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07/06/2024 | FRANCE | N°23PA04900

France | France, Cour administrative d'appel de PARIS, 9ème chambre, 07 juin 2024, 23PA04900


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.



Par un jugement n° 2306282 du 6 novembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.




r> Procédure devant la Cour :



Par une requête enregistrée le 29 novembre 2023, Mme B..., représentée par...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 27 avril 2023 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être renvoyée.

Par un jugement n° 2306282 du 6 novembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 29 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Cloris, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 6 novembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence algérien dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au bénéfice de son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les juges de première instance ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance, par l'arrêté attaqué, de l'autorité de la chose jugée qui s'attache à un précédent jugement du tribunal administratif de Montreuil ;

- l'arrêté en litige est entaché d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;

- il méconnaît l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observation.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Lorin a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante algérienne née le 25 mai 1948, a sollicité le renouvellement de son titre de séjour délivré en raison de son état de santé. Par un arrêté du 27 avril 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée. Mme B... relève régulièrement appel du jugement du 6 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., entrée en France au mois d'août 2019, a été prise en charge au sein du service de chirurgie digestive et oncologique de l'hôpital Bicêtre pour soigner un cancer des voies digestives dont le traitement par radiothérapie et chimiothérapie a été à l'origine de séquelles invalidantes. Les multiples pathologies de longue durée dont elle souffre et qui ne sont pas toutes stabilisées, notamment un diabète insulino-dépendant compliqué de rétinopathie diabétique, nécessitent un suivi rapproché et spécialisé. Mme B... présente ainsi un état de santé dont le défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, comme le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration l'a d'ailleurs relevé dans un avis du 14 janvier 2023. Il ressort également des pièces du dossier que Mme B..., veuve et âgée de soixante-quinze ans à la date de l'arrêté attaqué, est en perte d'autonomie majeure compte tenu de son état de santé qui nécessite l'assistance d'une tierce personne dans les actes de la vie courante. Cette aide lui est apportée par sa fille, de nationalité française, chez laquelle elle réside depuis son arrivée en France et qui a dû abandonner son activité professionnelle pour assister sa mère. Par suite, il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce, qu'en rejetant la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par l'intéressée et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché l'arrêté attaqué d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ces mesures sur sa situation personnelle.

3. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté du 6 novembre 2023, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 avril 2023.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Eu égard au motif d'annulation retenu, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis ou le préfet territorialement compétent délivre à Mme B... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent l'arrêt. Il n'y a pas lieu en revanche d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés à l'instance :

5. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Cloris renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Cloris de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 112 du décret du 28 décembre 2020 visés ci-dessus.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2306282 du 6 novembre 2023 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 27 avril 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis ou au préfet territorialement compétent de délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " à Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 200 euros à Me Cloris, conseil de Mme B..., dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et l'article 112 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- M. Carrère, président,

- M. Soyez, président assesseur,

- Mme Lorin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 7 juin 2024.

La rapporteure,

C. LORIN

Le président,

S. CARRERE La greffière,

E. LUCE

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23PA04900


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de PARIS
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 23PA04900
Date de la décision : 07/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CARRERE
Rapporteur ?: Mme Cécile LORIN
Rapporteur public ?: M. SIBILLI
Avocat(s) : CLORIS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-07;23pa04900 ?
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