local, conformément aux critères des catégories A et B dans lesquelles ils ont respectivement candidaté, le programme d'intérêt local du service Troyes Aube A... d'une durée de 23h55 est centré sur la zone de Troyes avec des informations et rubriques locales propres à cette zone d'une durée quotidienne moyenne de 2h22, alors que celui du service A... Star, d'une durée quotidienne de 21h05, est axé sur l'information régionale et locale à hauteur de 1h06. En outre, le service Troyes Aube A..., qui propose de favoriser le lien social et la proximité au travers de ses magazines, chroniques et émissions événementielles, a développé des partenariats avec de nombreuses collectivités publiques ou institutions dont elle relaye l'actualité dans ses magazines ou lors de reportages, comme la ville et la métropole de Troyes, le département de l'Aube, l'agence régionale de santé Grand Est, les hôpitaux Champagne Sud ou l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, ou encore l'Ecole de la deuxième chance, le Groupe La Salle ou la mission locale de Troyes. Le service A... Star, qui se présente comme une " radio intergénérationnelle populaire ", propose une programmation parlée axée sur l'information locale et régionale, qui couvre ainsi, dès 5 h du matin, les zones de Troyes, Bar-sur-Aube, Vitry-le-François et Bar-sur-Seine, avec notamment des informations sur le trafic routier en temps réel, des rubriques dédiées aux offres d'emploi dans la région et aux demandes d'emploi des auditeurs, aux propositions de sorties, aux jeux interactifs, en invitant les auditeurs à intervenir sur l'antenne. Dans ces conditions, même si le contenu des programmes d'intérêt local de ces services peut se recouper en partie quant aux informations propres à la zone de Troyes, et si le programme d'intérêt local du service Troyes Aube A... est complété par une programmation musicale, ces services sont, chacun, susceptibles de répondre à des besoins spécifiques des auditeurs de la zone.

12. Enfin, il ressort des données de l'INSEE, versées au dossier par la société requérante, qu'en 2019, la tranche d'âge de 15 à 29 ans, qui comprenait 15 679 habitants, soit 25,3 % des habitants de la ville, était la plus représentée à Troyes. Avant l'appel à candidatures, ce public de jeunes et de jeunes adultes bénéficiait notamment de cinq services radio, soit A... Campus Troyes en catégorie A, Chérie FM Troyes et NRJ Troyes en catégorie C, et Fun A... et Virgin A... en catégorie D. Si les radios RTL 2 et Skyrock autorisées en catégorie D au terme de l'appel à candidatures visent ce même public de jeunes et jeunes adultes et si les programmations musicales de ces radios peuvent avoir en commun des genres musicaux avec des radios précédemment autorisées, il ressort toutefois de l'étude Yacast pour la période de janvier à mars 2023, qui porte sur toutes ces radios à l'exception de A... Campus Troyes, que chacune conserve ses spécificités. Ainsi, les programmes spécifiques de RTL 2, qui diffuse essentiellement de la pop-rock, et de Skyrock, qui est la seule radio à diffuser majoritairement du rap, permettent de compléter utilement l'offre des services à destination du public des jeunes et jeunes adultes, particulièrement représenté dans la zone de Troyes. En outre, il ressort des pièces du dossier que ces deux radios bénéficient d'une expérience dans la zone depuis 2003 et d'une audience significative, à hauteur respectivement de 4,5 % et 8,2 % d'audience cumulée pour la période de septembre 2020 à juin 2021. Il s'ensuit que la disparition de ces services radio aurait méconnu l'intérêt du public.

13. Il résulte de ce qui précède que la zone de Troyes disposait déjà d'au moins trois services de radio privés et deux radios du service public proposant des programmes contribuant à l'information politique et générale et que la programmation généraliste du service Sud A..., centrée sur l'information générale, sociale, politique et sportive - même si cette dernière est dédiée au rugby, sport qui serait en plein essor dans la zone de Troyes - est susceptible de répondre dans une moindre mesure à l'intérêt du public de la zone que, d'une part, les services Troyes Aube A... et A... Star, proposant un programme d'intérêt local spécifique dans une zone qui en était peu pourvue, et, d'autre part, les services RTL 2 et Skyrock, proposant une programmation musicale à destination du public le plus représenté dans la zone, celui des jeunes et des jeunes adultes, et les services M A... et Rire et Chansons, dont la société requérante ne conteste pas le caractère original de la programmation. Par suite, et alors que la société requérante se prévaut d'une audience cumulée sur internet de 0,2 % sur la zone de Troyes et de 0,3 % dans le département de l'Aube, l'ARCOM, qui pouvait porter son appréciation sur le contenu des programmes au vu des conventions passées avec les différents services, n'a pas commis d'erreur de droit, ni inexactement apprécié l'intérêt du public de la zone, et n'a pas ainsi méconnu l'impératif prioritaire du pluralisme des courants d'expression socio-culturels en rejetant la candidature de Sud A....

S'agissant de l'impératif prioritaire de diversification des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante :

14. La société Sud A... soutient que l'ARCOM a méconnu l'impératif prioritaire de diversification des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante, eu égard au fait que les groupes Lagardère Active, M6 et NRJ Group bénéficient de plus de fréquences que les autres opérateurs. Elle doit ainsi être regardée comme contestant les autorisations accordées au service radio Rire et Chansons, qui appartient au groupe NRJ, et au service radio RTL 2, qui appartient au groupe M6, dès lors qu'aucune autorisation n'a été accordée, à l'issue de l'appel à candidatures du 17 février 2021, à un service contrôlé par le groupe Lagardère Active. Toutefois, les autorisations accordées par l'ARCOM le 16 novembre 2022 aux groupes NRJ et M6 dans la zone de Troyes ont été publiées au Journal officiel de la République française du 29 novembre 2022. Ces décisions étant déjà devenues définitives à la date du 9 février 2023 à laquelle la société requérante a invoqué le moyen tiré de ce que les autorisations accordées aux services radio Rire et Chansons et RTL 2 méconnaîtraient l'impératif prioritaire de diversification des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante, cette exception d'illégalité est tardive et, par suite, irrecevable.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sud A... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 16 novembre 2022 par laquelle l'ARCOM a rejeté sa candidature en vue d'exploiter le service de radio Sud A... dans la zone de Troyes.

Sur les frais liés à l'instance :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'ARCOM, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la société Sud A... demande au titre des frais liés à l'instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Sud A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sud A... et à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.

Délibéré après l'audience du 23 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Fombeur, présidente de la cour,

- Mme Menasseyre, présidente de chambre,

- Mme Larsonnier, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2024.

La rapporteure,

V. Larsonnier La présidente,

P. Fombeur

Le greffier,

P. Tisserand

La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23PA00564 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 8ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA00564
Date de la décision : 10/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. FOMBEUR
Rapporteur ?: Mme Virginie LARSONNIER
Rapporteur public ?: Mme BERNARD
Avocat(s) : VIEUX-ROCHAS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-10;23pa00564 ?
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